Dette, pétrole, OMC…Des sujets à consensus impossible

Par : Autres
 

___________________________________

Par
Tallel
BAHOURY

 

bad2_241105.jpgIls étaient
une quarantaine des 53 ministres des Finances des pays africains à faire le
déplacement de Tunis, à l’invitation de la Banque africaine de développement
afin d’examiner quatre questions, à savoir ‘’l’initiative du G8 pour
l’annulation de la dette et les défis liés au financement des Objectifs du
développement du Millénaire’’, ‘’l’analyse des besoins panafricains’’,
‘’l’impact de la hausse des prix du pétrole en Afrique’’, ainsi que ‘’les
enjeux du Cycle de Doha’’. Espérer trouver un consensus était un pari
difficile voire impossible !

La présence massive de ministres des Finances africains des Finances, mais
également des représentants des différentes communautés économiques
africaines (BCEAO, CEMAC, COMESA, SADEC, UEMOA, CEEAC…) ainsi que les
secrétaires exécutifs de la CEA et du NEPAD) à cette réunion informelle de
Tunis montre qu’il s’agit de questions essentielles pour les économies
africaines. Donc une initiative à saluer à sa juste valeur.

En examinant la situation de l’ensemble des pays africains, on constate que
le seul point commun entre eux, aujourd’hui, c’est le sous-développement. Et
face aux questions auxquelles les ministres étaient appelés à discuter
durant ces deux jours, tout semble –ou presque- séparer.

Analysons point par point les quatre questions de l’ordre du jour.

L’annulation de la dette : comment éviter l’envers de la médaille !

En soit, l’initiative prise par les pays du G8 en juillet dernier à
Gleeneagles (Ecosse) pour l’annulation de la dette certains pays très
endettés est une excellence chose.

Cependant, il faut bien noter que seuls 14 pays du continent sont concernés
par cette annulation. Et les autres ?

Pour les autres, eh bien ils se répartissent en deux groupes : ceux qui
espèrent en bénéficier un jour, et ceux qui ne le souhaitent pas ; ces
derniers ont peut-être raison. Car les mécanismes de cette annulation sont
complexes et comportent des revers de la médaille. Est-ce qu’il s’agit
d’effacer une fois pour toutes, on en parle plus, et on recommence à zéro,
ou bien les pays donateurs vont retrancher ce qu’ils ont effacé sur les
promesses qu’ils avaient faites ? Dans ce cas, comment vont-ils financer
leurs projets de développement ?

Aujourd’hui, il est difficile de répondre à ces questions. Mais une chose
est sûre : ces pays dont la dette sera annulée ne pourront de toutes les
façons jamais la rembourser. Un ancien chef d’Etat africain disait : ‘’Toute
aide qui ne nous aide pas à nous passer de l’aide doit être rejetée’’. Nous
en conviendrons avec lui que l’aide reçue par l’Afrique n’a fait que de la
mettre dans une situation de quémandeur…

En fait, ce qui était proposé aux participants à travers cette annulation,
c’était d’examiner une question qui ne les concernait pas tous. Et
communiqué final sur cette question n’a fait qu’exprimer : «… Ils (les
ministres) ont exhorté les pays donateurs à ne pas imposer de conditions
supplémentaires, et à veiller à ce que les engagements souscrits dans le
cadre de l’initiative en matière d’annulation de la dette multilatérale
entraînent effectivement l’annulation de 100% de l’encours de la dette
décaissée, y compris la dette envers le guichet non concessionnel de la BAD…».

