Tunisie – Conseillers fiscaux : Les souffrances et les inquiétudes

Par : Autres

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quelle réforme fiscale parle le ministre des Finances? La présidence du
gouvernement et l’Assemblée nationale constituante sont derrière les souffrances
des milliers de chômeurs diplômés en fiscalité et la corruption fiscale.

Actuellement, au moins huit promotions de titulaires de masters et de maîtrises
en fiscalité ont vu le jour. Est-ce que le gouvernement et les membres de l’ANC
sont aujourd’hui soucieux de l’emploi des milliers de diplômés universitaires en
fiscalité? Ont-ils préparé le terrain pour ces diplômés pour qu’ils
s’établissent à leur propre compte?

Conformément à la loi n° 60-34 du 14 décembre 1960 relative à l’agrément des
Conseils fiscaux, le Conseil fiscal est habilité à accomplir, pour les
contribuables, les formalités fiscales, à les assister, à les conseiller ou à
les défendre auprès de l’administration fiscale ou devant les juridictions
jugeant en matière fiscale et d’accomplir, à titre préventif, des missions
contractuelles d’audit fiscal qui permettent à l’entreprise d’évaluer son risque
fiscal ainsi que sa gestion fiscale avant l’intervention des agents du contrôle
fiscal.

La profession de Conseil fiscal agréé est incompatible avec la profession
comptable qui dispose déjà d’un monopole dans son domaine d’intervention.
C’est-à-dire le Conseil fiscal est interdit de fournir des prestations
comptables et d’être, par conséquent, inscrits parmi les professionnels de la
comptabilité. L’exercice illégal de la profession constitue un délit pénal au
sens de l’article 291 du code pénal.

En dépit de ces dispositions pénales, les recettes des finances ont enregistré
les statuts de centaines de sociétés exerçant illégalement la profession de
Conseil fiscal agréé. En outre, les bureaux de contrôle des impôts ont délivré
des matricules fiscaux à des milliers d’usurpateurs et d’escrocs notamment parmi
les professionnels de la comptabilité (JORT n° 93/2014), et ce en violation de
la loi régissant la profession de Conseil fiscal, de celle régissant la
profession de comptable, de celle relative à la profession d’avocat, de
l’article 1256 du code des obligations et des contrats, et de l’article 96 du
code pénal.

Quant aux sociétés créées d’une manière illicite, elles ont été enregistrées au
registre de commerce en violation de l’article 3 de la loi n° 95-44 régissant
ledit registre.

Pire encore, l’administration fiscale a permis aux usurpateurs parmi les
professionnels de la comptabilité de créer des sociétés de «conseils fiscaux» en
violation de l’article 4 de la loi régissant la profession et refuse jusqu’à ce
jour de consulter le Tribunal administratif à propos de l’interprétation de cet
article.

La même administration traite avec les escrocs en violation de l’article 15 du
code des droits et procédures fiscaux relatif à la protection du secret
professionnel et de l’article 97 ter du code pénal.

En outre, elle a refusé, en violation de l’article 56 du code de l’impôt sur le
revenu des personnes physiques et de l’impôt sur les sociétés et de l’article 96
du code pénal, de retirer les matricules fiscaux délivrés aux usurpateurs de
titres et aux escrocs.

A ce titre, certains conseils fiscaux comptent saisir le Tribunal administratif
pour abus de pouvoir et le pôle judiciaire financier pour corruption.
D’ailleurs, le ministre des Finances a gaspillé l’agent public sur conseil du
secrétaire d’Etat à la Fiscalité et ses collaborateurs lors de la création des
bureaux d’encadrement et d’assistance fiscale dans le cadre des articles 50 à 56
de la loi de finances pour la gestion 2001, sachant que ceci n’a pas fait
l’objet d’une enquête pénale jusqu’à ce jour.

Les usurpateurs du titre de Conseil fiscal agréé (parfois non titulaires d’un
diplôme) se présentent, généralement, sous les dénominations suivantes: études
comptables et fiscales, assistance comptable juridique et fiscale, Formateur
consultant en fiscalité, enseignant universitaire consultant en fiscalité,
assistance et conseil aux entreprises, conseil d’affaires, optimisation fiscale,
accompagnement des entreprises, conseil juridique, consulting, juriste
d’affaires, ancien fonctionnaire des finances, assistance administrative, expert
fiscal, contentieux fiscal, audit fiscal, assistance aux expatriés, centre
d’affaires et autres

