Streaming : artistes, producteurs et plateformes sommés d’accorder leurs violons

5c030fb1b0857763d4d901a852618a13e973820a.jpg
à Cannes le 5 juin 2015 (Photo : VALERY HACHE)

[06/06/2015 19:26:27] Cannes (AFP) Les revenus générés par l’écoute de la musique en ligne sont-ils répartis de façon équitable? Artistes, producteurs et plateformes en ligne, en désaccord sur le sujet depuis des années, sont aujourd’hui sommés par le gouvernement d’accorder leurs violons.

La ministre de la Culture Fleur Pellerin, en visite samedi au Midem, le salon international de l’industrie musicale de Cannes, a récemment désigné un médiateur chargé “d’obtenir un accord” sur ce sujet sensible de la répartition de la valeur créée par l’exploitation numérique. Un point d’étape est fixé à la “mi-juillet” avant un rapport final attendu d’ici “fin septembre”.

Faute d’accord, ce médiateur, le conseiller maître à la Cour des comptes Marc Schwartz, devra soumettre des propositions pour que la question soit tranchée dans le cadre de la loi “Liberté de création, architecture et patrimoine” qui arrivera au Parlement après l’été.

“L?idée est que cette concertation puisse rapprocher les positions et que la mission puise me faire des propositions qui pourraient intégrer le projet de loi. A défaut d?accord, je prendrais mes responsabilités, mais je préfèrerais que la solution vienne de cette concertation”, a expliqué la ministre lors d’un point presse à Cannes.

“Il y a absence de consensus partagé sur l?état des lieux et le diagnostic. Aujourd?hui, sur un contrat stream, quelle est la part revenant à l?artiste, à l?artiste interprète, sur les droits voisins? Il y a beaucoup d?avis divergents”, a-t-elle reconnu.

Le débat autour d’une juste répartition des revenus du numérique divise depuis des années producteurs, artistes et plateformes en ligne. Mais il devient de plus en plus sensible au fur et à mesure que le streaming (écoute en ligne sans téléchargement) s’installe.

Au niveau mondial, le numérique a généré en 2014, pour la première fois, autant de revenus que les ventes physiques, a souligné en avril la Fédération internationale de l’industrie phonographique (Ifpi). En France, les ventes physiques dominent encore largement (71% du marché en 2014) mais le streaming se développe aussi rapidement.

Mais ce modèle ne satisfait pas les artistes, qui s’estiment insuffisamment rémunérés, ce que contestent les producteurs. Les plateformes estiment aussi que le système profite davantage aux producteurs et ne leur laisse pas suffisamment de marge pour se développer.

– ‘Mission impossible’? –

En France, missions et rapports se succèdent depuis 2009 sans avoir réussi à mettre tout le monde d’accord. Le dernier rapport en date, présenté fin 2013 par Christian Phéline, avait estimé que les revenus de la musique en ligne devaient être mieux répartis entre les différents acteurs.

C’est cette recommandation que Marc Schwartz, qui accompagnait samedi Fleur Pellerin à Cannes, va désormais tenter de mettre en musique.

“Il ne s’agit pas d’une mission de plus, nous ne sommes plus dans cette optique, mais bien dans l’esprit de faire converger les différents acteurs”, insiste-t-on au ministère de la Culture.

Les représentants des artistes, producteurs et plateformes saluent dans un même élan cette initiative. Mais soulignent aussi la difficulté de la tâche: “On part de loin”, souffle un acteur présent au Midem quand un autre parle même d’une “mission impossible”.

A quoi pourrait ressembler un éventuel “accord”?

A une “gestion collective” ou au moins une “rémunération garantie pour les artistes interprètes”? C’est le souhait du directeur de l’Adami (artistes-interprètes), Bruno Boutleux.

A un “code des usages”, à l’image des 13 engagements pris par le secteur en 2011 pour favoriser l’essor du marché mais non reconduits en 2013? C’est le voeu exprimé par le délégué général syndicat des éditeurs de services de musique en ligne (ESML), Gilles Bressand.

Le Snep, principal syndicat des producteurs, reste pour sa part prudent: “On est en train de vivre un basculement qu’on n’a jamais connu dans cette industrie. Comme les choses se mettent en place et sont encore fragiles, il faut faire bien attention à ne pas tirer de conclusions trop hâtives”, relève son directeur général Guillaume Leblanc.

Pour tous, ministère compris, un point semble en tout cas faire consensus: un accord dans le cadre de la médiation serait préférable que de devoir en passer par la loi.