Tunisie – Politique : Ca se dispute encore et… toujours!

 

troika-opposition-220.jpgFaut-il mettre sur le dos de l’inexpérience et de l’avidité du pouvoir les confrontations, quelquefois bruyantes, entre le gouvernement et ceux qui s’opposent à son action, qu’ils soient ou non organisés? Peut-on dire que nous sommes dans une étape d’apprentissage de la démocratie et qu’il faut, à ce titre, laisser du temps au temps?

Un gouvernement issu d’une majorité sortie des urnes de l’élection des membres de la Constituante du 23 octobre 2011 existe en Tunisie. Ce gouvernement, constitué par Ennahdha, Ettakatol et le CPR (Congrès Pour la République), a obtenu, le 22 décembre 2011, l’investiture de la Constituante. Alors pourquoi cette équipe gouvernementale de Hamadi Jebali est-elle si contestée par une frange importante de la classe politique et des représentants de la société civile? Sans oublier nombre de citoyens lambda, à qui il arrive de manifester leur courroux.

Réponse: c’est de bonne guerre dans une démocratie. Disons même que la vigueur d’une démocratie dépend beaucoup de celle de l’opposition. Mais, trop c’est trop, estiment nombre d’observateurs, notamment lorsque les réactions des opposants (au sens large dépassant le cadre des structures organisées) atteignent des proportions inexplicables. Comme les actes de violence physique qui défrayent, de temps à autre, la chronique, et perturbent le quotidien des Tunisiens.

Peut-on expliquer l’«ampleur» de cette contestation par celle de la dictature sous laquelle a plié le peuple tunisien depuis l’indépendance du pays? Celle-ci a été tellement pesante que le peuple s’est, pour ainsi dire, lâché, en accédant à la démocratie, en faisant tout et n’importe quoi. Il a perdu, en quelque sorte, de sa réserve. Il s’exprime sans retenue. Son comportement constitue, analysé sous cet angle, une thérapie qui pourrait le faire oublier des années de soumission.

D’un système autoritaire à un système révolutionnaire

Ne peut-on pas croire que la faute incombe à l’opposition qui épouse, quelquefois, des comportements «négatifs» consistant à s’opposer pour le simple désir de s’opposer? Celle-ci dit non quelles que soient les propositions soumises et les décisions prises. Certains le pensent sérieusement. Et ils ne se recrutent pas dans les seuls rangs du gouvernement et de ceux qui le soutiennent.

Faut-il expliquer, dans ce contexte, l’opposition au gouvernement à l’«immaturité» des acteurs politiques d’une manière générale? Ceux-ci feraient l’apprentissage de la démocratie. Serait-il facile en effet de passer tout d’un coup d’un système autoritaire quasi-stalinien, où toute parole contraire à celle qui se doit d’être propagée est confisquée, à un système révolutionnaire et même libertaire, qui consacre la liberté absolue et illimitée de la parole et de la pensée?

On se perd en conjectures! Essayons quand même de faire une conclusion, à ce niveau, même si elle n’est que hâtive: pour reprendre une formule choc de l’ancien président français, François Mitterrand, “il faut laisser du temps au temps“. Selon cette formule, du reste largement employée, les mutations sont comme les fruits: il faut du temps pour qu’elles murissent !

Inexpérience et avidité, ces deux arguments présentés pour qualifier, du moins en partie, l’action du gouvernement et des partis de la majorité, peuvent-elles être utilisées pour décrire également le comportement de certains opposants, qu’ils soient représentés ou non au sein de la Constituante? Qu’ils soient –répétons-le- aussi organisés ou non? Identifiés –identifiables- ou non?

En témoignent les «dérapages» de certains élus dans leur quête de vouloir perturber des séances de la Constituante. Quelquefois très bruyamment. Des comportements que l’on expliquerait par l’attitude de la majorité qui laisserait peu de place au débat! En jouant à l’expédition des affaires courantes. Et ce perchoir qui joue quelquefois à la partialité. Est-ce plausible? En témoignent également –et c’est plus grave et à condamner– les actions violentes (routes coupées, pneus incendiés, incendies de locaux, agressions,…) pour exprimer un certain désaveu des décisions du gouvernement.

On trouve toujours moins d’excuses à ceux qui gouvernent

Les gouvernants ne sont évidement pas en reste. On comprendra que leurs faits et gestes soient beaucoup plus remarqués et condamnés. Du fait précisément qu’ils détiennent le pouvoir. C’est dans la nature des choses: on trouve toujours moins d’excuses à ceux qui dirigent.

Et de ce côté des choses, souvent ceux qui nous dirigent prêtent souvent le flanc à la critique. Aux commandes du pays depuis maintenant près de six mois, ils n’ont pas réussi à améliorer le quotidien des Tunisiens. Emploi, sécurité et pouvoir d’achat: sur ces dossiers sensibles où tout le monde les attend, ils ont souvent failli. Compliquant leurs relations, par moments, avec des partenaires sociaux. A telle enseigne que des Tunisiens –c’est le comble- affirment que leur situation était bien meilleure sous le régime kleptomane et oppresseur des Ben Ali-Trabelsi.

Force est de constater que la Troïka -dont deux composantes, Ettakatol et le CPR, offrent, depuis des mois, le spectacle déchirant d’une division- n’a pas toujours réussi à donner d’elle-même l’image d’une bonne gouvernance et d’une réelle volonté de rassemblement.

Gouverner, c’est faire croire, disait l’ancêtre des politologues Nicholas Machiavel. Or, nos gouvernants n’ont pas toujours réussi sur ce terrain. Par des décisions, sur lesquelles ils sont quelquefois revenus (l’interdiction de manifester sur l’avenue Bourguiba), des initiatives malheureuses ou encore des déclarations tonitruantes, ils ont commis beaucoup d’erreurs.

La décision d’interdire des hommes d’affaires de voyager alors que le pays voit le chômage gonfler, les interventions répétées du chef du Mouvement Ennahdha, le Cheick Rached Ghannouchi, pour commenter l’actualité dans un sens ou dans un autre –ce qui donne à penser que c’est lui qui oriente l’action du gouvernement-, et les propos désobligeants de certains responsables sont autant d’exemples de faits et gestes qui ont eu, souvent, des effets pas toujours agréables.

De quoi perdre son latin ou plutôt son arabe!