IJABA, un nouveau souffle pour l’Université tunisienne?

universite-150212.jpgLes 10, 11 et 12 février 2012, s’est tenu un séminaire autour d’un certain nombre de workshops, à l’initiative de IJABA: l’Union des enseignants universitaires chercheurs tunisiens. L’axe central des ces ateliers de brainstorming, d’échange et de discussion, c’est le pourquoi et le comment … refonder l’université tunisienne.

La sonnette d’alarme…

Avec un taux de chômage de 50% chez les jeunes diplômés, l’université tunisienne, classée plus de 6000ème dans le monde, ressemble plus à une voiture lancée à 300 km/h, avec les freins coupés. Elle va donc droit dans le mur, si l’on n’essaye pas de sauter, ou de réparer les freins, c’est la catastrophe assurée.

Une entreprise avec plus de 50% de sa production, qui serait défaillante… peut-elle survivre? Impossible. Eh bien, c’est pareil pour l’université… Il faut bien croire que c’est un prestataire de services, que c’est un des postes du budget de l’Etat les plus lourds. Et que si l’on paie des impôts, on voudrait bien que cet argent soit optimisé… que nos enfants aient une éducation et une formation réellement qualifiante… et non pas que l’on se surprend à constater qu’aujourd’hui, plus on fait des études, moins on est employable. Puisque chez les analphabètes, le taux de chômage est autour de 6% (en tous cas moins de 10%), et il dépasse les 50% chez les diplômés du supérieur….

Les propositions

Beaucoup de propositions on été faites lors de ces journées. Sur la question de la décentralisation de l’université, pour que chaque institution puisse décider d’un maximum de choses, à son niveau, au niveau de la région, selon les besoins et les contraintes de la région. Ce qui ira de pair avec le programme de reconstitution de notre carte du territoire en régions, pour un développement plus «de proximité», et non pas un développement qui soit géré depuis des bureaux à Tunis.

Des propositions autour des statuts des enseignants universitaires, ou plutôt de la multiplication inefficiente de statuts, sans réelle valeur ajoutée. Des propositions autour de la revalorisation matérielle de ce métier-vocation… car il faut être un peu fou pour choisir de passer une dizaine d’années après le bac à faire des études, pour toucher un salaire réel, qui permet à peine de manger, d’habiller ses enfants, et de payer son loyer. Faut-il rappeler que les salaires doivent être évalués, non pas dans l’absolu, mais par rapport au coût moyen du panier de la ménagère, ou de l’indice des prix pour faire simple…

Enfin, et c’est peut-être le plus important, des propositions de fond, sur comment enseigner? Quoi enseigner? Comment remédier à ce taux de chômage qui en dit long sur un système qui s’essouffle, une structure archaïque, une université sourde aux besoins du marché du travail, aux aspirations des jeunes, au profil même d’un jeune de 18 ans aujourd’hui… lequel est bourré d’énergie, mais de frustrations aussi malheureusement.

Le diplômé… futur chômeur

Il ne maîtrise pratiquement aucune langue, ni français, ni arabe, l’anglais c’est du chinois -le chinois, lui, serait pour lui la langue des Marsiens… alors qu’il est en réalité en passe de devenir la première langue d’affaires dans le monde. Il sait beaucoup de choses, mais il ne sait rien faire. Beaucoup de connaissances, en bloc, que de la théorie, trop de théorie, aucune pratique, aucune différenciation individuelle, aucune trace de compétence personnelle…

Sortant de «Alice au pays des merveilles», ou des quatre murs des salles de cours, il se trouve complètement en dehors du système, car il n’a rien à présenter à l’employeur, aucune valeur ajoutée, car aucune trace de compétence. Sa seule compétence, croit-il, c’est le bout de papier, le diplôme …Or, on ne recrute plus des diplômes, mais des individus, des profils, des personnalités, des compétences potentielles en somme… Et on ne parle pas des sections généralistes de sciences de gestion par exemple, mais des branches des sciences dures aussi. Terrible constat.

La voiture va droit dans le mur. Il est urgent de faire quelque chose. Il faut plus que des moyens (matériels) pour y arriver… Il faut de la volonté, politique et citoyenne aussi, pour une réelle évolution des modèles de pensée, et donc d’action.