Tunisie : L’Islam politique peut-il apporter des solutions aux problèmes économiques

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Presque deux ans après le vote identitaire en sa faveur, un certain 23 octobre 2011, le parti d’obédience islamiste -et non islamique- Ennahdha suscite de plus en plus désenchantement et désapprobation.

En dépit de l’appui généreux et multiforme des bailleurs de fonds, de Washington, Berlin, Londres, Tokyo, Rome, Paris, Doha, Ryadh…, qui lui ont fourni, en un temps record, des crédits de 4 milliards de dinars, ce parti sectaire, peu aguerri à la chose publique, s’est donné à cœur joie pour mener le pays au bord de la Banqueroute. En témoigne le récent recours au pompier, le Fonds monétaire international (FMI), pour obtenir,  sur deux ans et trois années de délai de grâce, une facilité de payement de 2,7 milliards de dinars.

Dirigé par Rached Ghannouchi, ce parti de nature «putchiste», selon les termes du militant Ahmed Mannai, auteur «Le jardin secret du général Ben Ali», est, aujourd’hui, synonyme de cauchemar.

Il est tenu pour premier responsable de l’extrême précarité par laquelle passe, actuellement la Tunisie: cherté de la vie, recrudescence de l’insécurité urbaine, apparition de la violence politique et son corollaire les assassinats -du leader Chokri Belaid et du militant Lotfi Nagdh-, augmentation du chômage, élargissement des sphères de corruption, recul de toutes ales activités économiques, émergence du salafisme jihadiste et la réputation acquise par la Tunisie comme un pays incubateur de terroristes exportables vers le Mali, Syrie, Irak, Canada….

La situation est telle que beaucoup de Tunisiens, déçus par les errements des nahdhaouis, commencent à regretter, sérieusement, la “douce“ dictature de Ben Ali. La page  Facebook intitulée «Vous et votre sécurité nous manquent, Monsieur le Président» est en train de rallier, chaque jour, des milliers de Tunisiens.

Bien informé sur la dégradation avancée de la situation générale dans le pays et de l’impossibilité d’y trouver, à court terme, une solution, Hamadi Jebali, ancien chef du gouvernement, a préféré jeter l’éponge et abandonner la partie.  Les nahdhaouis qui sont restés sont en train d’essuyer, presque, au quotidien, des revers.

A titre indicatif, depuis le 23 octobre 2011, les nahdhaouis et dérivés n’ont remporté aucune élection professionnelle.  D’abord, à l’université, l’Union générale des étudiants de la Tunisie (UGET), leader historique du mouvement progressiste estudiantin, a remporté 70% les élections des conseils scientifiques.

Selon Tarek Saïdi, membre au bureau exécutif chargé des affaires universitaires à l’UGET, «ce résultat reflète le penchant des étudiants tunisiens pour les valeurs de modernité et non pour les valeurs rétrogrades».

Pis, le reste des voix 30% ont été remportées en majorité par des listes indépendantes et non par l’Union générale tunisienne des étudiants (UGTE) -l’appendice d’Ennahdha-, et ce en dépit de la logistique apportée par le gouvernement nahdhaoui à cette organisation estudiantine islamiste.

Vient ensuite le récent échec cuisant essuyé lors des élections pour le renouvellement du bureau de l’Association des jeunes avocats laquelle était dominée, depuis deux ans, par des avocats islamistes dont un seul est parvenu à se faire élire dans le nouveau bureau.

Les nahdhaouis ont été battus grâce à l’alliance voire à l’union  des avocats centristes, nationalistes et gauchistes. 

Faut-il pour autant en tirer des conséquences hâtives et penser déjà que les nahdhaouis vont perdre les prochaines élections générales?

Il me semble que ce serait une erreur fatale pour l’opposition, et ce pour une simple raison : les étudiants et les avocats sont des intellectuels et, logiquement, ils ne peuvent qu’être contre le projet rétrograde des nahdhaouis ,mais les troupes d’Ennahdha sont recrutées parmi les analphabètes, illettrés,  «Khobzistes» et marginaux de toutes sortes à la recherche d’un dépannage quelconque.

Par contre, l’enseignement positif qu’il faudrait tirer de la dégradation de la situation générale dans le pays par l’effet de la mauvaise gestion des nahdhouis et de leurs déboires lors de ces élections professionnelles est peut-être ceci : tout projet d’écarter Ennahdha du pouvoir doit passer inéluctablement par l’Union de tous les courants progressistes (centristes, nationalistes, gauchistes). C’est hélas à ce prix qu’Ennahdha et son leader peuvent être vaincus. 

Au cas ce scénario se réaliserait, il faudrait s’interdire, à mon avis, de regretter l’accès au pouvoir des nahdhaouis car il fallait les essayer pour que leur victimisation ne taraude pas, éternellement, les esprits des Tunisiens.

C’est pour dire, in fine, que leur accès au pouvoir, après ceux des collectivistes et ultralibéraux, était inéluctable. Les nahdhaouis auront prouvé, au moins une chose, c’est qu’au regard des dégâts accomplis et contrairement à ce que pensent les soutiens occidentaux de ce parti, l’Islam politique –stricto sensus- est bien loin d’être la solution.