Tunisie – Finance : Faut-il abolir ou assouplir le code de change?

banque-centrale-tunisie-2016.jpgLa Tunisie a toujours privilégié la progressivité à la méthode choc, quand il s’agit de réforme. Avec le code de change, pourtant débordé par la fraude et l’évasion, elle opte pour la voie de la réforme soft, l’assouplissement des procédures.

Vendredi 4 juin 2016, l‘IACE a réuni les “états généraux“ du code du change. Un projet de réforme a été distribué à cette occasion. Un travail conjoint entre toutes les parties prenantes, dont la coordination scientifique a été assurée par le Pr Samy Moulay*.

La réforme du code de change est dans la ligne de mire du FMI, de même que le rappellera le gouverneur de la BCT. Et, ajouterons-nous, de toute la communauté d’affaires du pays voire des investisseurs internationaux.

Le code de change a été la cible de tous. Il est notoirement admis que le code ne remplit plus sa fonction et qu’il occasionne de grandes tracasseries aux opérateurs économiques et jusqu’aux simples citoyens. Trop lourd, trop procédurier, tout à fait d’un autre temps. A l’heure qu’il est, on sonne l’hallali pour son abandon pur et simple. Il n’en sera pas tout à fait ainsi. Alors que partout l’esprit de la réforme pousse à libérer, à aller vers le zéro papier, il n’y aura pas de zéro code. On promet un programme d’assouplissement. Attendons pour voir.

Libérer le compte capital

L’ouverture a ses règles. Et la première d’entre elles est la libéralisation des échanges. La libre circulation des marchandises ne trouve son plein sens qu’avec la libre circulation des capitaux. C’est l’esprit de l’article 8 des statuts du FMI. La Tunisie s’y est engagée depuis qu’elle a adhéré à l’OMC (Organisation mondiale du commerce) et dans le même temps entrée en partenariat avec l’UE.

Un grand coup d’éclat a été décidé en décembre 1993 pour décréter la convertibilité courante. Cela a procuré un boost à l’économie tunisienne. Et on pense que cela a ouvert la voie à la promotion du marché du change interbancaire. Un challenge, pour l’époque. L’une et l’autre sont totalement maitrisées.

A l’heure où l’économie mondiale se met en mode d’instantanéité, il était opportun d’accorder plus de réactivité aux opérateurs nationaux. Le pays se mettait en harmonie avec la marche du temps. Mais en bonne logique, la convertibilité totale devait suivre. Au début des années 2000, la question s’est invitée au débat mais le pays a hésité. Pourtant, la porosité du code du change était notoirement établie. La compensation se pratiquait au grand jour, détournant le plafonnement de l’allocation touristique. Les nationaux n’avaient aucune difficulté à trouver des devises à l’étranger et à compenser en dinars, une fois de retour au pays.

La Banque européenne d’investissement (BEI) avait attiré l’attention sur l’importance du rapatriement parallèle des Tunisiens résidents à l’étranger (TRE). Les flux clandestins étaient au multiple des flux qui transitaient par la BCT.

Sur un autre plan, l’évasion des capitaux a pris la proportion que l’on connaît au point que l’amnistie de change est présentée comme l’un des éléments clés pour la relance de l’économie.

Par conséquent, le code de change n’a pas joué son rôle de “fire wall“. En plus, ajoutent ses détracteurs, il bride le dynamisme des entreprises tentées par le bol d’air et qui veulent aller s’installer à l’étranger. Outre qu’il est trop pointilliste avec les investisseurs étrangers et notamment avec le rigorisme de cette fiche F1. Mais c’est qu’il nous protège de la hot money, disent ses défenseurs -cette masse de capitaux spéculatifs qui se replie en masse en cas de retournement de conjoncture et qui enfonce la devise d’un pays et laminent ses réserves de change. L’argument est à prendre avec une certaine précaution.

A l’heure actuelle, c’est le FMI qui remet le couvert. Une esquive immédiate a été d’aller vers l’assouplissement des procédures du code.

Laisser flotter ou administrer le cours du dinar?

L’économie tunisienne est en état de choc. Le gouverneur de la BCT a les yeux rivés sur le niveau des réserves de change et le cours du dinar. Au plan méthodologique, tout scénario de rupture est présenté comme un saut dans l’inconnu. La raison conseille d’effeuiller le code du change de manière progressive. Il y aura beaucoup de délégation d’opérations aux banques. Il y aura beaucoup de relèvements de plafonds de transferts en faveur des entreprises qui projettent de se délocaliser. Les comptes AVA seront améliorés et les résidents disposeront de plus de commodités. Tout cela contribuera à alléger les contraintes, la paperasse, les délais.

Désormais, sous l’œil vigilant et intransigeant du FMI, le programme d’assouplissement du code du change laisse la porte ouverte à un horizon raisonnable, à la libéralisation du compte capital et à la convertibilité courante du dinar.

Le scénario où la Tunisie aurait à brûler ses vaisseaux et à décréter tout de suite la convertibilité de sa monnaie n’est pas un pari aussi fou qu’on le redoute. Jamais le pays n’a été en tel état de manque de devise qu’en ce moment. Le Tourisme est à son plus bas historique. Pareil pour les exportations de phosphates. De même pour les IDE. Et nos importations sont à leur plafond extrême. Que peut-il nous arriver de pire? Notre frilosité, quand bien même plus clémente, pourrait ne pas être bien payante.

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*Policy report : Quel séquencement dans l’assouplissement de la réglementation du change en Tunisie? Tirer les leçons des expériences internationales comparées – APTBEF, IACE, BCT.

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