A Toute Allure – Tunisie : Le syndrome de Stockholm?

– Dis papa, c’est quoi le syndrome de Stockholm ?

– C’est «la propension des otages partageant longtemps la vie de leurs geôliers
à développer une empathie, voire une sympathie, ou une contagion émotionnelle
avec ces derniers».

La vie (politique) serait donc une sorte de boucle sans fin … une perpétuelle
passation de pouvoirs entre otages et ravisseurs?!

Cette question est venue à l’esprit de plusieurs d’entre nous après la journée
très «enfumée» que les Tunisiens ont vécue le 9 avril sur et aux alentours de
l’Avenue Bourguiba. Depuis les choses ont plus ou moins bougé et le gouvernement
a dû reculer sur la décision controversée d’interdire l’Avenue aux manifestants.
Le ministre de l’Intérieur s’est plié à une séance de questions à l’ANC jeudi en
l’absence de la plupart des journalistes qui se sont conformés au mot d’ordre de
boycott du
SNJT lancé depuis le 10 avril…

Cependant, le syndrome de Stockholm nous est venu à l’esprit pour décrire le
comportement de M. Ali Laaridh, ministre de l’Intérieur qui a donné l’ordre à
ces agents de «lacrymogéner» la foule des manifestants. Les longues années de
prison et de supplices subis par M. Laaridh ont-elles déteint sur sa perception
des choses et a-t-il endossé le kaki de Ben Ali, son prédécesseur sur l’Avenue
Bourguiba? La question mérite d’être posée bien que l’aspect polémique soit bien
présent… La véritable question concerne le danger d’une généralisation des
méthodes de l’ancien régime qui peuvent ressurgir… La rue tunisienne est de
toutes les façons à l’affût et l’annonce d’une grande manifestation le 1er mai
sur l’Avenue et organisée par l’UGTT, est venue confirmer cette réalité: les
Tunisiens ne se laisseront pas avoir et n’accepteront pas d’être spoliés d’une
liberté chèrement acquise.

Ennahdha de son côté a des leçons à tirer de cet événement douloureux. Parti au
pouvoir, elle est responsable politiquement avec le gouvernement de ce qui s’est
passé, et en plus, des accusations convergentes de plusieurs sources dignes de
foi et des photos et des vidéos sans équivoques démontrent la participation
d’une milice civile aux côtés des policiers, milice qui a été filmée à plusieurs
reprises frappant et admonestant plusieurs manifestants dont des personnalités
politiques et associatives et des journalistes connus…

Les présidents de la République et celui de l’ANC, alliés de la Troïka, doivent
de leur côté prendre leur responsabilité. Malheureusement, Moncef Marzouki dans
une interview à Watanya 1, le soir du 9 avril, a endossé la version étriquée
fournie par M. Laaridh, et bien qu’il se soit élevé contre la violence
policière, ses propos n’ont pas été à la hauteur des attentes. Le Parti
Ettakatol a, de son côté, élevé la voix pour protester mais ses élus n’ont pas
participé à la manifestation organisée par l’opposition sur l’Avenue le mardi 10
avril…

Non. Le syndrome de Stockholm ne menace pas encore nos dirigeants fraîchement
sortis des prisons et élus par le peuple, cependant, le risque existe et il
existe réellement…