Tunisie, Ecotourisme : Inspirations tunisiennes autour du modèle allemand


tourisme-5454.jpgC’est
à la faveur d’un voyage-formation dans le land de la Bavière en Allemagne, afin
de découvrir le tourisme durable et l’écotourisme, qu’un groupe de
professionnels s’est rencontré. Une cohésion autour d’une certaine vision s’est
alors construite durant ce voyage organisé par la GIZ, un guichet de coopération
internationale allemand de savoir-faire au service du développement durable.

Une association pour un tourisme tunisien plus intelligent est née de ce voyage
d’étude. Elle s’inspire de la rigueur allemande et porte l’espoir d’une nouvelle
génération d’opérateurs touristiques tunisiens.

Issam El Messabi est diplômé de l’Institut des hautes études de Glion. Fils
d’hôtelier de Djerba, il fait partie des dizaines de directeurs d’hôtels qui
s’expatrient au Maroc depuis quelques années. De retour en Tunisie, il est l’un
des mieux placé pour mesurer le gâchis que l’on a fait de «son île». Celle-ci a
longtemps souffert du manque d’eau, d’une mauvaise gestion de déchets, de
constructions anarchiques…Problèmes à rajouter aux sempiternels manques de
produits touristiques, d’absence d’animations et d’une mauvaise image, de la
destination dans sa totalité, qui s’est accentué depuis le 14 janvier 2011.

Issam ne peut s’empêcher de repenser au Maroc: «Comparé à Marrakech, la
destination Tunisie fait office de dortoir. On sort à Paris, Londres ou
Marrakech dans les mêmes endroits et aux mêmes prix. Le pays travaille et le
tourisme est la tête du wagon qui tire le reste de l’économie du pays. Cela fait
combien de temps que vous n’êtes pas allés au Maroc? Oubliez la pauvreté des
années 80… Les bidonvilles disparaissent, le salaire moyen augmente et les
investissements y sont affolants! Nous savons ce qu’il faut faire pour
réinventer notre destination, alors au boulot!»

Si Issam El Messabi est un de ceux qui sont engagés auprès de la Fédération
tunisienne de l’hôtellerie (FTH), d’autres comme Farhat Ben Tanfous,
ressortissant d’une école d’ingénierie allemande et promoteur d’une résidence
hôtelière de charme à Djerba (lire lien), s’est même essayé à la vie municipale.

Entreprenant et bouillonnant d’idées, il a essayé d’innover pour sa ville et
région autant que pour son entreprise en y créant, entre autres, un nouveau
concept et en l’animant tantôt d’une semaine gastronomique autour de la cuisine
du terroir ou encore d’un marché de Noël qui a eu un succès retentissant sur
l’île.

Deux jeunes, deux parcours mais assurément les mêmes ambitions: voir la
destination Tunisie renaître de ces cendres, redevenir attractive, rentable et
innovante. Mais est-ce un hasard que la composition de la délégation de ce
voyage en Allemagne soit faite de jeunes professionnels qui non seulement
critiquent la situation de quasi faillite du tourisme tunisien mais portent une
vision certaine et ont déjà amorcé quelques actions louables? Ces deux jeunes
gens sont-ils des cas isolés?

Loin de là! Qu’ils soient les héritiers d’entreprises familiales qu’ils
modernisent, ou qu’ils soient dans le top management de chaînes internationales
opérant en Tunisie, ils s’engagent et ont envie de se battre pour que le
tourisme tunisien reprenne des galons.

Sami Ounalli, directeur marketing et des ventes auprès de la chaîne Radisson
souhaite voir le tourisme plus diversifié, intégré, solidaire et équitable:
«Dans nos structures hôtelières, nous avons toutes les certifications possibles
et ça marche! Il n’en reste pas moins vrai que si le tourisme était mieux
exploité, mieux pensé et plus intégré, cela révolutionnerait les régions,
apporterait de la prospérité, résorberait le chômage et apporterait une paix
sociale dont nous avons fortement besoin».

Du côté de la capitale, Mehdi Fourati, gérant de l’hôtel «Les Ambassadeurs»
vient de décrocher un écolabel dont il n’est pas peu fier. La gestion des
ressources est au cœur de son quotidien et la démarche d’exigence qui l’impose
pousse sa structure vers l’excellence.

Le chacun pour soi et le tourisme pour tous

Et si l’heure de la remise en question avait-elle vraiment sonné? De la phase
d’accumulation de ces dernières années, le tourisme tunisien et son hôtellerie,
de façon plus particulière, sont au plus mal de son histoire. Ils doivent plus
que jamais penser à leur présent en s’interrogeant sur leur avenir. Pour cela,
il nécessite de faire pousser les lignes en termes de visions et de stratégies.
Le temps du chacun pour soi est fini et la voie d’un tourisme respectueux de
l’environnement naturel et culturel, privilégiant la rencontre et l’échange,
participant de manière éthique au développement local s’impose.

Bien qu’encore marginale dans le monde entier, le tourisme solidaire et
équitable* suscite de vrais espoirs car il permet d’apporter une redistribution
plus juste des ressources. L’écotourisme est une de ses premières étapes.
Comment faire du tourisme en polluant moins, en gérant mieux l’eau et les
déchets sans toucher au confort du client? Comment un projet touristique peut-il
devenir le moteur de toute une région?

