Tunisie – Energie : Hydrocarbures… l’insurmontable crise de confiance

«Vous êtes coupables jusqu’à preuve de votre innocence». En lançant ce pavé, en présence du nouveau ministre de l’Energie et des Mines, Mongi Marzouk, et à l’adresse de ses collaborateurs, le 17 février dernier lors d’une réunion de la Commission de l’industrie, de l’énergie, des ressources naturelles, de l’infrastructure et de l’environnement, de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), la députée Leila Ouled Ali (Nidaa Tounes) a exprimé un sentiment largement partagé au sein de cette instance: perte de confiance et défiance à l’égard des responsables en charge du dossier des hydrocarbures au ministère de l’Energie et des Mines.

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Malgré toutes les explications données par ces derniers aux députés de l’Assemblée nationale constituante (ANC) –qui avaient bloqué le renouvellement des permis de forage, aujourd’hui de nouveau à l’ordre du jour- et à ceux de l’ARP, les représentants du peuple demeurent convaincus, selon l’un d’entre eux, que les conventions conclues avec les compagnies pétrolières, ou du moins une partie d’entre elles, sont «entachées d’irrégularités».

L’accusation vise certaines sociétés, dont en particulier Perenco, à propos desquelles «la Cour des Comptes a déjà signalé des lacunes», rappelle Samia Abbou, députée du Courant démocratique. Qui veut «en faire un exemple pour les autres».

Des questions sans réponse…

Les suspicions des députés envers les cadres dirigeants du ministère de l’Energie et des Mines proviennent aussi de leur conviction que ceux-ci leur ont «caché des choses». «Jusqu’où sommes-nous informés de la situation de ce secteur?», se demande en effet le député Walid Bannani (Ennahdha). Interrogation partagée par son collègue Mongi Rahoui (Front populaire) qui estime qu’«il y a beaucoup de zones d’ombres dans ce dossier». (Lire l’article: Pétrole : Le code tunisien des hydrocarbures favoriserait la corruption!).

Les députés exigent de ce fait aujourd’hui de tout savoir. «Nous voulons accéder aux dossiers», réclame Zied Lakhdhar (Front populaire).

Revenant à la charge, Walid Bannani demande à «prendre connaissance des conventions» conclues avec les compagnies pétrolières. Mme Abbou avait formulé une requête similaire concernant les annexes de ces conventions mais «sans les obtenir à ce jour», souligne-t-elle.

Les députés Zied Lakhdhar et Samir Abbou vont même un peu plus loin pour exiger la mise sur pied d’une commission d’enquête pour tirer au clair ce dossier (lire notre article: Energie: La Tunisie perd des point à cause de la non divulgation de ses contrats miniers).

Appel à faire le grand ménage

La liste des demandes adressées au nouveau ministre de l’Energie et des Mines ne s’arrête pas là. Certains membres de la Commission de l’industrie, de l’énergie, des ressources naturelles, de l’infrastructure et de l’environnement l’ont en effet appelé à «prendre des mesures audacieuses» et à faire «un grand ménage» dans son département.

Deux hommes en particulier sont dans le collimateur des députés: Mohamed Akrout, PDG de l’ETAP, dont certains membres de la Commission ont critiqué l’absence à la réunion, et Ridha Bouzouada, directeur générale de l’énergie, qui a fait l’objet d’attaques directes, en présence de son ministre.

Face à ce tir de barrage, le ministre de l’Energie et des Mines a essayé de ménager le chou et la chèvre. Evitant à la fois de contredire les députés et de se prononcer sur les accusations adressées à ses plus proches collaborateurs, Mongi Marzouk a indiqué que «tous les dossiers et conventions ont été communiqués au pôle judiciaire financier», qu’il est prêt à présenter un exposé sur le pétrole et à mettre en place «tous les mécanismes nous permettant de savoir comment le secteur est géré».

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