L’euro faible pourrait aiguiser les appétits chinois en Europe

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és à Francfort, le 1er novembre 2011 (Photo : Frank Rumpenhorst)

[24/03/2015 13:29:34] Pékin (AFP) L’inexorable plongeon de l’euro pourrait inciter les firmes chinoises à accélérer leur frénésie d’investissements en Europe, à l’affût d’actifs meilleur marché, estiment experts et officiels, ce qu’illustre la spectaculaire opération sur l’italien Pirelli.

Le fabricant de pneus, fleuron industriel milanais, va passer sous pavillon chinois, avec l’entrée de ChemChina à son capital, via un montage complexe dévoilé dimanche.

La transaction totale est évaluée à 7,4 milliards d’euros, soit quelque 49 milliards de yuans au taux de change actuel. Mais cela aurait représenté 14 milliards de yuans supplémentaires en mai 2014.

Entretemps, l’euro a plongé de 20% face au dollar, tutoyant la parité, suite aux politiques de la Banque centrale européenne (BCE) pour relancer la croissance. La monnaie unique s’est parallèlement effondrée dans les mêmes proportions face au yuan.

“La chute de la valeur des actifs en euros représente une excellente occasion pour les entreprises chinoises de réaliser investissements et acquisitions” à bon prix, s’est félicité Shen Danyang, porte-parole du ministère chinois du Commerce.

– ‘Offensive d’ampleur’ –

La tendance n’est pas nouvelle: Pékin pousse ses entreprises à “s’internationaliser” pour s’assurer des approvisionnements de matières premières, des débouchés commerciaux… et s’emparer de savoirs-faire technologiques, alors que la deuxième économie mondiale ambitionne une “montée en gamme” de ses industries.

Mais le mouvement devrait s’accélérer, “d’autant que la Chine connaît en interne un vif ralentissement économique et de sévères surcapacités industrielles”, selon Jörg Wuttke, président de la Chambre de commerce de l’Union européenne (UE) en Chine.

Celui-ci prédit, dans un entretien à l’AFP, “une offensive d’ampleur” en Europe.

Sur janvier et février cumulés, les investissements chinois dans l’UE ont été multipliés par dix sur un an pour atteindre 3,36 milliards de dollars, selon les douanes chinoises, qui rapportent une opération du géant pétrolier CNPC aux Pays-Bas. Ils avaient “pratiquement triplé” en 2014.

Le thermomètre devrait s’affoler encore: nombre de négociations “prennent habituellement de longs mois”, prévient Derek Scissors, du think-tank American Enterprise Institute.

– Grincements de dents –

Les transactions réalisées par des Chinois ne sont pas sans émouvoir les opinions publiques ou provoquer des grincements de dents. Ainsi en France la prise de contrôle du Club Med par le conglomérat Fosun ou la prise de participation d’un consortium chinois dans l’aéroport de Toulouse. L’annonce du rachat du port du Pirée a aussi électrisé la Grèce.

De l’hôtellerie aux laiteries, des vignobles aux clubs de football, en passant par l’automobile, avec l’entrée de Dongfeng au capital de PS, aucun secteur ne semble à l’abri.

Mais les Chinois s’adaptent: désireux d’éviter des controverses, “ils sont assez intelligents pour prendre des participations moins importantes dans les entreprises les plus en vue” ou choisir des cibles plus petites, souligne M. Scissors.

Ainsi dans la finance: la banque néerlandaise SNS Reaal a annoncé mi-février la vente de sa branche d’assurance à l’assureur chinois Anbang, lequel avait déjà mis la main mi-décembre sur la filiale Delta Lloyd Bank Belgium de l’assureur Delta Loyd.

– Bond des obligations en euros –

Par ailleurs, une douzaine d’entreprises chinoises tirent directement avantage des déboires de l’euro car endettées dans cette devise, plutôt qu’en obligations en dollars, moins attractives étant donné le relèvement attendu des taux de la Réserve fédérale américaine. Et ces levées obligataires en euros peuvent aussi permettre de financer des opérations en Europe.

Selon la firme Dealogic, quatre entreprises basées en Chine populaire ont émis l’équivalent de 2,82 milliards de dollars d’obligations en euros depuis début 2015 contre 1,92 milliard (hors institutions financières) pour 2014.

State Grid Corporation of China, qui possède des parts dans les opérateurs de la distribution d’électricité au Portugal et en Italie, a levé 1 milliard d’euros en janvier.

En revanche, le renchérissement du yuan face à l’euro a un revers de taille: il pénalisera nettement la compétitivité des firmes chinoises dans l’UE, premier partenaire commercial du pays.