Abidjan : Les jeunes entrepreneurs tunisiens passent à la vitesse supérieure

En matière de logements, nous savons que vous êtes bon, mais le Maroc est plus agressif. En affaires, il faut risquer et oser. Il y a suffisamment de projets dans tous les secteurs… Il y a du travail pour tout le monde, c’est à vous d’y croire”, résume le directeur général du Logement et du Cadre de Vie, Adjoumani  Kouakou, au ministère de la Construction, du Logement, de l’Assainissement et de l’Urbanisme de la Côte d’Ivoire, en marge de l’inauguration du Salon BATIVOIRE qui s’est tenu dernièrement dans la capitale ivoirienne, Abidjan.

Et justement les jeunes entrepreneurs tunisiens qui ont fait le déplacement pour l’événement y croient. Bien qu’ils regrettent franchement le manque de soutien et de vision de la Tunisie pour l’Afrique, en général, et pour la sous-région en particulier, Sofiane, Mouna et Mourad ont décidé d’approcher le marché et d’y tenter leurs chances.

Parcours de Tunisiens qui se lancent à Abidjan.

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«J’étais là le mois dernier et l’idée d’ouvrir une antenne à Abidjan me travaille depuis quelques temps. Mon entreprise a 4 points de vente en Algérie et une usine d’assemblage. Nous avons ouvert un point de ventes en Libye que nous avons fermé aussitôt. Je pense que d’ici la fin de l’année CUISINA sera installée en Côte d’Ivoire. Les délais de livraisons devraient être entre deux à trois mois, ce qui, pour une cuisine, reste raisonnable. D’ailleurs, je suis en train de chercher un local. Il y a un vrai boum qui ne peut être que bénéfique à l’entreprise», affirme Sofiène Saadallah. A peine âgé de 40 ans, le jeune directeur général a la démarche pragmatique et l’attitude sereine des gens bien-nés. Il entend faire d’Abidjan sa base de conquête pour toute la sous-région.

Mouna, elle, est architecte. En général son terrain de prédilection ce sont surtout les pays du Golfe où le cabinet DRAW LINK (*) fait un carton dans un environnement concurrentiel très rude.

Au terme de sa participation à BATIVOIRE, la dynamique jeune femme a pris sa décision. Elle va revenir assez vite car elle estime le terrain encore vierge: «Je compte y retourner après les élections. Cette fois-ci en se basant sur les quelques contacts que j’ai pu établir lors de ma première visite et cibler le domaine où nous avons l’assurance d’exceller. Certes le pays est en pleine expansion économique -la Côte d’Ivoire a construit des routes, des autoroutes et des ponts pour améliorer la circulation de ses productions et a l’intention de construire 100.000 logements par an-, mais en tant que DRAW LINK et bien que nous opérions dans le domaine du bâtiment, ce n’est réellement pas notre spécialité. Cette visite durant le Salon a été quasiment focalisée sur la promotion immobilière et tous les opérateurs voulaient des terrains à titre gracieux. Nous concernant, j’estime que les Ivoiriens ont de grandes intentions mais ont besoin d’investisseurs. Je vais opérer dans ce sens et ramener des investisseurs pour l’hôtellerie de luxe».

Mourad BERRICH, gérant de KARe Concept, est lui aussi enthousiaste. Il était présent sur le Salon car il estime qu’avec des produits qui démarrent à 220 dinars tunisiens et finissent à dix fois plus, il peut décrocher des parts de marché sur ce pays qui affiche une croissance à deux chiffres surtout au vu de la crise dans le monde et qui est plus amplifiée en Tunisie du fait de la situation politique et de cette transition qu’il vit.

C’est en fait son ami de toujours, le directeur général de CUISINA, qui le pousse. «Je suis ici pour écouter, étudier et exporter», dit-il. A eux deux, ils ont une offre plus complète et se soutiennent mutuellement. Une cuisine, un bureau, pourquoi pas une salle de bain ou encore un cabinet d’architecture? Le pool s’élargit peu à peu au gré des rencontres et des opportunités.

Au terme de plusieurs jours de Salon et de rendez-vous en cascade, que ce soit dans le cadre de la mission ou par les réseaux de tout un chacun, il ressort incontestablement qu’une nouvelle génération d’entrepreneurs tunisiens s’éveille à l’Afrique. Cela est même visible à l’œil nu. D’un côté, il y a les gros mastodontes avec leurs gros moyens et références, et de l’autre, il y a les «challengers», des petites entreprises qui s’essayent à l’export et qui sont avides de savoir-faire et de partages d’expériences.

Pour Riadh Azaiez, Commissaire du Salon BATIVOIRE, le pays est une autoroute pour les entreprises tunisiennes toutes tailles confondues à partir du moment où il y a de l’expertise et du savoir-faire. Ceci dit, si la Côte D’Ivoire n’est pas un pays pour petits joueurs, elle l’est encore moins pour des joueurs en individuels. «Le fait de se regrouper est déterminant dans l’attente d’un soutien politique encore plus fort et franc car il est simplement vital», conclut-il.

Pour le moment, le régionalisme ou le corporatisme continuent à plomber un peu les relations entre les professionnels tunisiens même si les lignes ont tendance à bouger timidement. Avec son franc parlé et son sens de l’humour irrésistible, Mouna Bouker résume: «Beaucoup restent dans une approche individualiste. Le Tunisien en grande majorité reste individualiste et cette mentalité ne nous fera jamais avancer. Pourquoi les Libanais réussissent là où ils vont? Ils sont tout le temps et en toutes circonstances solidaires. Cette solidarité constitue leur force et ce n’est pas le cas des Tunisiens, malheureusement! Alors qu’en fait il y a des opportunités à prendre pour tout le monde».

En attendant, la Côte d’Ivoire retient son souffle et s’engage dans plusieurs semaines de campagne électorale. 10 candidats sont en lice pour la présidentielle (dont deux femmes). En attendant, les participants à cette manifestation économique se sont promis une réunion d’évaluation de BATIVOIRE et tous ne rêvent que d’un grand FORUM sur une Stratégie africaine de la Tunisie.

Publié sur WMC N°18