Tunisie – Crise politique : L’offre de la dernière chance d’YBA

tunisie_wmc_yba-politik.jpgYadh Ben Achour s’interpose entre les forces politiques, lancées dans une concertation -à l’issue encore incertaine- et propose une feuille de route. L’auteur de la déclaration du 15 septembre 2011, qui a mis la transition sur la voie du scrutin du 23 octobre, peut-il sauver le processus constitutionnel?

Vendredi 30 août, Yadh Ben Achour a lancé son initiative, qui comporte une feuille de route globale pour sortir la transition de sa gravissime crise politique laquelle sévit depuis le 25 juillet. En faisant cette irruption, le doyen Ben Achour «dicte» de manière à la fois sage et académique -donc avec pédagogie- ce que doit être la synthèse du marathon des concertations mené par l’UGTT, l’UTICA, la LTDH et le Barreau. Cette offre doit pouvoir faire consensus. Qu’est-ce qui fait sa pertinence?

L’homme du consensus du 15 septembre 2011

Yadh Ben Achour fait acte de salut public, en proposant un planning destiné à dénouer la crise et finaliser la dernière ligne de la transition. Son programme, quasiment minuté, car établi jour par jour, démarre le 1er septembre avec l’hypothèse de démission du gouvernement Laarayedh, et finit le 4 mai 2014 par l’élection du Parlement.

Coiffant toutes les parties au poteau, YBA s’interpose entre les parties pour tenter de rééditer son acte historique du 15 septembre par lequel il a amené les 11 principaux partis à abandonner l’idée du referendum pour s’entendre sur le scrutin du 23 octobre et à s’accorder sur un mandat d’un an pour l’ANC.

Dans le contexte d’agitation politique et d’effervescence contestataire de l’époque, son acte fut salutaire pour la poursuite du processus de transition. Aujourd’hui, il remonte au filet, dans l’esprit de sécuriser ce qui reste à accomplir.

Yadh Ben Achour est un homme au-dessus de tous soupçons de calcul, de compromission, de velléités. Sa bonne foi ne peut être mise en doute. Il se défend de l’accusation d’avoir abusé les partis, avec l’aide des experts, comme le laissait sous-entendre Rached Ghannouchi. Il rappelle que le texte de la déclaration du 15 septembre stipulait dans son entame que c’est «A l’initiative du président de la Haute instance de la protection des objectifs de la Révolution…».

L’auteur n’a pas agi en sa qualité d’expert mais bien en tant que tuteur de la révolution du fait de son statut de président de la Haute instance. L’accord est bien politique et il a été paraphé par les chefs de partis. La feuille de route d’YBA prend de ce fait une valeur en béton. En effet, elle est doublement blindée par la caution scientifique du doyen Ben Achour et ses services rendus à la révolution. Elle en devient inattaquable et qui plus est opposable à tous car aucune accusation de partialité ou de parti pris politique ne peut coller au personnage.

Alors pourquoi elle dérange?

Sécuriser les deux failles du système actuel

En éditant son programme la veille de la date d’expiration du temps réservé aux négociations, le doyen Ben Achour fait coup double. Il prend les devants, montrant qu’un accord est possible. Il prend tout le monde de court pour éviter que certaines parties aillent dans la fuite en avant, prenant le risque de faire péricliter le round des négociations. Ce dernier n’ayant duré qu’une semaine semble malgré tout s’être éternisé, tant le pays est sous la tyrannie de l’urgence politique.

Tout ce qui a été proposé par la feuille de route d’YBA interfère avec les autres propositions. Deux points précis font tout de même son originalité et sa différence. L’abandon de la “loi d’organisation des pouvoirs“ dite mini-Constitution, et le renoncement aux lois transitoires, sont le clou de la feuille de route.

Ces deux points précis comportaient de larges risques de manouvres dilatoires ou malveillantes. Ce verrouillage est une garantie de sécurité inviolable. Leur suppression ligature tout le monde outre qu’elle apaise l’opinion.

Compte tenu de l’équidistance qu’il a toujours observée vis-à-vis de tous les partis, YBA ne peut être taxé d’impartialité envers qui que ce soit. Et toute contre-offre prendrait de ce fait une allure d’esquive. La question est de savoir, après avoir été écouté de tous, s’il parvient à se faire entendre de chacun..