Zuckerberg, le philanthrope intéressé qui voulait connecter les pauvres

Par : Tallel


facebook-2608201364.jpgLe
fondateur de Facebook a lancé un projet philanthropique : Internet.org.
L’objectif affiché est de faciliter l’accès à l’Internet mobile dans les pays
émergents, mais ses détracteurs l’accusent de vouloir surtout conquérir un
nouveau marché.

Quelques notes mélancoliques au piano et de grands mots. C’est dans une vidéo
d’une minute au fort pouvoir lacrymal que Mark Zuckerberg a présenté
Internet.org, le 21 août. Derrière cette URL, un projet philanthropique porté
par l’emblématique fondateur de Facebook dont le but est de développer un monde
entièrement connecté où l’on aurait tous, à travers les cinq continents, accès à
Internet. Et par extension… à Facebook.

À ses côté dans cette aventure, quelques géants des télécommunications tels que
Nokia, Ericsson, Samsung, Mediatek, Opera ou encore Qualcomm. Les réseaux
sociaux Twitter et LinkedIn devraient également participer à cette grande
entreprise. Tous ensemble, ils entendent élargir l’accès à Internet à quelque
cinq milliards de personnes, en réduisant considérablement le coût de la
connexion via les téléphones mobiles. “Il y a de gros freins dans les pays en
voie de développement pour se connecter et rejoindre l’économie du savoir.
Internet.org est un partenariat global destiné à rendre Internet accessible à
ceux qui ne peuvent pas se l’offrir”, a expliqué Mark Zuckerberg.

Matérialisation de la guerre Google vs. Facebook

Mais le leader mondial des réseaux sociaux est loin d’être le seul à s’engager
pour un monde connecté. Il y a deux mois, Google annonçait un projet extravagant
consistant à lancer, dans la stratosphère, de gros ballons gonflés à l’hélium
équipés d’antennes capables d’apporter une connexion Internet dans les zones
reculées de la planète. Dans ce contexte, Archippe Yepmou, le président de
l’association Internet sans Frontières interrogé par FRANCE 24, estime
qu’Internet.org “ne fait que matérialiser un peu plus la folle guerre que se
livrent Google et Facebook.”

En outre, au-delà de ce qu’il juge être une démarche philanthropique douteuse,
Archippe Yepmou croit peu à la viabilité d’Internet.org. “Si l’on prend
l’Afrique en exemple, dans deux cas sur trois ce ne sont pas les infrastructures
qui manquent, comme on a tendance à l’imaginer. Bien au contraire, il s’agit
d’un problème de gouvernance et de censure”, explique-t-il, assurant que de
nombreux gouvernements africains ne cherchent pas à démocratiser Internet. Ils
le croient en effet vecteur de révolution et responsable des printemps arabes.
“Je ne vois pas en quoi Mark Zuckerberg, qui n’a aucune expérience en
géopolitique ou en diplomatie, parviendrait à changer le monde !”

Faire éclore une seconde bulle Internet

Le scepticisme d’Archippe Yepmou, beaucoup le partagent. De plus en plus de voix
s’élèvent pour dénoncer ce qui s’apparente à une nouvelle guerre, impitoyable,
pour s’octroyer les territoires encore non connectés. Et pour cause, la plupart
des quelque 2,7 milliards d’internautes recensés à travers la planète sont dans
l’hémisphère nord, où l’augmentation du nombre de nouveaux connectés chaque
année est loin d’être fulgurante.

Face à cette saturation des marchés occidentaux, les pays émergents apparaissent
comme la poule aux œufs d’or capable de provoquer une nouvelle bulle Internet,
15 ans après celle qui a révolutionné nos sociétés. À condition de s’adapter à
la nouvelle clientèle. Et à en juger par la recrudescence des smartphones
low-cost récemment lancés par Microsoft (130 euros), Archos (80 euros) ou encore
Safaricom (moins de 80 euros), la machine semble être en marche. Même Apple,
dont les produits se veulent traditionnellement élitistes, pourrait céder à la
tentation du “low-cost”, selon les dernières rumeurs.


Les opérateurs télécoms demandent leur part du gâteau

Reste que dans cette croisade numérique mondiale, les équipementiers et les
géants de l’Internet ne sont pas les seuls à vouloir tirer leur épingle du jeu.
Les opérateurs télécoms, estiment, eux aussi, avoir un rôle à jouer. Bien que
les équipes d’Internet.org leur proposent ouvertement de rejoindre le navire,
aucun opérateur ne figure, à ce jour, parmi les partenaires du projet de Mark
Zuckerberg…

S’ils boudent les initiatives du genre c’est parce que les opérateurs ne veulent
plus être les seuls à payer pour le dévelopemment des infrastructures. “Les
équipementiers téléphoniques et géants de l’Internet veulent utiliser nos
canaux, tout ce que l’on construit et développe, comme la 3G, 4G ou encore la
fibre optique, pour étendre leur propre business”, a expliqué à FRANCE 24 une
porte-parole du secteur des télécoms ayant souhaité garder l’anonymat. “Chaque
année en France, nous dépensons en moyenne six milliards d’euros pour entretenir
et créer nos réseaux de données, nos autoroutes du futur. On demande simplement
à ceux qui en jouissent de partager une part de leurs bénéfices colossaux qu’ils
réalisent en France ou via les infrastructures que nous développons à
l’étranger”, ajoute-t-elle.

Source : France24.fr