Né il y a une trentaine d’années, le terme lui-même d’écotourisme est récent. La
définition qu’en donne la TIES (Société internationale de l’écotourisme) date de
1991: «L’écotourisme est un voyage responsable dans des environnements naturels
où les ressources et le bien-être des populations sont préservés». L’écotourisme
ou le tourisme vert est une des formes du tourisme durable, plus centrée sur la
découverte de la nature (écosystèmes, mais aussi agro-systèmes et tourisme
rural), voire d’écologie urbaine (jardins écologiques, espaces verts
écologiques, réserves naturelles urbaines et autres sujets des domaines de
l’écologie urbaine…).

Un concept sur lequel s’est particulièrement penché l’Allemagne de façon
générale et la région de Bavière en particulier et avec succès.

Recevant la délégation tunisienne au siège de la Chancellerie d’Etat de Bavière,
Paul Fischer, directeur des relations internationales, déclare que «la nature
est un atout pour le tourisme et il faut savoir en prendre soin. Les traditions
mélangées au modernisme et à l’innovation deviennent alors un pari gagnant pour
l’avenir. L’oktoberfest (fête de la bière à Munich) en est la meilleure preuve.
C’est à la base une fête traditionnelle vieille de 150 ans (organisée depuis
1810) qui draine près de 6 millions de touristes à la région en une semaine».

En effet, l’Oktoberfest a lieu près du centre de Munich, sur un terrain vague de
42 hectares. Afin de préserver le caractère familial de la fête, une fête
foraine et des lieux de restauration sont installés autour des tentes.
L’événement est la plus grande fête foraine au monde et commence toujours par un
défilé de plus de huit mille personnes portant le costume traditionnel de la
région. Le public, sous de grandes tentes festives, peut consommer de la bière
en écoutant de la musique. Environ 6 millions de litres sont bus chaque année.

Oktoberfest, un événement phare

Reconstituer des pans du passé, c’est bien. Bâtir de nouveaux concepts, c’est
encore mieux! Etablir un projet avec une forte ligne directrice, s’y tenir et y
travailler avec acharnement, voilà le pari fou qui a été pris avec la mise en
place du Nationalpark Bayerischer Wald (www.nationalpark-bayerischer-wald). Un
parc qui a totalement transformé une région abandonnée et oubliée aux frontières
de la Tchéquie et qui a suscité à son lancement la colère des populations qui
l’ont même incendié car ils n’y voyaient pas l’intérêt.

20 ans plus tard, le parc est une locomotive pour la région. Il ne se contente
pas de protéger la nature et d’instruire à son sujet, mais apporte plus d’un
million de touristes (rien que pour la passerelle) qui viennent dans la forêt
pour s’y restaurer, marcher, s’amuser, observer, se divertir… En dehors des
forêts largement dominantes, le parc abrite quelques tourbières et lacs
glaciaires, vestiges visibles de la dernière glaciation il y a 8.000 ans
environ. Fort de 1.500 kms de pistes de randonnées, assurant en moyenne 4
visites guidées de la forêt et 10 à 15 visites par jour de la passerelle, le
parc est aussi un exemple probant de partenariat public/privé.

Une passerelle géante qui prend la forme d’un œuf pour permettre aux visiteurs
d’obtenir une vue plongeante sur la forêt bavaroise est ainsi bâtie. Elle est
simplement la passerelle la plus longue du monde et le billet d’entrée pour la
parcourir est de 8,5 euros (le reste du parc est gratuit). L’investissement de
3,5 millions d’euros s’est avéré d’une rentabilité inouïe. Le parc fait vivre
ainsi 11 communes, 1.000 établissements touristiques pour un chiffre d’affaire
de 50 millions d’euros. La région à réalisé 1,15 million de nuitées, a permis de
développer une société de transports gratuits pour limiter l’utilisation des
voitures privés, et continue de penser à l’avenir afin de pousser les visiteurs
à dépenser plus et mieux.

Un exemple révolutionnaire qui chamboule Skander Zribi, propriétaire du premier
gîte rural de Tunisie, Dar Zaghouane www.darzaghouane.com. Il s’exprime avec un
long soupir: «La région de la Bavière est si similaire à celle de Zaghouan. Le
potentiel y est le même sauf que moi je suis livré à moi-même. Je ne peux plus
compter sur l’Etat, pourtant c’est à lui que revient la mission première de
faire les choix politiques à même de soutenir et solliciter pareils projets en
Tunisie».

Mais est-ce demain la veille? Cette révolution est-elle prête à se faire?

Pour le moment, les débats, vrais et faux, sont ailleurs. Au cœur des
défaillances se trouvent souvent les ressources humaines. Pourtant ce ne sont
pas les compétences et les volontés privées et personnelles qui manquent en
Tunisie. Les politiques, elles, sont encore bien trop défaillantes. Elles
marquent au fer rouge la réputation d’une destination qu’il devient urgent de
raviver afin de renverser la tendance. Tant qu’il est encore temps !