Tunisie : Après “les touristes envahisseurs“, Marzouki s’attaque aux “monarchies“

 

marzouki-maroc-220.jpgUn journal marocain en ligne s’est saisi de la réflexion du président tunisien sur le régime monarchique pour publier trois articles afin de critiquer celle-ci. La déclaration du Premier ministre marocain, Abdelillah Benkirane, le lendemain même, sur l’opportunité de la tenue du sommet de Tabarka sur l’UMA est-elle, par ailleurs, en rapport avec cette réflexion?

La réflexion faite par le chef de l’Etat, Mohamed Moncef Marzouki, dans son discours face aux élus de la Constituante, le 25 juillet 2012, concernant le régime monarchique, a-t-elle été mal accueillie au Royaume du Maroc? On se perd en conjectures.

Retour sur les faits. Moncef Marzouki prononce, donc, le 25 juillet 2012, un discours à l’occasion du 55ème anniversaire de l’instauration de la République (et donc l’abolition du régime beylical…).

Outre les élus de la Constituante, les services du protocole de la présidence de la République ont invité les représentants du corps diplomatique accrédité à Tunis. C’est, donc, tout à fait naturellement que l’ambassadeur du Maroc, Néjib Zerouali, pays maghrébin, avec lequel la Tunisie partage une histoire commune et une communauté de destin, se trouve parmi les personnes conviées.

«La monarchie est un patrimoine multiséculaire»

Abordant le régime monarchique, le président provisoire tunisien déclare ceci: «La monarchie, même si elle cohabite avec des valeurs d’égalité, de libertés individuelles et autres droits de l’Homme, reste un régime antinomique avec la démocratie». Il ajoute: «A la tête de l’Etat, se retrouve un citoyen qui bénéficie d’un droit dont il est seul dépositaire, il y reste à vie et le transmet à un héritier de son choix sans que le peuple ait son mot à dire».

Du coup, le journal marocain en ligne emarrakech.info publie, coup sur coup, trois articles qui donnent l’impression que la question intéresse l’opinion. Acte 1: le jeudi 26 juillet 2012, il publie un article dans lequel il rapporte que «Néjib Zerouali, qui écoutait les paroles incendiaires du président tunisien, a réagi par l’entremise de l’agence de presse allemande DPA (Deutsche Presse-Agentur), à qui il a déclaré qu’au Maroc «La monarchie est un patrimoine multiséculaire, les Marocains l’adoptent parce qu’elle est proche d’eux et est à leur écoute».

Emarrakech.info poursuit: «L’ambassadeur ajouta que la synergie existant entre le trône et le peuple s’est fortement illustrée par la proposition par le Roi et l’adoption par le peuple de la Constitution de juillet qui marqua le point de grande interaction, dans le bon sens, entre les institutions du pays et le peuple… Une interaction que nous souhaitons à la Tunisie».

En apportant cette précision: «Zerouali portait insinuation vraisemblablement au conflit latent, allant s’aggravant entre la présidence de la République tunisienne, supportrice d’un régime présidentiel, style 5ème République française, et le gouvernement islamiste, orientant sa majorité à la Constituante à adopter un régime parlementaire où les pouvoirs seraient détenus par le Premier ministre». (Voir Tunisie: Marzouki critique la monarchie en présence de l’ambassadeur du Maroc).

«Les conditions de la tenue d’un sommet maghrébin ne sont pas encore mûres»

Acte II : il publie, le lendemain, c’est-à-dire vendredi 27 juillet, une tribune à l’encontre du chef de l’Etat tunisien, sous le titre «La bourde monumentale du président tunisien Marzouki» dans lequel il va jusqu’à évoquer une «ingratitude» à l’égard du Maroc et de la Royauté (sic). La même tribune est reprise par deux sites web ivoiriens Koci.com et Afrik53.com.

On peut lire, à ce propos, sous la plume d’un certain Farid Mnebhi que c’est le Maroc et son Roi qui ont accueilli le chef de l’Etat, ainsi que sa famille, et que ces derniers ont «pu bénéficier de tous les avantages d’un citoyen marocain et même plus». Abondant dans le même sens, Farid Mnebhi écrit en s’dressant au président tunisien: «N’est-il pas vrai que Feu Sa Majesté Hassan II avait accueilli votre famille, fuyant le régime de Bourguiba, et nommé votre défunt père en tant que magistrat, lui offrant également la nationalité marocaine? D’ailleurs, votre sœur, qui a suivi des études de droit au Maroc, exerce aujourd’hui son métier d’avocate au barreau de Casablanca»

Il conclut: «Pouvez-vous nier qu’après avoir décroché votre baccalauréat au Lycée Regnault de Tanger en 1964, vous avez reçu une bourse universitaire de l’Etat marocain pour poursuivre vos études en France, et devenir docteur en médecine de l’Université de Strasbourg en 1973?»

Acte III : Emarrakech.info récidive en publiant le même jour une réaction de la député italienne d’origine marocaine, Souad Sbaïqui, qui estime que les propos de Mohamed Moncef Marzouki sur la monarchie «viseraient à détourner le regard sur sa propre politique en critiquant la monarchie d’un autre pays, ce qui est une offense envers le peuple marocain et la monarchie marocaine qui vivra tant que le peuple marocain vit». Elle déclare que «Moncef Marzouki est le président d’une Tunisie déchirée, actuellement, entre une minorité islamiste qui gouverne et un peuple tunisien libre».

La déclaration d’Abdelillah Benkirane, Premier ministre marocain, faite le jeudi 26 juillet 2012, au journal marocain Ettajdid, proche du PJD (Parti de la Justice et du Développement) de Benkirane, au sujet de la tenue, le 10 octobre 2012, d’un sommet de l’UMA (Union du Maghreb Arabe), à Tabarka, dans le Nord-ouest tunisien, proposé par la Tunisie, est-elle en rapport avec la déclaration de Moncef Marzouki? Abdelillah Benkirane a déclaré que «les conditions de la tenue d’un sommet maghrébin ne sont pas encore mûres tant que les frontières entre le Maroc et l’Algérie ne sont pas rouvertes».

On se perd là aussi en conjectures. Le moins que l’on puisse dire c’est que cette déclaration est bien loin de celle faite par le Premier ministre marocain, en mai 2012, lors de sa visite en Tunisie. Abdelillah Benkirane avait alors affirmé que l’Union du Maghreb Arabe est «irréversible».

Mais qu’est-ce qui a réellement poussé le président de la République à introduire pareille réflexion dans un discours normalement centré sur la commémoration du 55ème anniversaire de la République tunisienne? La question mérite d’être posée.

Nous y reviendrons.