Certains quotidiens et réseaux sociaux, notamment Facebook, ne semblent pas avoir apprécié la décision prise mercredi dernier par le ministère de l’Intérieur et en vertu de laquelle les manifestations seraient désormais interdites sur l’avenue H. Bourguiba. Argument brandi par les mécontents: «Ce sont les manifestations (de la première quinzaine de janvier 2011) qui ont libéré le pays de son dictateur, comment ‘‘fermer’’ maintenant cette même avenue qui a été à l’origine de cette libération?».
Il faut reconnaître qu’il y a dans cette désapprobation beaucoup de nostalgie et de sentimentalisme. Mais nous ne pensons pas qu’elle soit sage et objective. Première remarque: si les manifestations de janvier 2011 avaient eu lieu sur l’avenue Mohamed V, par exemple, le résultat, de toute façon, aurait été le même. Il ne faudrait pas croire que c’est la présence du ministère de l’Intérieur sur l’avenue Bourguiba qui avait donné un sens aux manifestations, celles-ci ont toujours une signification et une portée certaine, qu’elles se déroulent devant un ministère ou une Administration quelconque.
Or, l’avenue Bourguiba est le centre-ville par excellence, c’est la devanture, la façade et la vitrine de Tunis. Rien qu’à cet égard, il faudrait se dire que l’avenue Bourguiba n’appartient à personne en exclusivité. Dans un pays dit touristique comme le nôtre, il faudrait se faire à l’idée que cette avenue est d’une portée… internationale. Beaucoup plus que l’aéroport Tunis-Carthage, et de loin, la vitrine de la capitale c’est plutôt l’avenue Bourguiba. De surcroît, il existe sur cette avenue cinq hôtels, dont deux d’envergure internationale: l’Africa et Al Hana (ou, justement, l’International). Sans compter les terrasses des cafés qui garnissent, de part et d’autre, tout le boulevard. Et ajoutons que, dans moins de deux mois, c’est la saison touristique.
Mais alors, quelle vitrine offrir aux touristes les jours de manifestations? Une vitrine de barbus salafistes munis de gourdins et d’armes blanches? C’est ça qu’on veut?… Et que feraient tous ces commerces et tous ces cafés les jours de manifestations?… Fermer?… C’est ça?… Quiconque oserait dire «Tant pis pour le tourisme et tant pis pour les commerces» est un égoïste et un antinationaliste, tout simplement. Il ne faudrait pas perdre de vue que ces garçons de cafés, et même leurs employeurs, ne sont autres que nos frères, des Tunisiens comme nous. De quel droit les oblige-t-on à chômer pendant trois ou quatre heures, le temps d’une manifestation souvent oiseuse et sans portée réelle, ni politique ni sociale?
Certes, les manifestations de janvier 2011 avaient servi à libérer le pays. Mais que cherche-t-on à libérer aujourd’hui?… Et pourquoi obligatoirement sur l’avenue Bourguiba?
Les manifestations sont un droit national. L’avenue Bourguiba est un droit international. Plus personne n’a logiquement le droit d’y toucher à nouveau.