Tunisie – Banques publiques : Les 3 majors (3/3)

Pouvait-on laisser les banques publiques veiller à la planification industrielle, c’est-à-dire la promotion mais également la concentration des entreprises via les absorptions fusions? Il est permis de penser qu’on aurait eu des fleurons industriels dotés des masses critiques nécessaires et des filières plus intégrées. La profusion des industries répétitives a plombé le dynamisme de l’économie à cause des capacités inutilisées davantage que les entreprises défaillantes.

stb-bank-680.jpgDans nos deux précédents papiers, nous avons évoqué l’engourdissement des banques publiques, restées sur un business plan figé, réduites en bout de course à faire de l’agiotage selon une figure illustre du monde bancaire. On voit bien que leur expansion n’a pas été accompagnée par ce qu’il faut de génie financier de la part des pouvoirs publics. L’aire d’intervention de ces banques a été circonscrite à leur strict champ de financement automatique du bas comme du haut du bilan sans les laisser faire progresser la philosophie de leur métier vers une vision de plus long terme. Le cas de l’expérience de la STB est édifiant, à cet égard.

Une enseigne miraculeuse

Elle a cultivé le réflexe de l’épargne bancaire chez le Tunisien. C’est elle qui a pu canaliser le volant de ressources indispensable à cette formidable machine de guerre du crédit bancaire à moyen terme dont nous savons tous qu’elle a bâti l’architecture de l’industrie tunisienne.

Elle a été une école de prospective sous Azzouz Matahri, son fondateur et premier PDG. Il faut se rappeler que Chedly Ayari, actuel gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, et Serge Guetta, directeur pour l’Afrique de l’Ouest à la Banque mondiale, y ont fait leurs armes.

Ses études sectorielles inspiraient autant feu le Centre national d’études industrielles (CNEI) que les départements ministériels et enfin la Banque mondiale. Elles ont préfiguré ce qui est aujourd’hui appelé “la veille et l’intelligence économique“.

La STB a fait appel au meilleur bureau d’expertise de l’époque, à savoir la CEGOS, pour reconfigurer son organisation et son organigramme. En quelque sorte, elle a posé les jalons de ce qui deviendrait, plus tard, les bases de la gouvernance d’entreprise.

Elle a absorbé, coup sur coup, la BNDT et son passif toxique, mais également la BDET et son portefeuille de participations immobilisé. Qu’elle ait manifesté des signes d’essoufflement, quoi de plus naturel, alors qu’on n’a pas su la soutenir et l’appuyer pour raviver son dynamisme.

Le concept-clé, le savoir-faire métier et le potentiel à l’exportation

On ne voit pas quel métier de la banque et de la finance a échappé au tableau de chasse professionnel de la STB. On aurait écouté les stratèges du département études de la STB, on aurait pu éviter au pays cette suraccumulation d’équipements industriels répétitifs. Cet amoncellement de matériel a coûté cher à la collectivité nationale et a surchargé les comptes d’exploitation des entreprises, les poussant vers la gêne de trésorerie et parfois la déconfiture.

La STB recommandait un cadre légal de sous-traitance qui aurait abouti à une optimisation des immobilisations industrielles. La Tunisie, à titre d’exemple, dispose d’un plus grand potentiel de fabrication industrielle des pates alimentaires que l’Italie. Et on sait que l’Italie s’est constituée un affluent d’or vert à partir de l’exportation de ses pâtes alimentaires, à travers le monde.

Pourquoi ne pas laisser le soin à la STB de refonder la filière textile tunisienne?

Si la banque avait eu plus de latitude d’intervention, les Ateliers mécaniques de Gabès, le Complexe mécanique de Tunisie ou El Fouladh auraient pu connaître une autre trajectoire de croissance et d’expansion avec ce qu’il faut de supplément de rentrées en devises pour le pays.

La STB est la première banque de la place à se doter d’une banque d’affaires. Il serait antiéconomique de recapitaliser la STB sans lui donner les moyens d’une présence physique à l’international. Il est vrai que nos banques nationales, en dehors de la BNA, ne figurent pas dans les 50 premières banques africaines. Cependant, leur expertise pourrait les mettre sur la voie d’une expansion grâce à un redéploiement sur le marché régional et africain. Elles sont tout à fait en mesure de soutenir la compétition grâce à leur savoir-faire.

Je ne vois pas de banque qui puisse rivaliser avec les banques publiques tunisiennes au sein de ces deux espaces. Et ce potentiel a été cultivé en intra par le génie de compétences locales.

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