Développement économique : clap de fin pour le “bras armé” de la région Rhône-Alpes à l’export

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érienne de Lyon le 31 juillet 2010 avec les immeubles de bureaux de La Part-Dieu (g) et Oxygène (c) et en arrière-plan la colline et la basilique de Fourvière (Photo : Philippe Desmazes)

[09/06/2015 06:30:27] Lyon (AFP) Elle se voulait l’atout maître du développement économique international de Rhône-Alpes mais des problèmes financiers, des accusations de gestion calamiteuse et l’approche des élections régionales ont eu raison d’Entreprise Rhône-Alpes International (Erai). C’est un coup dur pour ses salariés et la deuxième région exportatrice française.

“C’est un immense gâchis, déplore le patron de la chambre de commerce et d’industrie de Lyon, Emmanuel Imberton. On mettra plusieurs années à s’en remettre et la facture sera élevée au niveau économique”.

“Ils ont tué la plus belle structure d’aide à l’export en France”, renchérit un acteur du secteur.

Sauf improbable coup de théâtre, le tribunal de grande instance de Lyon devrait placer mardi Erai, structure d’aide à l’export qui servait aussi de vitrine de la région à l’étranger, en liquidation judiciaire, avec à la clef quelque 210 suppressions d’emplois en France et surtout à l’étranger.

Depuis le 6 mars, l’association créée en 1987 par Alain Mérieux, figure tutélaire du capitalisme lyonnais, est privée des subsides régionaux après le refus d’une majorité d’élus de voter une subvention de 4,7 millions d’euros. Financée à hauteur de 60% par la Région dont elle était le “bras armé” pour le commerce extérieur, Erai est en situation de cessation de paiement.

Un ultime plan de sauvetage concocté par l’exécutif régional présidé par le socialiste Jean-Jack Queyranne a échoué le 18 mai. Comme deux mois plus tôt, l’exécutif régional s’est heurté à une alliance iconoclaste FN-Droite-EELV.

– “Tonneau des Danaïdes” –

A six mois d’un scrutin régional pour lequel les Républicains et les écologistes nourrissent de sérieuses ambitions, l’exécutif de Rhône-Alpes a eu tôt fait de crier à la manoeuvre politicienne. Une explication dont les meneurs de la fronde à droite ou chez les Verts se récrient.

“Erai ? c’est le tonneau des Danaïdes”, cingle le conseiller régional des Républicains Jérôme Thien. “Depuis le début du mandat, la Région aura mis plus de 40 millions d’euros dans Erai en subventions ordinaires, exceptionnelles et avances remboursables qui seront sans doute perdues”, détaille l’écologiste Jean-Charles Kohlhaas.

Gabegie ? La structure dotée d’un budget annuel de 11 millions d’euros revendique avoir aidé plus de 8.000 entreprises dans 21 pays, forçant même l’admiration de ses concurrents du privé. “C’était un bel outil”, convient un élu de l’opposition.

Mais les élus frondeurs soulignent le mauvais virage pris depuis quelques années: “opacité”, “mauvaise gestion”, “dérive”: l’ambassadrice de Rhône-Alpes et de ses entreprises accumulait depuis le début de la décennie les mauvais résultats, en particulier ses filiales lourdement déficitaires.

En 2014, le résultat net (-4,6 millions d’euros) est ainsi plombé par les créances des filiales à la maison-mère et son endettement est estimé officiellement à 5,55 millions.

– “Pas de problème de gestion” –

Gestion d’un coûteux pavillon Rhône-Alpes depuis l’exposition universelle de Shanghai en 2010, expansion irraisonnée du nombre des implantations, course à la facturation au mépris de son périmètre et de sa mission initiaux, gestion réputée dispendieuse, artifices comptables, mégalomanie: les critiques pleuvent sur la direction d’Erai qui s’est créée de solides inimitiés dans les sphères politiques et économiques.

“Les vrais fossoyeurs d’Erai, ce sont sa présidence et sa direction”, fustige Jean-Louis Gagnaire, vice-président (PS) de la région à l’Economie. “On n’était pas là pour faire du business mais pour mener une mission d’intérêt général”, appuie l’élu de la Loire.

Face à ces accusations, l’ex-directeur général de l’association, Laurent Van Soen, avait fait part de son “incompréhension” au micro de la radio RCF en mars: “il n’y a pas de problème de gestion d’Erai. Je rappelle qu’Erai opère dans le cadre d’un conseil d’administration…” composé d’élus et de représentants du monde économique local.

Les pro-Erai font également valoir un résultat d’exploitation proche de l’équilibre en 2014, signe que la structure était “en voie de guérison”. L’association fait actuellement l’objet d’une inspection de la chambre régionale des comptes.

Une quinzaine de projets de reprise partielle auraient été déposés. Tous visant des filiales à l’étranger. Seuls quelques-uns seraient susceptibles d’aboutir, observe un membre du CA.

Si le sort d’Erai est désormais scellé, l’urgence désormais pour la Région est de débloquer environ 900.000 euros pour les salariés exerçant dans des pays comme les Emirats arabes unis, le Vietnam ou la Turquie où ils risquent la prison en cas de faillite.