Eurotunnel espère un plan de sauvegarde et renvoie les créanciers dos à dos

 
 
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Le PDG d’Eurotunnel Jacques Gounon, lors d’une conférence de presse à Paris le 13 juillet 2006 (Photo : Denis Charlet)

[13/07/2006 18:34:42] PARIS (AFP) L’opérateur du tunnel sous la Manche Eurotunnel attendra jusqu’au 25 juillet pour savoir s’il peut bénéficier d’une procédure de sauvegarde après l’échec des négociations avec certains créanciers, sur lesquels le PDG fait peser la pression en les mettant dos à dos.

Le patron d’Eurotunnel, Jacques Gounon, s’est rendu dans la matinée au Tribunal de commerce de Paris pour demander une procédure de sauvegarde. Le Tribunal a mis sa décision en délibéré jusqu’au 25 juillet.

Peu après, M. Gounon, au cours d’une conférence de presse, a renvoyé la balle dans le camp des créanciers, pour les forcer à assouplir leur position sur la restructuration de la dette de plus de 9 milliards d’euros.

“J’appelle de mes voeux les créanciers juniors et les créanciers subordonnés à négocier. Ca ne concerne plus l’entreprise, cela ne sert à rien de me demander de négocier”, a-t-il déclaré, mettant la pression sur les créanciers, avant le déclenchement éventuel de la procédure de sauvegarde. “C’est à l’ensemble des créanciers de se réunir entre eux”, a-t-il martelé.

Dans la nuit de mercredi à jeudi, les dernières négociations avaient échoué après que les créanciers minoritaires “emmenés par Deutsche Bank” avaient rejeté la “dernière tentative d’arriver à un accord consensuel avec l’ensemble des créanciers d’Eurotunnel”.

Fin mai, les créanciers majoritaires, principalement des banques, avaient accepté un accord de principe prévoyant l’effacement de la moitié de la dette dans le cadre d’un plan de refinancement présenté par la direction.

Mais les minoritaires, regroupant des banques, des fonds d’investissement et des porteurs d’obligations individuels, étaient farouchement opposés à ce plan et l’ont fait échouer.

Eurotunnel bénéficiera d’un gel de ses dettes si la justice lui accorde la procédure de sauvegarde, une nouveauté inspirée du droit américain instaurée en France depuis janvier.

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Un train Eurostar sort du tunnel sous la Manche à Coquelles, le 13 juillet 2006 (Photo : Denis Charlet)

Le PDG Jacques Gounon laissait percevoir son amertume jeudi: “je ne comprends pas comment une grande institution comme Deutsche Bank a pu maintenir ses exigences déraisonnables sans apprécier la responsabilité qu’elle prenait vis-à-vis de 2.300 salariés et de 800.000 actionnaires”.

Le groupe a également dû repousser +sine die+ une assemblée générale convoquée pour le 27 juillet.

De leur côté, les créanciers, dans leur ensemble, affirmaient toujours croire en une “solution consensuelle”.

Certaines voix se sont aussi élevées contre le mutisme de la classe politique, parfois prompte à commenter les difficultés de certaines sociétés.

“Ca fait des années qu’on attend du soutien politique qui n’est jamais arrivé”, a déclaré jeudi un des représentants du personnel (CFDT) au comité d’entreprise, Anthony Haines.

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Chiffre d’affaires et résultat net d’Eurotunnel (Photo : Laurence Saubadu)

Pour Colette Neuville, présidente de l’Association des actionnaires minoritaires (Adam), ce silence représente même “le grand scandale” de l’affaire Eurotunnel. “On n’entend personne se prononcer”, a-t-elle déploré.

Seulement deux personnalités politiques se sont exprimées jeudi, le ministre des Transports Dominique Perben, qui a appelé à préserver “les droits des petits actionnaires”, et le président de la Commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale, Patrick Ollier, qui a déclaré qu’il n’osait “imaginer que quelqu’un souhaite un dépôt de bilan”.

Le PDG ne semble pour sa part pas s’émouvoir de ce silence: “on s’est débrouillé pendant quinze mois (pour négocier) sans l’aide de personne”.

Le tunnel sous la Manche continuera quoiqu’il arrive à fonctionner normalement, en vertu des dispositions prévues lors du lancement du projet il y a 20 ans.

 13/07/2006 18:34:42 – © 2006 AFP