Diplomatie : La Tunisie veut se réconcilier avec sa dimension africaine


moncef_marzouki_tunisie-680.jpgLa
tournée que le président Marzouki effectue en Afrique subsaharienne du 20 au 25
juin est exceptionnelle. Car c’est la première fois depuis une trentaine
d’années qu’un chef d’Etat tunisien se rend –ce que Ben Ali, qui n’était guère
porté sur les voyages officiels à l’étranger, n’a jamais fait- dans cette partie
du monde. La visite qu’effectue son chef de l’Etat dans quatre pays (Mali,
Niger, Tchad et Gabon) envoie donc un message très clair: la Tunisie veut
rattraper le temps perdu et bâtir avec le reste du continent auquel elle a donné
son nom des relations étroites et mutuellement profitables.

La preuve en est que la plupart des acteurs politiques et économiques sont en
train de mettre leurs montres à l’heure africaine.

D’abord, la présidence de la République. Tout en préparant sa tournée africaine,
le président a mis sur pied une commission chargée de travailler à l’élaboration
d’une stratégie africaine pour la Tunisie. Lors de son intervention au Tunis
Forum, le chef de l’Etat avait brossé les grandes lignes d’une feuille de route
destinée à faciliter la réconciliation de la Tunisie avec sa dimension
africaine: réduction du nombre de pays avec lesquels la procédure de visa est
appliquée, augmentation du nombre –actuellement de 7 seulement- d’ambassades de
Tunisie en Afrique sub-saharienne, et établissement de liaisons aériennes.

Dans la communauté d’affaires, ensuite, chacun y va également de son initiative
en direction de l’Afrique subsaharienne. L’Union tunisienne de l’industrie, du
commerce et de l’artisanat (UTICA) a organisé, le 3 juin 2014, une rencontre sur
le thème «Tunisie- Afrique: Bâtissons ensemble notre avenir».

Sa présidente, Wided Bouchamaoui –qui a participé à la conférence économique du
Sommet Afrique-France, le 4 décembre 2013 à Paris- y a annoncé la création, dans
le cadre de la déclaration de l’année 2014, d’une haute commission pour
l’Afrique regroupant des représentants des secteurs public et privé, ayant pour
mission de «définir les grands axes de la stratégie dédiée à l’Afrique et de
créer des groupes économiques pour l’intégration dans ce marché» et
l’organisation en octobre prochain, avec le concours du Centre de promotion des
exportations (CEPEX), d’un forum économique dédié exclusivement à l’Afrique.

Emboîtant le pas à l’UTICA, l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE) a
consacré, deux jours plus tard, l’édition 2014 de son Tunis Forum (5 juin 2014)
aux relations de la Tunisie avec le reste de l’Afrique. Cette manifestation a
été l’occasion d’approfondir la réflexion non pas sur l’opportunité d’un tel
engagement –qui ne fait plus débat aujourd’hui en Tunisie- mais sur la manière
de concrétiser cette orientation stratégique.

Enfin, la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (CONECT), présidée
par Tarek Chérif, déroule elle aussi depuis plus de deux ans une stratégique
d’expansion africaine. Pour ce faire, elle table –outre les missions
commerciales, dont une itinérante organisée à l’occasion de la tournée africaine
du président Marzouki- sur son action dans le domaine de la responsabilité
sociale de l’entreprise pour tisser son réseau africain.

C’est en effet en partenariat avec le Groupement inter-patronal du Cameroun et
l’Institut Afrique RSE que la CONECT a organisé, en novembre 2012 à Tunis, la
deuxième édition du Forum international des pionniers de la responsabilité
sociétale des entreprises (RSE) en Afrique.

Mais cette nouvelle profession de foi africaine des Tunisiens ne pourra pas se
concrétiser si certaines conditions ne sont pas réunies: le développement d’une
présence financière forte, souligné lors du Tunis Forum, par Ahmed El Karm,
vice-PDG de l’Amen Bank, et, recommande Walid Belhadj Amor, DGA de Comete
Engineering, la «lutte contre l’ignorance, source de préjugés, clichés et de
peurs», préalablement à l’élaboration d’une stratégie africaine de la Tunisie.