L’Argentine offre Buenos Aires et Paris comme lieux de paiement de sa dette

6932291cdabd22c359605d805fb6d80f1bb57203.jpg
ès national argentin lors des discussions sur le paiement de la dette à Buenos Aires le 10 septembre 2014 (Photo : Juan Mabromata)

[12/09/2014 05:48:55] Buenos Aires (AFP) Soucieuse de contourner le blocage par la justice américaine de ses remboursements de dette, l’Argentine a fait adopter jeudi une loi permettant aux créanciers de toucher leur dû à Buenos Aires ou à Paris.

Le texte précise qu’un détenteur de bons argentins peut également demander à ce que les fonds soient mis à disposition dans une autre place financière.

Après un vote favorable au Sénat la semaine dernière, les députés argentins ont approuvé la mesure par 134 voix pour, 99 contre et cinq abstentions, à l’issue de 17 heures de débats.

“Nous avions obtenu une majorité absolue. Ceux qui ont voté en faveur de la loi défendent la souveraineté du pays, alors que ceux qui ont voté contre ont manifesté leur accord avec ce que proposent les fonds vautours”, a déclaré après le vote le chef du gouvernement argentin Jorge Capitanich.

L’Argentine veut ainsi démontrer sa volonté d’honorer les échéances de sa dette, restructurée après la crise économique de 2001.

d9cdc17fe308a3b79d999fc2326f2620adee1670.jpg
énonçant les fonds vautours américains, à Buenos Aires le 10 septembre 2014 (Photo : Juan Mabromata)

“L’Argentine veut payer, peut payer et va payer toutes ses dettes”, a déclaré la présidente argentine Cristina Kirchner lors d’un discours.

“La loi garantit non seulement le paiement de 93% des créanciers qui nous ont fait confiance, mais elle envisage également le paiement d’intérêts” à ceux qui n’ont pas accepté les restructurations de dette en 2005 et de 2010, a-t-elle ajouté.

Le dernier remboursement de dette argentine aux créanciers privés, d’un montant de 539 millions de dollars, est bloqué depuis le 26 juin sur un compte de la Bank of New York (BoNY) sur décision du juge américain Thomas Griesa, qui a condamné l’Argentine à verser 1,3 milliard de dollars à deux fonds “vautours”, détenteurs de moins d’un pour cent de la dette.

Mais Buenos Aires s’y refuse, avançant que l’application du jugement ferait s’écrouler la restructuration de la dette acceptée par 93% des créanciers.

Après le vote du Sénat, le juge américain avait jugé “illégale” la manoeuvre de la présidente argentine de centre gauche Cristina Kirchner, estimant qu’elle visait à se soustraire à la justice des Etats-Unis.

Buenos Aires espère que la prochaine échéance, due au 30 septembre, de 200 millions de dollars, pourra être versée selon le nouveau mécanisme.

– Risque de poursuites judiciaires –

Le texte a été approuvé par les parlementaires du Front pour la victoire (FPV), la coalition de Mme Kirchner, et l’opposition a voté contre, jugeant que la loi ne résoudrait pas le problème créé par la décision du juge.

Sollicité par l’AFP, le ministère français des Finances déclinait jeudi tout commentaire. Selon plusieurs sources à Paris, l?initiative argentine n?était pas concertée avec les autorités françaises.

Pour les “fonds vautours”, la loi est la “dernière tentative de se moquer des normes internationales”. “Les tentatives du gouvernement argentin de se dérober à la justice américaine n’auront pas de succès et peuvent avoir des conséquences judiciaires”, a déclaré la American Task Force Argentina (ATFA), le lobby qui défend les intérêts des fonds “vautours”.

Après le blocage du remboursement de 539 millions de dollars, l’Argentine a été déclarée le 30 juillet en “défaut de paiement partiel” par les agences de notation.

Un qualificatif rejeté par le gouvernement argentin, qui rejette sur la justice américaine la responsabilité du non-versement de cette échéance aux destinataires du paiement.

Buenos Aires a d’ailleurs porté plainte contre les Etats-Unis devant la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye, une procédure qui n’a aucune chance d’aboutir.

Les “fonds vautours” qui ont gagné en justice contre l’Argentine, menés par les fonds NML et Aurelius, ne détiennent que 1% de la dette du pays sud-américain, mais ils font chanceler le processus de désendettement, validé par 93% des créanciers.

Sept pour cent de créanciers, les “holdout”, ont toujours refusé une renégociation de dette, parmi eux les fonds “vautours”, qui ont obtenu en justice d’empocher 100% de la valeur des bons alors que les créanciers restructurés n’en touchent que 30%.

A New York, l’assemblée générale de l’ONU a adopté mardi une résolution présentée par l’Argentine et le G77+Chine pour jeter les bases d’une régulation des restructurations de dettes souveraines, afin qu’une minorité de créanciers ne puisse pas faire chanceler un processus de désendettement ayant rallié une majorité.

La semaine précédente, l’Association internationale des marchés de capitaux (Icma), regroupement des principales banques, des investisseurs et des émetteurs de dettes de la planète, avait publié de nouvelles règles pour éviter que ne se reproduise ce scénario dans lequel une minorité peut remettre en cause un accord de restructuration.

Depuis le classement de l’Argentine en “défaut de paiement partiel”, la situation économique de la troisième économie d’Amérique latine, minée par l’inflation et une chute de la consommation, s’est aggravée.

Pour les économistes argentins, le gouvernement de Mme Kirchner cherche à gagner du temps avant de sceller un accord avec les “fonds vautours” début 2015.