Mozambique et Angola fêtent 40 ans d’indépendance, tête haute face au Portugal

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Angola, le 4 mai 2014 (Photo : Saul Loeb)

[24/06/2015 10:50:38] Maputo (AFP) Ironie de l’histoire, de nombreux Portugais vont aujourd’hui chercher du travail au Mozambique et en Angola, d’anciennes colonies qui affichent d’insolents taux de croissance grâce à leurs ressources naturelles, 40 ans après leur indépendance.

Jeudi, le Mozambique sera le premier à fêter l’anniversaire de son indépendance – l’Angola suivra le 11 novembre – dans un climat désormais apaisé vis-à-vis de l’ancienne puissance coloniale.

L’Angola est depuis longtemps un important producteur de pétrole, tandis que le Mozambique est devenu la première destination d’investissements directs en Afrique australe depuis la découverte d’immenses gisements de gaz et de charbon.

Ces richesses permettent notamment de panser les plaies après les longues guerres civiles qui ont ravagé les deux pays (de 1975 à 2002 en Angola, de 1976 à 1992 au Mozambique), opposant dans les deux cas des régimes marxistes à des guérillas soutenues par l’Afrique du Sud de l’apartheid.

Si la mémoire de la lutte pour l’indépendance est constamment instrumentalisée par le pouvoir mozambicain – le fusil automatique AK47 orne toujours le drapeau national -, les relations entre Lisbonne et Maputo sont désormais qualifiées d'”excellentes” par José Augusto Duarte, ambassadeur du Portugal au Mozambique.

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Le port industriel de Beira, au Mozambique, le 18 octobre 2014 (Photo : Gianluigi Guercia)

“Le problème de la décolonisation mozambicaine est un problème résolu, nous n’avons plus aucun contentieux en cours”, assure M. Duarte. Selon lui, le dernier “imbroglio du passé” a été résolu en 2012 avec la vente au Mozambique du gigantesque barrage de Cahora-Bassa (ouest), resté jusque-là propriété de l?État portugais.

L’indépendance mozambicaine avait été traumatisante pour de nombreux colons portugais, qui avaient dû fuir précipitamment en 1975.

L’ancien président Armando Guebuza, à l’époque ministre de l’Intérieur, avait ordonné aux résidents portugais, estimés alors à 200.000, d’adopter la nationalité mozambicaine ou de quitter le territoire dans les 24 heures avec 20 kg de bagages. L’ordre est resté célèbre, sous le sobriquet “24-20”.

Le même Armando Guebuza a depuis, lors d’une visite à Lisbonne en juillet 2014, exhorté le Portugal à investir davantage au Mozambique. L’ancien colonisateur s’est hissé dans le trio de tête des pays investisseurs, devenant également le plus grand créateur d’emplois.

Réciproquement, les Portugais sont les étrangers les plus employés au Mozambique, avec environ 23.000 ressortissants dans le pays. De nombreux jeunes Portugais fuyant la crise en Europe sont venus tenter l’aventure mozambicaine, parfois sans succès. Ce mouvement tend toutefois à ce stabiliser car la situation économique s’est améliorée au Portugal, tandis que le Mozambique a durci les conditions d’entrée.

– ‘Colonisation à l’envers’ –

Les liens sont encore plus spectaculaires entre le Portugal et l’Angola, dont les élites sont très proches de celles de l’ancienne puissance coloniale.

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ésident mozambicain Filipe Nyusi prend la parole le 16 juin 2015 pendant les commémorations du 55 anniversaire du massacre de Mueda, provoqué par les forces coloniales portugaises qui ont ouvert le feu contre des manifestants désarmés (Photo : Adrien Barbier)

Le Portugal a largement utilisé l’Angola comme une échappatoire aux difficultés économiques après la très grave crise de 2008, y exportant ses marchandises, ses entreprises et ses travailleurs à la recherche d’un emploi.

Dans le même temps, les riches Angolais, et notamment la fille du président, Isabel dos Santos, ont massivement investi à Lisbonne, au point que certains parlent d’une “colonisation à l’envers”.

Nombre d’Angolais accusent même le Portugal d’exporter son chômage dans leur pays, quand les Portugais critiquent l’invasion des capitaux angolais et dénoncent leur opacité. Mais pour rien au monde les autorités portugaises n’oseraient froisser le fort peu démocratique José Eduardo dos Santos, qui dirige l’Angola depuis 1979.

“Quelle est la conséquence la plus dramatique de ces investissements massifs de l’Angola au Portugal? Transformer un pays figurant parmi les démocraties les plus avancées d’Europe en une cour de vassaux au service d’un royaume absolutiste africain”, déplore Marcolino Moco, un ancien Premier ministre angolais.

Cela n’a pas évité les coups de froid, comme fin 2013 quand M. dos Santos a annoncé le gel des efforts en vue d’un “partenariat stratégique” entre les deux pays. Ce geste a été perçu à Lisbonne comme une conséquence d’enquêtes menées par la justice portugaise à l’encontre de plusieurs hauts dignitaires angolais, qui ont depuis été classées.

Les échanges commerciaux ont récemment baissé en raison de la chute des cours du pétrole, qui a provoqué un ralentissement de l’économie angolaise, mais l’Angola compte toujours quelque 126.000 Portugais – peut-être même 200.000, selon la presse lisboète – et plus de 800 entreprises portugaises.