Malgré les centaines de requêtes adressées par la profession appelant
l’administration fiscale à mettre fin à ces abus qui sont, en principe,
incriminés par l’article 96 du code pénal. A ce titre, l’article 9 de la loi
relative à l’agrément des conseils fiscaux stipule «L’exercice illégal de la
profession de conseil fiscal sera poursuivi devant la juridiction
correctionnelle. Le secrétaire d’Etat aux Finances et au commerce pourra saisir
les tribunaux, par voie de citation directe, dans les termes de l’article 115 du
code de procédure pénale». Cet article est ineffectif du moment que les
intermédiaires corrompus et les usurpateurs du titre de Conseil fiscal
continuent à traiter avec l’administration, en toute imputé, au moment où les
milliers de diplômés en fiscalité trouvent beaucoup de difficultés à s’établir à
leur propre compte du fait des pratiques illicites tolérées par l’administration
qui doit, en principe, veiller au respect de la légalité.

Les notes internes publiées de temps à autre par l’administration et destinées à
ses agents, quant aux personnes habilitées à exercer la profession de Conseil
fiscal sont, aussi, restées lettre morte et ineffectives. La situation de la
profession se dégrade et les flagrants délits sont en prolifération (corruption
fiscale), notamment après la parution du cahier des charges dont l’illégalité
est certaine du fait qu’il viole la loi relative à l’agrément des conseils
fiscaux ainsi que l’article 3 du décret n° 93-982 régissant la relation entre
l’administration et les citoyens.

La profession de Conseil fiscal est l’une des garanties dont doit disposer le
contribuable dans un Etat de droit. Conscient de son rôle, l’Etat a créé
l’Institut supérieur de finances et de fiscalité de Sousse, et ce afin de former
des conseils fiscaux et de les inciter à s’établir à leur propre compte. La mise
à niveau de la profession par référence aux règles mises en place par la
Confédération européenne des Conseils fiscaux regroupant plus de 180.000 membres
provenant de 24 pays européens ainsi que la Directive européenne du 12 décembre
2006 relative aux services au sens de l’article 52 de l’Accord d’association
avec l’Union européenne, qui nous incite à l’harmonisation de notre législative
avec celle de l’Union, est plus qu’une priorité.

Malgré ces efforts, la profession connaît beaucoup de difficultés du fait que la
loi de 1960 la régissant est devenue obsolète et du fait que le titre de Conseil
fiscal n’est pas protégé malgré que l’exercice illégal de la profession est un
délit pénal et que l’administration est tenue, en principe, d’appliquer les
dispositions de l’article 9 de la loi régissant la profession ainsi que celles
de l’article 29 du code des procédures pénales l’obligeant de les dénoncer
devant le Procureur de la république et devant les juridictions pénales.

La mise à niveau, la réorganisation et la moralisation de la profession et la
protection du titre, réclamées, vainement, depuis plus d’une dizaine d’années
par les conseils fiscaux et leurs structures professionnelles, sont devenues une
nécessité si l’Etat compte, vraiment, encourager les titulaires de maîtrises et
de masters en fiscalité à s’établir à leur propre compte et donner plus de
garanties aux contribuables et au Trésor public dont les intérêts sont,
certainement, menacés et lésés par les pratiques illicites et les tromperies et
autres des intermédiaires corrompus et des charlatans et leurs complices qui
cultivent la fraude et la corruption dans le domaine fiscal et n’accordent
aucune importance aux nouveaux diplômés demandeurs d’emploi, et par conséquent,
à l’intérêt général.

En outre, d’autres titulaires de monopoles dans leur domaine d’intervention
(commissariat aux comptes et services comptables) veulent accaparer le domaine
d’intervention du Conseil fiscal. D’ailleurs, les mounachidins parmi les membres
de la commission chargée du programme fiscal de Ben Ali au sein du RCD ont prévu
en 2009 une modification législative qui va permettre aux professionnels de la
comptabilité d’exercer les fonctions de Conseil fiscal et d’Avocat.

A ce titre, il ne faut pas oublier les dispositions mafieuses subordonnant la
déductibilité d’une charge à la certification d’un commissaire aux comptes
prévues aux niveaux de la législation fiscale et des articles 13 et suivants du
code des sociétés commerciales, au moment où le commissariat aux comptes n’est
obligatoire aux USA et au Royaume-Uni que pour les entreprise cotées en bourse
et que le Tribunal administratif a confirmé dans son arrêt n° 35770 du 19 juin
2006 que la certification du commissaire aux comptes ne garantit pas
l’exactitude et la transparence des états financiers. Ces dispositions
criminelles, encore en vigueur, ont fait de l’entreprise une vache à lait et ont
porté atteinte très grave à sa compétitivité et sa survie notamment lorsque
l’entreprise est tenue de désigner deux commissaires aux comptes.

