Le magnat des télécoms Patrick Drahi, un audacieux aux méthodes de gestion musclées

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à Paris, le 17 mars 2014 (Photo : Eric Piermont)

[22/06/2015 12:51:46] Paris (AFP) Le magnat des télécoms Patrick Drahi, qui a lancé un nouveau défi en voulant s’emparer de Bouygues Telecom, épate par son audace, mais ses méthodes de gestion musclées et l’endettement vertigineux de son groupe Altice suscitent des inquiétudes.

L’homme d’affaires franco-israélien de 51 ans, qui combine des talents d’ingénieur et de financier habile, multiplie les acquisitions ces derniers mois à coup de milliards: SFR en France, le câblo-opérateur Suddenlink aux États-Unis et Portugal Telecom. Il avait même envisagé le mois dernier de lancer une offre sur le mastodonte américain Time Warner Cable (TWC), avant de se raviser.

Sa façon de mettre à profit la grande confiance que lui accordent les marchés jusqu’à présent et des taux d’intérêt historiquement bas pour des acquisitions financées par la dette suscite l’admiration chez de nombreux patrons.

Mais l’endettement de plus de 33 milliards d’euros d’Altice commence à soulever des inquiétudes car il n’est tenable que si les actifs acquis génèrent des flux de trésorerie importants.

– L’héritier de John Malone ou un nouveau Jean-Marie Messier? –

Au point que celui qui marche dans les pas du roi du câble américain John Malone, est comparé maintenant à Jean-Marie Messier, pour sa folie des grandeurs qui a failli couler le groupe de médias et télécoms Vivendi.

Et depuis le rachat de SFR par Numericable, les relations entre le câblo-opérateur français, à la recherche de réductions de coûts tous azimuts, se dégradent avec syndicats et fournisseurs.

Pour Damien Bornerand, responsable CGT chez SFR, socialement, M. Drahi, “ce n’est pas l’employeur modèle”. “Dans le secteur des télécoms c’est de loin le pire”, dit-il à l’AFP, en disant redouter qu’il n’ait pas d’états d’âmes à supprimer des postes en cas d’acquisition de Bouygues Telecom.

Un médiateur a dû être saisi pour tenter de trouver un terrain d’entente entre Numericable-SFR et ses fournisseurs, qui ont vu leurs contrats systématiquement remis en cause pour obtenir des tarifs drastiquement bas et ont du mal à se faire payer leurs factures.

“Patrick Drahi ne paye que quand l’huissier arrive”, explique une source chez un opérateur.

Son statut de résident fiscal suisse et la cotation de son groupe à Amsterdam sont aussi pointés du doigt par ses détracteurs, même si le groupe Numericable est immatriculé et coté en France.

L’entourage du milliardaire, père de quatre enfants, rétorque qu’il s’est installé à Genève depuis ses 35 ans, que sa famille y réside, et qu’il n’a pas l’intention de déménager.

“Patrick Drahi (…) est un grand entrepreneur des télécoms, il n’y a pas d’équivalent en France à part Xavier Niel”, le patron de Free, souligne un de ses proches.

– Un quasi-inconnu –

“Depuis 10 ans, il n’a pas passé son temps à dîner en ville (…) ce n’est pas un habitué des cercles parisiens”, souligne ce banquier d’affaires.

Peut-être pour pallier un déficit d’image, M. Drahi, déjà propriétaire de la chaîne d’info israélienne i24 News, a été un des sauveurs cet été de Libération, en apportant 14 millions d’euros au quotidien et vient de boucler le rachat de L’Express.

Quasi-inconnu avant le rachat de SFR en 2014, ce “self made man” est passé par les plus grandes écoles de la République.

Né à Casablanca, il arrive à Montpellier à 15 ans. Fils de deux profs de maths, il enchaîne Maths sup, Maths spé, l’école Polytechnique et se spécialise dans les télécoms.

M. Drahi commence sa carrière chez Philips, puis est embauché par UPC, filiale européenne de Liberty Global, le groupe de M. Malone, magnat américain du câble, qui deviendra son modèle.

Ce géant américain mène une politique d’acquisitions boulimique en Europe, avec l’aide de M. Drahi.

Puis ce dernier se met à son compte et commence à racheter un à un de petits câblo-opérateurs régionaux, alors en mauvaise posture.

En France, il bâtit Noos, qui deviendra Numericable. Mais c’est l’acquisition de SFR, une cible huit fois plus grosse, qui le propulse sur le devant de la scène en mars 2014.

M. Drahi s’empare alors de cette filiale de Vivendi au terme d’une bataille homérique contre Bouygues, dans laquelle le patron de l’opérateur, Martin Bouygues, met tout son poids.

A la suite de cette cascade d’acquisitions, M. Drahi est devenu la troisième fortune française avec 27 milliards de dollars, et la 57e mondiale, selon la dernière liste du magazine américain Forbes.