Droit d’auteur : un projet plein de bonnes intentions, mais sans garantie

 
 
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Un internaute télécharge de la musique sur son iPod (Photo : Olivier Stratmann)

[23/06/2006 17:02:08] PARIS (AFP) Le projet de loi sur le droit d’auteur, adopté jeudi par les députés et sénateurs réunis en Commission Mixte Paritaire, ne garantit pas la possibilité d’écouter sa musique sur l’appareil de son choix, déplorent les consommateurs, qui estiment être les perdants de cette nouvelle version du texte.

Le ministre de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres a finalement accepté de voir le principe de l’interopérabilité, qu’il défendait, sérieusement amputé dans la version finale.

Celle-ci sera soumise à un vote définitif, le 30 juin, au cours de sessions qui s’annoncent difficiles, et fera l’objet de recours devant le Conseil Constitutionnel, ont promis des opposants, de droite comme de gauche.

L’interopérabilité désigne la possibilité de lire sur n’importe quel appareil (baladeur, chaîne Hi-Fi, ordinateur ou magnétoscope numérique…) une oeuvre achetée sur internet. Sur ce point crucial, le projet de loi, tout en réaffirmant solennellement le principe, a renvoyé son application à une Autorité de régulation.

Cette nouvelle structure administrative, imaginée par les sénateurs, aura un pouvoir d’injonction et de sanction, et devra également gérer le droit à la copie privée, c’est à dire les redevances payées par les consommateurs sur chaque appareil permettant des enregistrements.

Mais cette Autorité de régulation ne pourra pas pour autant être saisie par les consommateurs, individuellement ou par l’intermédiaire des associations de consommateurs.

L’UFC-Que Choisir a estimé que ce point central était “difficilement acceptable”, tandis que la CLCV (Commission Logement et Cadre de Vie) a craint qu’une telle disposition ne constitue “simplement le moyen de laisser quelques acteurs majeurs imposer leur loi par le biais d’une négociation déséquilibrée”.

Certains députés favorables à l’interopérabilité, comme Christian Paul (PS), ont d’emblée accusé le gouvernement d’avoir “capitulé devant Apple”.

Même s’il n’est pas le seul fabricant à imposer ses verrous de lecture – les “MTP” (mesures techniques de protection) plus généralement appelés “DRM” (pour Digital Rights Management) -, Apple est en première ligne de la bataille, puisqu’il domine le marché mondial du téléchargement de musique, mais aussi en raison de la vigueur de sa défense.

Le groupe américain, qui doit aussi faire face à des poursuites en Suède, Danemark et Norvège et à des critiques des industries de média en Grande-Bretagne, avait en effet qualifié de “piratage sponsorisé par l’Etat” la première version de la loi sur le droit d’auteur adoptée par les députés.

Le groupe californien a répondu vendredi qu’il “attendait la fin du processus législatif” pour se prononcer.

Et, selon un porte-parole londonien, Apple “espère que la loi française laissera le marché très concurrentiel de la musique être dirigé par les choix des consommateurs, qui décideront quels seront les lecteurs de musique et les magasins de téléchargement de musique qui leur seront offerts”.

Le projet de loi mentionne également que l’Autorité de régulation devra juger si les freins à l’écoute imposés par le fabricant incriminé dépassent les volontés des auteurs de musique, photos, textes, video… Ce qui pourrait permettre à Apple d’obtenir l’accord de maisons de disques lors de la négociation des droits pour son magasin en ligne iTunes.

Sur de nombreux forums internet, les réactions tournaient vendredi autour du thème: “les parlementaires ont finalement décidé de légaliser les verrous numériques? Eh bien piratons!”.

 23/06/2006 17:02:08 – © 2006 AFP