Aéronautique : des balises éjectables pour localiser les avions s’abîmant en mer

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éroport Tan Son Nhat à Ho Chi Minh ville le 15 mars 2014 (Photo : Hoang Dinh Nam)

[05/06/2014 09:24:28] Marseille (AFP) Une balise qui s’éjecte au moment de l’impact, remonte vers la surface grâce à une bouée et émet une position GPS via les réseaux satellitaires, voilà le système mis au point par une petite PME varoise. Objectif: éviter, lorsqu’un avion s’abîme en mer, des jours d’incertitude pour les familles de victimes et des coûts pharaoniques de recherche.

Les responsables de cette société de pyrotechnie installée à Signes (Var) sont sûrs de leur fait: si leur prototype avait été installé sur le Boeing 777 de la Malaysia Airlines, il aurait évité le halo de mystère qui entoure, encore aujourd’hui, la disparition de l’appareil, début mars.

“Si la balise n’est pas éjectée, il n’y a pas de signal et s’il n’y a pas de signal, c’est qu’il n’y a pas eu de crash”, assure le directeur commercial de Tethys, Marc Schwindenhammer.

En fait, le système a été conçu comme “une réponse assez formelle aux recommandations du Bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA)” qui ont suivi un autre accident, celui du vol AF 447 d’Air France entre Rio et Paris, assure-t-il.

Après cet accident, dans la nuit du 31 mai au 1er juin 2009, il avait fallu près d’une semaine pour localiser les premiers débris de l’Airbus qui s’était abîmé en plein océan Atlantique avec 228 personnes à bord, et près de deux ans pour repêcher les boîtes noires.

Le BEA avait alors émis plusieurs recommandations, notamment une demande de “propositions sur les conditions de mise en ?uvre d?enregistreurs éjectables (…) pour les aéronefs effectuant du transport public de passagers”.

Avec un tel système, “on n’aurait pas fait des ronds dans l’eau pendant des jours et dépensé des millions d’euros” pour rechercher l’épave, explique le président de la société Roger Anfosso.

Le dispositif conçu par Tethys comprend un ensemble de capteurs qui détectent le choc et l’immersion, et éjecte, en transperçant la carlingue de l’appareil, un module comprenant “une bouée qui va se gonfler” pour remonter à la surface.

– Du prototype à l’industrialisation –

La balise, munie d’un GPS, dispose d’antennes, qui communiquent via le réseau satellites Cospas-Sarsat. Y sont stockés également les 19 principaux paramètres de vol, permettant “de faire une pré-analyse” des circonstances de l’accident.

Le développement de ce prototype, qui a compris des tests en piscine sur des morceaux de carlingues et a duré 18 mois, s’est fait en collaboration avec l’université Aix-Marseille et la société spécialisée dans les balises sous-marines ACSA (groupe Alcen) et celle spécialisée dans l’électronique ISEI. Il a déjà coûté 1,5 million d’euros, provenant en partie du Fonds unique interministériel.

“On a un produit qui tient la route, on a toutes les +briques technologiques+ validées. Maintenant, il faut finaliser le développement, l’industrialiser… ce qui coûte plusieurs millions d’euros”, explique M. Schwindenhammer, qui craint que le projet “tombe à l’eau”, faute de soutien des industriels.

Ce coût, Tethys sait en effet ne pas pouvoir le supporter seul, car les certifications aéronautiques sont coûteuses. “Environ 30 à 40% du travail est fait”, estime M. Anfosso.

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éroport de Kuala Lumpur le 13 mars 2014 (Photo : Mohd Rasfan)

Airbus, qui a collaboré un temps au projet, n’a pour l’instant pas donné suite.

“Il faut aller relativement dans le détail des solutions possibles”, explique une source proche de l’avionneur, interrogée par l’AFP, mais après, “l’EASA, la FAA et l’OACI (autorités européennes, américaines et mondiales de l’aviation, ndlr) doivent demander leur mise en oeuvre”.

“L’obsession, c’est d’éviter de rajouter de la masse à un avion”, souligne également cette source, qui évoque la possibilité de boîte noire éjectable, plutôt qu’une balise supplémentaire.

Du côté de Téthys, on met en avant la fiabilité et la robustesse du module – dont la fonctionnalité est assuré pendant 10 ans sans entretien – et la facilité d’intégration. “L’avantage, c’est qu’on n’est pas obligé de modifier la structure de l’avion”.

Si cette solution se généralisait, le marché s’annonce en tout cas gigantesque. Selon les prévisions d’Airbus, le nombre d’avions de ligne pourrait passer d’environ 15.000 aujourd’hui à 32.000 en 2030.