Tunisie – Gouvernement Essid : L’énigme persiste

hbib_essid-17012015.jpgParticipera, participera pas Ennahdha dans le gouvernement de Habib Essid, et c’est la division dans le parti Nidaa. Ennahdha hors du gouvernement, et c’est la division dans le pays. Entre deux maux on imagine que Habib Essid choisirait le moindre.

Les observateurs s’excitent à l’extrême au vu du silence du nouveau chef de gouvernement. On voit le défilé des consultations sans que rien ne filtre ou très peu, jusque-là. C’est ce qui explique que le pays soit entré dans une transe de spéculations. Les avis sont partagés.

D’un côté les novices. Ils soutiennent que la famille patriotique réunit un bloc qui garantit un SMIC parlementaire garantissant une stabilité relative. Où est le mal si Ennahdha restait à l’écart? Et que, par ailleurs, une opposition structurée constitue la pierre d’achoppement de toute construction démocratique. A quoi bon fâcher l’électorat nidaiste?

De l’autre, les sages. Ils ont une lecture plus réaliste de la situation. Un édifice institutionnel bien huilé tourne, il est vrai qu’avec une opposition structurée, soit. Mais en ce moment, le pays vit la mise à feu de son système démocratique et on n’a pas le droit de le faire échouer, ajoutent-ils. Le clivage physique dessiné par les récents scrutins pourrait crisper la situation en précipitant la bipolarisation. Cela préfigure d’éventuels blocages parlementaires en cas de litiges et d’une probable scission dans l’opinion. Une situation électrisée à l’extrême, exposée à tous les périls.

Habib Essid portera seul la responsabilité de ses choix

L’habileté de BCE a été de faire appel à un indépendant qu’il connaît bien, toutefois. Et cet indépendant, s’il prend le risque d’embarquer Ennahdha dans son gouvernement, portera seul la responsabilité de sa décision. Grâce à cette esquive procédurale, Nidaa ne sera pas dans un embarras total face aux siens. Il n’aura pas pris l’initiative mais l’aurait tout juste cautionnée. Finalement il n’aura pas menti à son électorat. Au bout du compte, il n’y aura pas eu parjure. Le parti essuiera un mouvement de colère de son aile ultra. Il sera momentanément en état d’effervescence. On peut prendre le pari d’affirmer que la manip passera et que le parti ne cassera pas.

Des marchandages de mercato qui préfigurent d’un gouvernement de quotas?

Le silence de Habib Essid épaissit le mystère autour de la formation de son gouvernement. Et les craintes qui s’expriment de-ci de-là ne sont pas sans fondement. En effet, faute d’un programme commun de gouvernement préalable, l’opinion perçoit les tractations actuelles de Habib Essid avec les représentants des partis comme un marchandage politique. Le gouvernement serait donc un puzzle formé de quotas de partis. On reproduirait une configuration à l’image de la défunte Troïka.

Habib Essid serait-il candide au point de tomber dans le panneau?

Un précieux travail d’ingénierie politique? Un tour d’alchimie

A l’évidence, un ticket avec Ennahdha est une assurance-vie pour le gouvernement. N’oublions pas que la priorité des priorités pour le nouveau gouvernement est de lutter contre le fléau de la contrebande. Une telle lutte viserait les intérêts des bastions électoraux d’Ennahdha. Ce plan peut être perçu de deux façons. Il se présenterait soit comme une opération d’assainissement économique, soit comme une opération de représailles électorales. Ennahdha au pouvoir ferait que cette lutte soit présentée sous sa forme vertueuse et vice versa. N’oublions pas, par ailleurs, qu’Ennahdha dans l’opposition peut exploiter la colère de ses bastions électoraux, sans se mouiller. En toute probabilité, le mouvement de Moncef Marzouki pourrait faire le travail sur terrain et surfer sur toute attitude de contestation, sans qu’Ennahdha y soit mouillé directement. Elle tirerait son épingle du jeu, en grand seigneur.

Ceci nous permet de postuler que si Habib Essid décide d’associer Ennahdha, il devra présenter la question sous l’angle de l’impératif patriotique. Il ne peut s’exonérer de son apport d’alchimie qui, par enchantement, assurerait l’unité nationale. Il lui faudra être convaincant et persuasif.

Réussira-t-il ce test?