Dans le même ordre d’idée, pourquoi le chargé du contentieux de l’Etat n’a pas
invoqué, le cas échéant, jusqu’à ce jour la responsabilité civile et pénale des
commissaires aux comptes des entreprises pillées par la mafia de Ben Ali.

Les promesses données lors des travaux préparatoires de plusieurs lois de
finances comme celles pour la gestion 2003, 2004 et autres, quant à la mise à
niveau de la profession régie par une loi archaïque datant de 1960, sont restées
lettre morte; malgré que l’administration manifeste beaucoup d’intérêt,
apparemment, pour l’emploi des titulaires de masters en fiscalité qui n’ont pas
pu s’établir à leur propre compte à cause de l’exercice illégal de la profession
devant les services administratifs qui refusent, en toute impunité, d’appliquer
les instructions qui leur interdisent de traiter avec les charlatans et les
usurpateurs.

Actuellement, la situation des jeunes Conseils fiscaux et des milliers de
diplômés en fiscalité a empiré avec les promesses mensongères des différents
gouvernements et le blocage du projet de loi portant organisation de la
profession au niveau de la présidence du gouvernement, de la commission de la
législation générale et la commission des finances au sein de l’ANC dont les
membres sont apparemment soucieux du chômage des diplômés et de la corruption
dans le domaine de la fiscalité qui nous coûte annuellement quelques dizaines de
milliers de milliards.

Jusqu’à ce jour, l’administration fiscale et les membres de l’ANC refusent de
modifier les articles 39, 42 et 60 du code des droits et procédures fiscaux qui
permettent aux escrocs et aux corrompus d’intervenir dans les affaires fiscales,
et ce en violation des lois professionnelles. De même, ils refusent de supprimer
la Commission de révision des arrêtés de taxation d’office qui est une
juridiction hors du système judiciaire et qui n’a pas de similaires ni dans les
pays développés ni dans les pays sous-développés, sachant que celle-ci a
remplacé la Commission d’examen des requêtes des contribuables qui a radié les
créances fiscales depuis 1998 en violation de l’article 25 du code de la
comptabilité publique.

En outre, ils refusent de restituer aux Conseils fiscaux leur droit au travail
dont ils ont été privés en vertu de la loi criminelle n° 2006-11, adoptée dans
des conditions corrompues en violation des articles 5 et 7 de l’ancienne
constitution, l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques et l’article 6 du Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels.

Après avoir constaté que le projet de loi portant réorganisation de la
profession, qui date de 1994, ne va pas passer, les structures professionnelles
ont demandé au président du gouvernement et au ministre des Finances
d’actualiser, dans le cadre du projet de la loi de finances pour la gestion
2015, la loi régissant la profession de conseil fiscal du fait qu’elle fait
allusion à des textes qui ont été abrogés depuis des dizaines d’années.

Cependant, les corrompus du ministère des Finances ont choisi de bloquer cette
proposition constructive qui a été accompagnée d’un projet d’article portant
mise à jour de la loi n° 60-34 du 14 décembre 1960 relative à l’agrément des
conseils fiscaux. De quelle réforme fiscale parle le ministère des Finances s’il
continue à bloquer la réforme de la profession de conseil fiscal?

Enfin, la responsabilisation pénale de ceux qui bloquent la mise à niveau de la
profession de conseil fiscal en avançant de faux alibis et des tromperies
(blocage par les professionnels de la comptabilité, certains avocats et autres
ripoux au sein de l’administration) afin qu’elle reste une cinquième roue pour
les retraités, les intermédiaires corrompus, certains titulaires de monopole et
les escrocs, au détriment des chômeurs, est plus qu’une priorité pour tous au
moment où l’Etat dépense d’importantes ressources fiscales pour employer les
jeunes diplômés.

A ce titre, la refonte de la loi n° 87-8 relative au travail des retraités est
plus que primordiale pour remédier à l’égoïsme de certains malades et inciter
les jeunes diplômés à s’établir à leur propre compte loin de toute concurrence
déloyale et pratiques douteuses et illicites.

*Membre de l’Association fiscale internationale, de l’Institut des avocats
conseils fiscaux de France, du Conseil national de la fiscalité, du Groupement
professionnel des conseils fiscaux et Fondateur de la Chambre nationale des
conseils fiscaux.