Tunisie : Les opérateurs touristiques déclarent la guerre à leur ministre

tourisme-080912.jpg«Le tourisme: son présent et ses défis». Le sujet du déjeuner-débat avec les directeurs des journaux, télévisions et radios, organisé jeudi 13 septembre par la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH), celle des agences de voyage (FTAV) et l’Association des directeurs de journaux de Tunisie (ADJT), n’avait rien de nouveau. Par contre, le contexte et l’ambiance de cette rencontre étaient inhabituels et on s’en est aperçu avant même le début des travaux: ceux-ci, chose aussi exceptionnelle qu’éloquente, se tenaient en l’absence d’un représentant de l’Office national du tourisme tunisien (ONTT) et, surtout, du ministère du Tourisme. Et on allait rapidement comprendre pourquoi.

Ouvrant les débats, Mohamed Belajouza, président de la FTH, annonce la couleur d’entrée de jeu: «nous professionnels du tourisme considérons que nous sommes les premiers responsables de ce secteur», lance-t-il. Sous-entendu: finie l’époque où les opérateurs touristiques jouaient les seconds couteaux. Une flèche décochée bien évidemment à l’adresse de l’autorité de tutelle.

L’attaque du président de la FTH devient plus explicite lorsqu’on lui demande la cause de la rupture du dialogue et de l’incompréhension entre les deux parties. Pour le patron des hôteliers, cette relation se base sur «un pacte de partenariat» et implique que «l’administration se tienne aux côtés des professionnels. Or, rien de tout cela n’existe».

Continuant sur sa lancée, M. Belajouza accuse le ministère du Tourisme de ne pas avoir tenu sa promesse de faire quelque chose pour le règlement du problème de l’endettement du tourisme et de la politique promotionnelle. Idem pour la recommandation –faite, rappelle le président de la FTH, par toutes les études stratégiques menées au cours des dernières années- de consacrer 4 à 5% du chiffre d’affaires du secteur à sa promotion.

De même, les hôteliers sont ulcérés de ne pas avoir pu, à ce jour, prendre connaissance de la plus récente de ces études, réalisée par la Banque mondiale en vue de recommander des solutions au problème de l’endettement. «Nous l’avons demandée au ministre. Il nous a dit que nous l’aurons en temps opportun. Et ce temps n’est pas encore venu. Or, l’étude a été examinée en conseil des ministres et le sera bientôt par l’Assemblée nationale constituante», se désole le président de la FTH.

Partageant les griefs des hôteliers à l’encontre du ministre du Tourisme, Elyès Fakhfakh, Mohamed Ali Toumi, président de la FTAV, livre son constat: «On nous a parlé de co-gestion du secteur, mais on ne la voit pas. En fait, rien n’a changé après la révolution».

Reprochant au ministre du Tourisme de ne pas associer les professionnels à la réflexion avant la prise de décision, le président de la FTAV se fait provocateur en faisant remarquer que «son expérience est inférieure à la mienne». Avant d’enfoncer le clou: «Il y a aujourd’hui une crise de confiance» entre les professionnels du tourisme et leur ministre.

A ce dernier, Mohamed Ali Toumi reproche de ne pas être à l’écoute de la profession, de ne pas tenir compte de ses propositions et même de lui voler ses idées. «Quand la Fédération fait une proposition, elle finit dans un tiroir dans l’attente d’une signature. Une idée qui vient de nous n’est pas bonne, mais quand elle refait surface plus tard (sous-entendu à l’initiative de l’administration, ndlr), elle devient bonne», accuse le président de la FTAV.

Les professionnels du tourisme reprochent également à leur ministre de les avoir accusés d’avoir une mentalité d’assistés, accusation qu’ils récusent. «Où est l’assistanat? En tant que FTAV, nous recevons 40.000 dinars du ministère, ce qui ne représente que 1,5% du montant de notre contribution au budget de la promotion», s’indigne Mohamed Ali Toumi.

Révoltés par tout ce qui a été dit et fait –ou, au contraire, pas fait de ce qu’ils souhaitent réalisé- à l’adresse du secteur, les professionnels du tourisme sont également fort inquiétés par ce qui se prépare –notamment la création d’une société de gestion d’actifs destinée à reprendre les hôtels en difficulté. Et promettent «d’utiliser tous les moyens légaux pour nous y opposer», lance le président de la FTH.