La Russie assiste, impuissante, à la chute sans fin du rouble

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à de nouveaux records de faiblesse et les autorités, impuissantes, semblent se résoudre à voir la population payer un prix chaque jour plus élevé à la crise ukrainienne (Photo : Alexander Utkin )

[06/11/2014 18:00:53] Moscou (AFP) Rien n’arrête la chute du rouble: la monnaie russe s’enfonce chaque jour à de nouveaux records de faiblesse et les autorités, impuissantes, semblent se résoudre à voir la population payer un prix chaque jour plus élevé à la crise ukrainienne.

Le déclin de la devise a tourné à la déroute jeudi, l’euro comme le dollar se renchérissant d’environ deux roubles en une seule journée et montant respectivement à 58,11 roubles et 46,77 roubles, du jamais vu.

Au total, le rouble a perdu près du quart de sa valeur depuis le début de l’année alors que montaient en puissance les sanctions imposées par les pays occidentaux contre Moscou pour l’annexion de la Crimée et son soutien aux séparatistes de l’Est de l’Ukraine.

Le mouvement a redoublé d’intensité depuis un mois, alimenté par la chute des cours du pétrole qui fournit avec le gaz la majorité des rentrées budgétaires.

Les Russes, qui ont déjà traversé de difficiles crises financières en 1998 et 2008-2009, assistent à la valse des taux de changes sur les tableaux électroniques et dans les journaux télévisés.

Voir l’euro dépasser 50 roubles au printemps avait constitué un choc. Ces trois dernières semaines, ils ont vu défiler les seuils, de 53 à 58 roubles pour un euro, et face au dollar de 42 à 46 roubles.

Que faire face au phénomène, qui, combiné à l’embargo sur les produits alimentaires occidentaux, a poussé l’inflation à plus de 8%? “Apprendre à vivre avec”, a résumé cette semaine Andreï Klepatch, économiste à la banque publique d’investissement VEB.

“Il faut apprendre à en profiter pour remplacer les importations (par des produits locaux devenus plus compétitifs, ndlr). Bien sûr, c’est le consommateur qui en paiera le prix”, a ajouté cet ancien haut responsable du ministère de l’Economie.

Les autorités monétaires semblent baisser les bras. Mercredi, la Banque de Russie a annoncé qu’elle réduisait à 350 millions de dollars par jour ses interventions destinées à maintenir le rouble dans une fourchette préétablie, contre parfois plusieurs milliards jusque là.

L’institution a beau avoir assuré qu’elle continuerait d’intervenir en cas d’incendie financier, l’une de ses responsables, Ksenia Ioudaeva, a reconnu qu’une stabilisation éventuelle du rouble dépendrait avant tout de l’actualité.

Si pour le journal Kommersant, la banque centrale “a reconnu sa défaite”, les économistes de la Haute Ecole d’Economie de Moscou ont jugé cette décision “logique” vu les sommes nécessaires aux interventions (27 milliards de dollars en octobre).

– Le niveau de vie est touché –

“La banque centrale comprend qu’elle ne peut pas jouer contre des facteurs négatifs externes”, comme les sanctions et la baisse des cours du pétrole, confirme Natalia Orlova, économiste chez Alfa Bank.

“Elle a dépensé beaucoup d’argent en octobre et ne veut pas rester sans réserves”, poursuit-elle, interrogée par l’AFP.

Pour le journal économique Vedomosti, dilapider les réserves pour tenter, en vain, de soutenir le rouble n’a “aucun intérêt”, mais “la population doit se résoudre à une baisse de son niveau de vie”.

Pour autant, les Russes continuent d’accorder un soutien sans faille à Vladimir Poutine, qui recueille selon le centre Levada 88% d’opinion favorable.

Le président russe, qui effectue la semaine prochaine une tournée en Asie où il assistera notamment au sommet des grandes puissances du G20, peut se prévaloir de cette cote de popularité record tandis que l’économie russe se trouve au bord de la récession.

En revanche, les ménages ont déjà commencé à réduire leurs achats les plus coûteux, entraînant un plongeon du marché automobile ou une crise du secteur touristique.

Selon Irina Tiourina, porte-parole de la fédération russe des voyagistes, les réservations pour les séjours à l’étranger s’annoncent en baisse de 30% à 50% pendant les fêtes par rapport à l’an dernier.

La raison est simple: avec la chute du rouble, les voyages sont 30% plus chers, explique-t-elle à l’AFP.

L’opposant Alexeï Navalny a averti cette semaine de “mauvaises surprises” pendant les fêtes, calculant la différence de prix sur un an de produits importés populaires parmi la classe moyenne: jouets Lego, ordinateur Apple, jeans Levi’s…

“Le niveau de vie est touché”, résume l’économiste Natalia Orlova. “Cette année la population y consent et préfère prendre dans les dépôts pour consommer, mais l’année prochaine, les gens seront obligés de diminuer leurs dépenses”.