Chine : la zone franche de Shanghai, un laboratoire des réformes

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Le port de Shanghai, qui fait partie du projet de zone franche, le 30 juillet 2013 (Photo : -)

[19/09/2013 11:05:33] Shanghai (AFP) Le projet d’une zone franche à Shanghai, où la Chine pourrait pour la première fois autoriser la libre conversion de sa monnaie, devrait être, selon les experts, un laboratoire des réformes ambitieuses préparées par les nouveaux dirigeants.

Après une décennie marquée par un net ralentissement des réformes structurelles, l’administration du Premier ministre Li Keqiang, en place depuis mars, affiche sa soif de changements et a récemment approuvé la création de cette zone franche dans la capitale économique du pays — qui devrait entrer en vigueur le 1er octobre.

Pour certains experts, ce projet ravive le souvenir de précédents marquants, tel l’établissement de zones économiques spéciales dans les années 1980.

“C’est une véritable tentative pour mettre en oeuvre une partie des réformes. Nous faisons du lobbying pour certaines de ces réformes depuis longtemps”, s’est ainsi félicité Stefan Sack, vice-président de la Chambre de commerce de l’Union européenne en Chine.

L’annonce de la zone franche de Shanghai (ZFS) intervient alors que les autorités chinoises ont multiplié les derniers mois les enquêtes pour corruption ou entente sur les prix visant les entreprises internationales, ravivant les inquiétudes sur l’attitude du pays face aux investissements étrangers.

Zone pilote de libre-échange

Un projet officiel consulté la semaine dernière par l’AFP montre que la ZFS ira bien au-delà de la simple libéralisation commerciale, pour inclure également les services financiers et la levée des contrôles sur 19 secteurs économiques distincts.

Li Keqiang s’est lui-même fait le héraut du projet, qu’il entend revendiquer comme une des premières réalisations de son jeune gouvernement — bien que l’idée de la ZFS était déjà dans l’air sous le règne de son prédécesseur Wen Jiabao.

“Nous allons explorer de nouvelles façons d’ouvrir la Chine au monde extérieur, et la zone pilote de libre-échange de Shanghai s’inscrit dans ce cadre”, a ainsi indiqué Li dans une tribune au Financial Times publiée cette semaine.

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à Pékin (Photo : Ed Jones)

Pour les analystes, la Chine pourrait utiliser cette zone comme une étape vers un traité bilatéral sur les investissements avec les Etats-Unis, ou même avec le futur bloc de libre-échange du Partenariat trans-pacifique (TPP).

Alors que Pékin était initialement opposée au TPP, projet lancé à l’initiative des États-Unis, sa position a évolué, ravivant les espoirs de ses partenaires commerciaux.

La semaine dernière à Dalian (nord), devant le Forum économique mondial, Li a ainsi rappelé que la Chine avait une attitude “ouverte et (une vision) d’ensemble” face au TPP — bien que le pays ne participe pas aux négociations sur sa mise en place.

Si les détails sur la future ZFS, qui restent encore extrêmement vagues, sont autant scrutés par les milieux économiques, c’est parce que celle-ci va être établie “dans l’objectif d’en faire un laboratoire des nouvelles politiques économiques, avec une attention particulière à la libéralisation des services financiers”, ont souligné les experts du cabinet Capital Economics.

“Les innovations couronnées de succès (au sein de la ZFS) seront in fine réitérées dans tout le pays, mais probablement pas avant de nombreuses années. Il s’agit donc d’une expérience qui mérite d’être observée attentivement mais pas le changement radical auquel certains veulent croire”, ont-ils tempéré.

Pékin a affiché de façon répétée son souhait de rendre sa devise totalement convertible (de façon à ce qu’elle puisse être achetée et vendue sans contrôle), de simplifier les procédures administratives pour les entreprises et de s’ouvrir encore davantage aux investissements étrangers.

Or, selon le projet consulté par l’AFP, la convertibilité du yuan figure précisément parmi les mesures envisagées dans la zone franche. A l’échelle nationale, en revanche, elle ne devrait être mise en place que de façon extrêmement lente et progressive, de l’avis général des experts.

“Pour la convertibilité (du yuan) sur les comptes de capitaux (dans la ZFS), il faudra voir jusqu’où (les autorités) sont prêtes à aller. Je serai très surpris qu’ils autorisent une totale convertibilité” de prime abord, a indiqué Stephen Green, directeur de la recherche en Chine pour la banque Standard Chartered.

Cependant, “c’est un signe que le gouvernement veut véritablement agir, qu’il veut expérimenter et aller davantage dans le sens du marché — c’est tout à fait positif”, a-t-il reconnu.

Les entreprises devront être enregistrées dans la ZFS et ouvrir des comptes spécifiques pour pouvoir procéder à des échanges de devises, a précisé un cadre du gouvernement de Shanghai.

Les autorités ont commencé à identifier quels établissements financiers pourraient s’installer dans la zone. Selon les milieux bancaires, elles auraient ainsi approché HSBC et Standard Chartered, tout comme la Bank of East Asia (basée à Hong Kong). HSBC s’est dit “intéressé par une présence” dans la ZFS.

Selon un cadre shanghaïen, le gouvernement aurait également démarché l’entreprise de paiement en ligne PayPal, branche du géant internet eBay, avec la visée de faire de la ZFS un centre international pour les transactions électroniques. Contacté par l’AFP, PayPal s’est refusé à tout commentaire.