Où en est Barcelone ?

Par : Autres

Où en est Barcelone ?

 

«Barcelone, dix ans après», c’est autour de ce thème que s’est tenue les
28 et 29 avril dernier que la 8ème édition du Forum International de
Réalités. Le but majeur du Processus de Barcelone était de favoriser
l’expansion d’une dynamique de développement et de prospérité
euro-méditerranéenne dans le cadre de la paix, la sécurité et le respect des
droits et des libertés de tous les partenaires. Après dix ans, il est
nécessaire voire indispensable de se poser la question : Où en est Barcelone
?

Dans son allocution de bienvenue, M. Taîeb Zahar, Directeur de la revue
Réalités a souligné en substane «qu’en dix ans, beaucoup de choses ont été
faites. Mais on sent cependant, surtout chez les peuples de la rive Sud de
la Méditerranée, une certaine déception face à la lenteur du Processus dont
on attendait beaucoup plus que ce qui a été réalisé».
M. Zahar, a aussi mis l’accent sur l’élargissement de l’U.E à 10 nouveaux
membres «en lesquels les pays du Sud voient des concurrents qui pourraient
détourner l’intérêt de l’U.E vers l’Est».

Sur un plan plus restreint, M. Zahar a indiqué «qu’au Maghreb, le Processus
d’intégration n’avance pas, ce qui n’est pas de nature à servir la cause du
Maghreb et par voie de conséquence, celle du partenariat euro-maghrébin.

Après avoir posé les problématiques majeures à traiter, M. Zahar n’a pas
manqué de rappeler que, d’une part, l’Europe a un devoir de solidarité
qu’elle se doit d’assumer dans l’esprit de la conception globale définie par
la Conférence de Barcelone et que, d’autre part, le monde arabe a un devoir
de réforme politique, économique, sociale et culturelle qu’il doit
entreprendre sans plus tarder car c’est une exigence en rapport avec
l’Europe et aussi une attente des peuples.

D’innombrables contraintes …

Pour sa part, M. Mondher Zénaidi, ministre du Commerce et de l’Artisanat a
souligné que «l’écart de développement entre les deux rives augmente,
accentuant ainsi les disparités sur les plans économique, social et
technologique». Et d’ajouter : «Le déséquilibre des échanges reste encore
important et les pays du sud enregistrent des déficits commerciaux
chroniques avec l’U.E».

Même pour les secteurs qui ont un avantage comparatif à l’instar de
l’agriculture, les concessions ne sont pas suffisamment encourageantes et ne
répondent pas aux potentialités offertes par ces secteurs.

Dans le même contexte, M. Zénaidi a signalé «que les échanges
intra-méditerranéens que le Processus de Barcelone s’est proposé de
renforcer sont encore insuffisants puisqu’ils ne représentent en moyenne que
6 à 8% des échanges extérieurs des pays du Sud».

Le ministre a également nombre de contraintes entre les pays
euro-méditerranées, notamment : la soumission de la circulation des
personnes entre les pays de l’U.E et les pays de la Méditerranée du Sud à
des procédures contraignantes, le déficit d’information sur le projet
euro-méditerranéen au niveau des milieux d’affaires, l’insuffisance de
l’appui financier eu égard aux défis que pose le libre échange aux économies
des pays du Sud. Tous ces facteurs font que «la région méditerranéenne ne
réussit toujours pas à se positionner sur l’échiquier économique mondial et
à se présenter à l’instar d’autres régions comme un pôle dynamique, offrant
un marché intégré et suffisamment attractif pour la communauté
internationale des investisseurs, a-t-il souligné.

C’est ce qui explique selon M. Zénaidi «la faiblesse des investissements
directs étrangers qui se dirigent vers la zone méditerranéenne et qui
représentent à peine 5% des flux vers les pays émergents et 1,7% du total
mondial. En 2004, 2% seulement des investissements réalisés par l’U.E à
l’étranger vont dans les pays du sud de la Méditerranée».

Commencer par le local !

«Le partenariat euro-méditerranéen : la dimension économique et financière
», tel était l’intitulé de la première séance plénière des travaux du Forum.

Au cours de son intervention «Evaluation du partenariat économique et
financier euro-méditerranéen, M. Jean-Louis Reiffers, président du Conseil
Scientifique de l’Institut Méditerranéen et Professeur d’économie
internationale, a mentionné que l’accord Sud-Sud n’avance pas du tout et que
le partenariat tourne autour de quelques branches uniquement, ce qui
constitue des points faibles pour ce partenariat. Pour conclure, M. Reiffers
rappelle «la nécessité de faire l’intégration Sud-Sud».

Quant à M. Hassen Abou Ayoub, ancien ambassadeur du Maroc à Paris, il a
indiqué «qu’il y a un énorme décalage entre les objectifs de Barcelone et
les mécanismes qui lui ont été mobilisés». Pour lui, il est inévitable
d’approfondir les réformes, moderniser les infrastructures, promouvoir les
systèmes d’enseignement et de formation et améliorer les conditions
d’investissement aussi bien national qu’international. D’où son à une
restauration de la confiance au niveau local.