Pétrole : les grands, les petits, les futurs et les autres

Concernant l’impact et les implications de la hausse des prix du pétrole en
Afrique, là également le consensus paraissait presque impossible. Pour une
raison évidente. L’Afrique est composée des grands pays producteurs de l’or
noir (Algérie, Libye, Angola et Nigeria), des petits pays producteurs
(République centrafricaine, Congo, Tunisie, Gabon…), des pays en devenir
(Mauritanie, Tchad, Mali, Guinée-Conakry …), et ceux qui n’espèrent pas.
Donc, selon ces différentes catégories, il va sans dire que cette flambée du
prix du baril arrange les uns au détriment des autres. D’ailleurs, des pays
comme la Mauritanie et le Tchad, on imagine bien, qu’ils souhaiteraient que
cette flambée perdure…

Ce qui est étonnant, c’est que le communiqué final ne mentionne nulle part
de solidarité africaine en matière de pétrole. Tout au plus, «ils ont
proposé d’étudier la possibilité de créer un fonds spécial pétrolier», tout
en lançant ‘’un appel aux compagnies pétrolières afin qu’elles utilisent une
partie des gains tirés de la hausse des prix du pétrole pour apporter des
contributions volontaires à un fonds pétrolier afin d’aider les pays
africains à absorber le choc et soutenir leurs efforts de développement…».

Les enjeux de Doha : désunis à l’intérieur et unis à l’extérieur !

En l’absence des ministres du Commerce, ce sont ceux des Finances qui se
sont chargés d’examiner les enjeux des négociations de l’OMC, connues sous
le nom de ‘’Cycle de Doha’’, dont la réunion aura lieu du 13 au 18 décembre
prochain à Hongkong.

Est-ce une nouvelle ère qui pointe à l’horizon pour l’Afrique ? C’est fort
possible, puisque cette fois-ci, il semble que les Africains soient d’accord
pour être d’accord, en étant solidaires et unis dans les négociations
commerciales internationales dans le cadre de l’OMC. Ceci dit, cette union
ne peut être efficace et porter ses fruits que si les pays du continent
développent le commerce interafricain. Car, vouloir aller à Hongkong avec
l’idée d’y jouer la confrontation Nord-Sud risque de se retourner contre les
Africains eux-mêmes, désarmés qu’ils sont face aux multinationales. Et ce,
même s’ils ont raison sur plusieurs points pour ne pas dire sur tous les
points.

Il ne fait aucun doute que l’ombre du fiasco de Cancun (Mexique) a plané sur
les discussions concernant la prochaine réunion de Hongkong. Mais là
également, les pays africains n’étant pas logés à la même enceinte, il y a
risque que cette union affichée par les ministres africains ne soit que de
façade, et qu’à Hongkong chacun essaie de jouer au solitaire. Ce qui serait
dommage, puisque, même unis, les Africains ne pèsent pas, ou très peu, dans
les négociations internationales…

Certes, les économies africaines se ressemblent, mais cela n’empêche pas de
commercer entre eux, puisque forcément les coûts de production ne peuvent
pas être les mêmes partout. D’ailleurs les pays de l’OCDE ont eux aussi des
économies semblables, mais plus de 80% de leur commerce extérieur se font
entre eux. Pourquoi les Africains n’essayeraient pas de tendre vers cet
objectif, au lieu d’avoir le complexe du sous-développé ?

Certains pays comme l’Afrique du Sud, la Tunisie, l’Ile Maurice et bien
d’autres peuvent jouer aujourd’hui de locomotive dans cette perspective,
compte tenu de leur expertise et de leur expérience avérées dans plusieurs
domaines. La Tunisie surtout, que nous connaissons bien, est disposée à
mettre son savoir-faire à la disposition des Africains, et le gouvernement
tunisien ne cesse de prendre des initiatives pour encourager une coopération
sud-sud africaine solidaire.

Pour sa part, la Banque africaine a montré sa volonté et son engagement pour
aider les pays africains à construire les infrastructures nécessaires au
développement du commerce intrafricain.

Pour conclure, saluons cette initiative de la BAD –qui est une première du
genre- de réunir presque la totalité des ministres africains des Finances.
Cependant, nous estimons que l’habit était, peut-être, trop grand,
c’est-à-dire que les questions étaient trop importantes pour être discutées
ensemble, lesquelles questions réunissaient sans doute des pays qui
n’avaient pas les mêmes préoccupations.

Alors, est-ce que le jeu en valait la chandelle ? Seul les prochains mois
apporteront la ou les réponses. En attendant, la BAD et les ministres se
sont donné rendez-vous dans six mois pour des nouvelles discussions.

 

DSC.jpg

 

KQ3.jpg