Développement durable : Les entreprises tunisiennes sont-elles socialement responsables?

Par : Autres
 

Développement durable

___________________________________

Par
Moncef
MAHROUG

 

entr1.jpgA
l’instar de leurs concurrentes à travers le monde, les entreprises
tunisiennes sont invitées à adhérer à un «Pacte Mondial», relatif aux Droits
de l’homme, aux normes du travail, à l’environnement et à la lutte contre la
corruption. Une enquête révèle que bon nombre n’y seraient pas opposées et
donne un éclairage sur ce qui pourrait les motiver en vue de se joindre à ce
mouvement mondial.

A en croie une enquête, les entreprises tunisiennes accordent de
l’importance au volet social de leur activité et sont prêtes, de ce fait, à
adhérer au mouvement du «Pacte Mondial», même si leurs motivations varient.
C’est ce qui ressort d’une enquête sur «la responsabilité sociale de
l’entreprise en Tunisie», présentée jeudi 29 septembre, lors de la journée
de lancement du réseau du Pacte Mondial en Tunisie, organisée par le Bureau
International du Travail (BIT), avec le soutien de la coopération italienne
et en partenariat avec l’Institut de l’Audit Social de Tunisie (IAST), que
dirige M. Mohamed Ennaceur, l’Université Tunis El Manar, l’Union Tunisienne
de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat et le Programme des Nations
unies pour le Développement (PNUD).

L’enquête, réalisée par Social Consult, un Institut d’Etudes, Conseils et
Formation en relations du travail, ressources humaines et développement
durable, a porté sur un échantillon de 144 entreprises tunisiennes et
étrangères. Elle visait à permettre une meilleure connaissance «des attentes
des entreprises opérant en Tunisie quant à leur intérêt à adhérer au Pacte
Mondial», relatif aux Droits de l’homme, aux normes du travail, à
l’environnement et à la lutte contre la corruption, et à leurs besoins en
matières d’adoption de pratiques socialement responsables.

L’enquête révèle, d’abord, qu’«en dépit des efforts déployés par les
pouvoirs publics tunisiens depuis plus de trente ans, la parité homme/femme
en matière d’emploi n’est encore pas réalisée».

Sur le deuxième axe d’analyse, «la présence de responsables sociaux dans les
structures des entreprises enquêtées» -jugée «significative d’un effort de
certification et d’adhésion aux normes (ISO 9000, ISO 14 000, SA 8000)-,
l’enquête nous apprend que 76,36% des entreprises ont un DRH et 80,56% un
responsable de qualité.

Le troisième axe concerne les «priorités et préférences accordées aux
principes du Pacte Mondial dans les entreprises». Les priorités des
entreprises interrogées sont le respect des droits du travailleur (72,92%),
celui des consommateurs, de leur santé et de leur sécurité (64,58%),
l’amélioration des conditions de travail (63,89%), le respect des Droits de
l’homme (63,89%), la protection de l’environnement (59,72%) et le
développement du dialogue social.

Mais l’ordre des priorités diffère selon qu’il s’agit d’une filiale
d’entreprise multinationale ou d’un groupe national. La première privilégie
le respect de l’environnement, des droits des travailleurs et des
consommateurs, alors que la seconde est focalisée «sur l’objectif commercial
du respect des consommateurs et beaucoup moins sur les principes de respect
des droits du travailleur ou le respect de l’environnement».

Concernant les «attentes et les avantages espérés de l’adhésion au Pacte
Mondial» par les entreprises interrogées, ils sont au nombre de quatre :
amélioration de l’image de marque auprès des clients, développement de la
motivation des salariés, satisfaction et fidélisation des consommateurs et
amélioration des parts de marché.

Les obstacles au développement de la responsabilité sociale des entreprises,
telles que perçues par ces dernières, sont au nombre de trois: le manque de
conviction des managers, l’existence d’autres priorités stratégiques pour
l’entreprise et le coût des actions sociales.

Le «projet de développement durable grâce au Pacte Mondial» auquel les
entreprises sont invitées à adhérer est né d’une idée du secrétaire général
des Nations unies, Kofi Annan, qui l’a évoquée pour la première fois à Davos
en janvier 1999.

«S’appuyant sur le pouvoir de l’action collective, le Pacte Mondial
s’attache à promouvoir la responsabilité civique des entreprises afin que le
monde des affaires puisse participer à la recherche de solutions pour
résoudre les problèmes posés par la mondialisation», explique une plaquette
des Nations unies.

Contrairement à l’UTICA, l’initiative a été accueillie avec réserve par l’UGTT.
Pour trois raisons. D’abord, explique M. Mohamed Shimi, secrétaire
général-adjoint de la centrale, le concept de responsabilité sociale de
l’entreprise est «basé sur le principe du volontariat», ce qui veut dire que
«les activités inscrites dans le cadre de la responsabilité sociale de
l’entreprise sont décidées par l’entreprise».
Ensuite, parce qu’il s’agit d’un concept «sujet à interprétation de la part
de l’entreprise».

Enfin, ce concept «pourrait être instrumentalisé pour justifier un
glissement vers des modèles d’expression particulières qui pourraient
engendrer une révision négative des législations du travail», estime la
centrale syndicale. Une hypothèse qu’un responsable de l’O.I.T. a
promptement écartée en réponses aux craintes de l’U.G.T.T. en soulignant que
«l’initiative (du Pacte Mondial, ndlr) est seulement l’un des instruments
pour atteindre les objectifs fixés» et que l’O.I.T. fera tout «pour éviter
l’instrumentalisation de l’initiative».