Japon : vers la nationalisation de Tepco, à court d’argent après Fukushima

photo_1336570769024-1-1.jpg
érence de presse le 8 mai 2012 à Tokyo (Photo : Yoshikazu Tsuno)

[09/05/2012 13:54:19] TOKYO (AFP) Le gouvernement japonais a ouvert mercredi la voie à une nationalisation de facto de la compagnie d’électricité Tokyo Electric Power (Tepco), dont les finances ont été dévastées par l’accident nucléaire de Fukushima.

Le gouvernement de Yoshihiko Noda s’apprête à injecter des capitaux dans la firme après avoir jugé recevables les propositions d’efforts financiers que cette dernière s’engage à accomplir en échange d’une nouvelle aide de l’Etat pour indemniser les victimes du désastre et éviter la faillite.

Tepco est actuellement dans une situation extrêmement délicate, avec des finances dévastées par la catastrophe atomique –la pire depuis celle de Tchernobyl (Ukraine) en 1986– provoquée par le séisme et le tsunami du 11 mars 2011.

La compagnie évalue sa perte nette annuelle pour l’exercice achevé en mars à quelque 7 milliards d’euros, après environ 12 milliards l’an précédent. Elle ne pense pas revenir dans le vert avant l’année budgétaire d’avril 2013 à mars 2014, et ce, en infligeant aux clients de substantielles augmentations tarifaires.

Tepco avait déjà reçu auparavant l’aval de l’Etat pour des avances de quelque 1.600 milliards de yens (près de 16 milliards d’euros), à reverser aux victimes du désastre, mais elle a besoin de davantage d’argent pour échapper à la cessation de paiement.

Elle a présenté récemment aux autorités une nouvelle version de son plan d’économies sur 10 ans, renforçant ses promesses afin de bénéficier d’une aide plus importante destinée à régler ses factures d’hydrocarbures. Celles-ci enflent du fait de la relance de centrales thermiques compensant l’arrêt de ses 17 réacteurs nucléaires.

Le groupe prévoit à présent d’économiser plus de 3.300 milliards de yens (près de 33 milliards d’euros) en une décennie, un montant supérieur de plus de 6 milliards d’euros à celui du précédent plan, grâce notamment à la renégociation de contrats sur la fourniture d’équipements.

photo_1336571458756-1-1.jpg
éacteur de la centrale nucléaire de Tepco à Fukushima, après son explosion, le 21 mars 2011.

L’approbation de ce plan d’économies, condition sine qua non à l’octroi de fonds supplémentaires, doit conduire l’Etat et un ensemble d’établissements privés à injecter, chacun, 1.000 milliards de yens (près de 10 milliards d’euros) dans Tepco.

Cette augmentation de capital doit être approuvée en juin lors d’une assemblée générale des actionnaires.

En échange de ces crédits supplémentaires, les pouvoirs publics deviendront majoritaires dans le tour de table du groupe privé, une nationalisation de facto, bien que le ministre de l’Industrie réfute ce mot.

“Nous espérons un retour de la confiance”, a déclaré l’actuel patron de Tepco, Toshio Nishizawa, indiquant souhaiter “une sortie le plus vite possible du contrôle étatique”. Opposé depuis le départ à la nationalisation, il quittera ses fonctions en juin.

Dans les faits, pour le moment, l’Etat ne peut pas laisser s’effondrer la compagnie qui alimente Tokyo et ses environs, le coeur économique et politique de l’archipel.

Lors d’une conférence de presse mardi à Tokyo, le prochain directeur général de Tepco, Naomi Hirose, officiellement désigné mardi par le groupe en concertation avec le gouvernement, a promis de faire preuve de très grande transparence et de rendre publiques très rapidement les informations.

M. Hirose, qui ne prendra officiellement ses fonctions qu’en juin, s’est en outre engagé à être très soucieux des victimes du désastre et des clients, en tentant d’accélérer le processus d’indemnisation des premiers et en minimisant les hausses de tarifs du courant prévues pour les seconds.

Tepco promet d’oeuvrer dur pour “dédommager les sinistrés, démanteler les réacteurs et assurer un approvisionnement stable en électricité”.

Selon les évaluations d’un groupe d’experts mandatés en 2011 par le gouvernement, Tepco aurait besoin de quelque 4.540 milliards de yens (44 milliards d’euros) avant mars 2013 pour les dédommagements, et de plus de mille milliards de yens pour démanteler ensuite les quatre réacteurs condamnés sur les six de Fukushima Daiichi.

Il faudra quarante ans pour y parvenir, trois des réacteurs étant si endommagés qu’une extraction du combustible paraît inenvisageable avant 2022.

Tepco espère malgré tout pouvoir relancer courant 2013 à Kashiwazaki-Kariwa (centre-ouest) une partie de ses installations atomiques actuellement toutes stoppées, à l’instar de celles des huit autres compagnies régionales du Japon.

Dans un tel contexte, le pays est forcé de faire des économies et de revoir de fond en comble sa politique énergétique pour les prochaines décennies.