«Les bases économique du nouveau partenariat euro-méditerranéen (le défi des
investissements et le rôle du secteur privé) était l’intitulé de la
communication co-présentée par M. Jean Louis Guigou et M. Abderrahmen Hadj
Naceur.
M. Jean Louis Guigou, président du Centre d’Analyse et de Liaison des
Acteurs de la Méditerranée, Calame, s’est posé la question : «Pourquoi
voulez-vous que les investisseurs viennent si la population ouvrière n’a pas
un pouvoir d’achat ?»
Autrement dit, les investisseurs suivent à la fois la main-d’œuvre qualifiée
et le pouvoir d’achat de la population avant de s’engager dans une affaire.

La dimension sous-régionale du partenariat

Au cours des dernières année, la performance économique s’est globalement
améliorée dans l’ensemble des pays membres régionaux d’Afrique du Nord. La
région a réalisé une croissance économique régulière avec un faible niveau
de dette extérieure. La croissance moyenne du PIB réel qui a poursuivi sa
tendance à la hausse depuis 1999, a atteint 2,4 % en 2004 et a permis au
revenu réel moyen par habitant de passer de 1376 dollars américains en 1999
à 1521dollars en 2004.

Aussi les pays d’Afrique du Nord ont les plus bas niveaux de pauvreté sur le
continent africain, ainsi que de meilleurs chances de réaliser les objectifs
de développement pour le millénaire.

En dépit de l’amélioration des conditions de vie dans la sous-région, la
région Euro-Méditerranéenne, et l’Afrique du Nord en particulier, demeure
d’après M.Omar Kabbaj, président du Groupe de la Banque Africaine de
Développement, «confrontée à de sérieux défis d’intégration globale, et
particulièrement au niveau de ses relations avec l’Union européenne, le
principal défi reste la faiblesse de la compétitivité extérieure de la
sous-région face au rythme effréné de la globalisation».

Financement du partenariat économique et financier

M. Radhi Meddeb, expert international et PDG du bureau d’études «COMET
engineering», a dénombré dans ce contexte les différents moyens, instruments
et mécanismes actuels et futurs de ce financement, à savoir le programme
MEDA, la Facilité Euro-Méditerranéenne d’Investissement et de Partenariat
(FEMIP), la Politique Européenne de Voisinage et la Nouvelle Politique de
Voisinage (NPV) prévue pour 2007. M. Meddeb a indiqué que «comme les
politiques qui l’ont précédées, la NPV, manque de vision stratégique et elle
est aussi marquée par l’absence d’institutionnalisation». A cet égard, il a
rappelé la nécessité de créer des institutions communes, telle que la Banque
Euro-méditerranéenne de Développement.

Enfin, à nous
l’honneur…

M. Ferid Tounsi, PDG du CEPEX a présenté une communication sur le thème «Le
partenariat euro-méditerranéen et le défi de l’exportation : l’expérience de
la Tunisie».
Après avoir rappelé quelques préalables, M. Tounsi a mentionné que le taux
moyen de croissance des exportations au cours de la période 1995-2004 est de
9,4 % par an. Mais étant au cœur même du dispositif d’exportation des
produits tunisiens, le PDG du CEPEX est conscient des contraintes
auxquellesfai face la Tunisie : l’absence d’une intégration régionale entre
les pays du Sud de la Méditerranée, faiblesse des échanges (environ 7% du
total des exportations tunisiennes), plus de concentration des échanges avec
seulement 5 pays de l’U.E (environ 70 % ), multiplication des obstacles
techniques (traçabilité, directives contraignantes), concurrence entre les
pays méditerranéens sur l’espace européen en absence d’une coordination au
niveau du secteur privé, coopération décentralisée (très modeste se limitant
au niveau culturel et sportif), des contraintes sur l’implantation
commerciale des entreprises tunisiennes à l’intérieur de l’U.E…

Et ce n’est pas tout puisque les exportations tunisiennes se trouvent, selon
M. Tounsi, face à de nombreux défis : démantèlements des AMF (Acoords
multifibres), risques de perte de part de marché sur l’U.E, sérieuse menace
de la Chine pour les produits textiles, dérégulation des règles de
distribution dans l’U.E, bouleversement des relations entre donneurs d’ordre
et sous-traitants, absence de politique méditerranéenne claire pour contrer
la concurrence chinoise, érosion des avantages dans le cadre des accords
préférentiels à la suite de la multiplication des ZLE, concentration
géographique des exportations tunisiennes, concentration sectorielle,
fluctuation de l’offre exportable pour certains produits traditionnels,
présence réduite dans les circuits de distribution à l’étranger, poids
marginal des SCI (Sociétés de commerce international), …

En guise de conclusion, M. Tounsi a défini certain axes stratégiques de la
Tunisie : consolider sa présence sur l’U.E et s’orienter vers les pays du
Nord et les PECO, consolider les acquis des secteurs performants,
diversifier les produits et les marchés, faciliter l’implantation
commerciale à l’étranger pour s’introduire dans les circuits de
distribution, donner une place importante aux SCI, plus d’intégration
régionale…

Pour sa part, M. Marc Pierini, chef de la Délégation de la Commission
Européenne en Tunisie, a mis l’accent sur certains points dont l’absence
quasi-totale de l’intégration régionale et la très faible présence du débat
public.

Les travaux du Forum se sont poursuivis traitant trois axes aussi
cruciaux que celui de la dimension économique et financière du partenariat
euro-méditerranéen à savoir : «Le partenariat euro-méditerranéen : la
dimension politique et sécuritaire», : «Le partenariat euro-méditerranéen :
la dimension sociale, culturelle et humaine » et « Quel avenir pour le
partenariat ?»

 


Ghada Kammoun

 

 

10 – 05 – 2005 ::
06:00

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