Diplomatie – Sommet de Tunis : La Libye à l’épreuve de l’histoire

dialogue-libye-mars2016.jpgLe sommet de Tunis a fait émerger une solution de règlement politique de la crise libyenne. Elle tient en deux mots. La Libye doit revenir aux Libyens. Daech peut-elle, de ce fait, être mise à l’écart de la scène politique? L’heure de vérité semble avoir sonné.

C’est un sommet comme on les aime. A Tunis, mardi 22 mars, les 6 pays du voisinage libyen (Tunisie, Algérie, Niger, Tchad, Soudan et Egypte) ont parlé d’une même voie. Et ils ont convenu d’une feuille de route pragmatique. Comprenez réaliste et applicable sur terrain, avec une forte probabilité de succès. Ils ont unanimement adoubé Fawez Sarraj pour chapeauter le gouvernement d’unité nationale. Et ils entendent parvenir à le faire siéger à Tripoli, pour lui conférer une symbolique nationale, soit une clé de légitimité qui soit opposable à tous les contestataires.

C’est à Fawez Sarraj de jouer, à présent. Il lui faut convaincre le bon peuple que le sommet de Tunis lui permet de reprendre la main et de se réapproprier la souveraineté de trancher pour ou contre le gouvernement d’unité nationale. C’est à lui de montrer que cette résolution est en ligne avec l’urgence du moment qui consiste à privilégier l’intérêt national sur les calculs étriqués des partis. L’opinion est ainsi face à ses responsabilités. Le levier de l’adhésion populaire, en bonne logique, devrait empêcher toute éventualité de refus de la part des forces politiques en place. A moins d’apparaître dans la posture du saboteur historique. Sarraj saura-t-il jouer le coup?

La mise en quarantaine de Daech

A bien y regarder, le sommet de Tunis avait une finalité simple. Il consiste à faire apparaître Daech comme le véritable anticorps sur la scène en Libye. Il faut, pour cela, l’isoler. Et Même Hafter et le gouvernement de Tobrouk et son Parlement perdent le bénéfice de l’alibi de la reconnaissance internationale, dont ils se prévalaient jusque-là. Un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès, dit la bonne morale juridique.

En effet, Tunis a inversé l’ordre des priorités et ce n’est plus la légitimité internationale qui prime mais l’intérêt de la Libye. La patrie avant les partis. Nous pensons que cette mise en perspective du salut national ne peut supporter l’opposabilité de l’exception et toutes les forces politiques doivent se soumettre ou se démettre, et c’est l’opinion publique qui sera témoin clé dans cette affaire.

La mise en quarantaine de Daech doit être menée à sa fin. Cette opération est fondamentale. C’est l’opération qui doit garantir l’immunité de la Libye. Demain, dans l’hypothèse d’une obstination de la coalition internationale à bombarder la Libye, la cible est déjà fixée. Tout autre écart serait criminel car il deviendrait prémédité. Et même l’ONU a accepté de passer le témoin aux pays du voisinage et de souscrire à la résolution du sommet.

La sécurisation de la Libye est-elle garantie pour autant?

Le ralliement de l’UE serait l’étape ultime

Considérons un instant les non dits du Sommet de Tunis. Le blindage frontalier imposé par les pays du voisinage est un message fort aux Libyens pour leur dire que l’on va couper toute retraite à Daech s’il entend lancer une métastase alentour. Et à Ben Guerdane, le message était bien clair. Et assez persuasif. Cependant, Daech ne menace pas que l’espace mitoyen. N’ayant pas la force de frappe nécessaire pour menacer significativement l’Europe, il utilise sa capacité de nuisance pour perturber la sérénité des peuples de l’UE. Daech est l’une des munitions favorites qui alimente la capacité de feu de l’extrême droite en Europe.

A l’instar du travail de détricotage des Etats nationaux qu’entreprend Daech, l’extrême droite en Europe entend détricoter l’Union européenne. Les natures des deux microbes sont différentes, mais leur finalité est semblable. De ce point de vue, ils deviennent frères d’armes en s’alimentant l’un l’autre.

Sitôt l’attaque de Bruxelles connue, Marine Le Pen a réactivé son Da-Da de toujours à savoir la sécurisation de frontières, autrement dit le retour aux frontières nationales. Elle plaide, donc, sans équivoque, l’abandon du projet européen. L’Europe renforcerait sa bulle de sécurité si elle venait appuyer les résolutions du Sommet de Tunis. Elle sauverait sa peau, pour dire les choses de manière banale. Et l’ensemble franchirait un pas significatif. D’une entente locale on irait vers une entente régionale. Imaginons un instant la Méditerranée régler ses problèmes par les pays locaux sans l’interférence du Big Brother américain. Fiction ou réalité? En tout cas, le sommet de Tunis lui donne un certain réalisme.