Diagnostic et objectifs de l’émergence du secteur privé tunisien

Par : Tallel

I- DIAGNOSTIC

1- Des performances acceptables mais insuffisantes

1-1 A l’échelle régionale

La Tunisie constitue une référence à l’échelle internationale. Son revenu par
habitant est supérieur à plusieurs pays ayant une économie similaire.

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Sa compétitivité n’a cessé de s’améliorer au cours des dernières années jusqu’à
atteindre, dans le classement 2010-2011, une très enviable 32ème position leader
en Afrique et devançant de nombreux pays membres de l’Union Européenne (Espagne
42e, le Portugal 46e, l’Italie 48e, la Pologne, la Tchéquie, Malte, Chypre…),
d’Asie et d’Amérique Latine. En Afrique, le premier pays classé après la Tunisie
occupait la 54e position (Afrique du Sud) et dans le monde arabe, la Tunisie
venait en quatrième place après le Qatar, l’Arabie Saoudite, et les Emirats
Arabes

Unis.

Certes, elle est passée à la 40ème place cette année mais elle demeure 7ème à
l’échelle arabe (elle a été dépassée par Oman, le Koweït et Bahreïn) et première
à l’échelle africaine (l’Afrique du Sud est 50ème). Elle demeure mieux classée
que la Pologne, l’Italie, le Portugal et la Hongrie. Même le décrochage doit
être relativisé. Si la Tunisie a perdu 8 places, l’Egypte en a perdu 13. Telle
que présentée, la situation est donc loin d’être catastrophique.

1-2 A l’échelle internationale

Mais si on change de référentiels, la situation est complètement différente.
Dans les années 60’ et même 70’, le PIB tunisien était équivalent à celui de
plusieurs pays émergents. La situation a toutefois fortement évolué depuis.

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La Tunisie a décroché même en matière de revenu par habitant :

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En fait les performances de la Tunisie doivent être relativisées à l’échelle
internationale et plus particulièrement vis-à-vis du cercle des pays émergents.

2- Un tissu économique assez fragile

Son industrie demeure dominée par des créneaux à faible valeur ajoutée
(confection, faisceaux de câbles, conditionnement de produits agricoles…).

Un rapide examen du tissu industriel fait également apparaître C’est une
industrie de bout de chaine avec une valeur ajoutée réduite et une concurrence
exacerbée à l’échelle internationale. Certes, de grands efforts ont été fournis
que ce soit au sein des entreprises qui ont réalisé leur mise à niveau ou à
l’échelle macroéconomique ou institutionnelle pour encourager la montée en gamme
et l’intégration en amont. Mais les résultats demeurent bien en deçà des
attentes.

En fait, il n’y a aucune stratégie de filière. Nous n’avons pas de «champions
nationaux» à même de hisser une filière vers le haut. Les grands groupes sont
des holdings diversifiées avec une multitude de grosses
PME essentiellement
tournées vers le marché local. Les grandes sociétés sont soit des entreprises
publiques, soit des entreprises de distribution et de l’agroalimentaire soit
enfin des entreprises étrangères totalement exportatrices. A l’exception des
entreprises de distribution, la plupart d’entre elles sont faiblement intégrées
dans le réseau local.

De même, il n’y a pas de traditions en matière de partenariats entre PME (SPL,
clusters, pôles…). L’ONUDI a lancé, en coopération avec le BMN, un programme de
promotion des consortia d’entreprises. Le projet a permis de conduire une vaste
campagne de sensibilisation sur les alliances de type consortiums d’exportation
au niveau national et régional et plusieurs actions de formation et d’assistance
destinées aux promoteurs de consortiums (consultants et conseillers export,
cadres institutionnels publics et privés, chefs d’entreprises). En plus du
ministère de l’Industrie, de l’Energie et des PME (Bureau de Mise à Niveau),
d’autres partenaires ont été impliqués: Centre de Promotion des Exportations (CEPEX),
Chambres de Commerce et d’industrie; Centres Techniques Sectoriels, UTICA,
Associations professionnelles, Jeunes Chambres (JCE) etc. Le projet a mobilisé
d’autres ressources techniques et financières pour les consortiums d’exportation
fournis par d’autres programmes et bailleurs de fonds: Banque mondiale (à
travers le FAMEX), GTZ, UE, FOPRODEX, FODEC etc.

A fin 2007, une dizaine de consortia étaient enregistrés et actifs:

• C8 (8 entreprises de Composants autos, des régions de Tunis et Monastir, forme
SA); consortium de promotion

• TEC (12 Ingénieurs Conseil et Consultants- de la région de Tunis; SA):
consortium de promotion et de vente

• ACT International (4 entreprises en Agroalimentaire de la région de Sfax,
Sarl): consortium de promotion

• GMC (8 entreprises en Habillement des régions de Tunis et Cap Bon; siège:
Tunis; consortium de promotion

• Global Consulting (5 entreprises d’Ingénieurs Conseil de la région de Tunis;
GIE): siège: Tunis; consortium de promotion et de vente

• GET- IT (8 entreprises de Technologies de l’information de la région de Tunis;
G1E): site www.getit-tunisia.com; consortium de promotion et de vente

• CIC (3 entreprises d’Ingénieurs Conseil de la région de Tunis; Sarl); siège:
Tunis; consortium de promotion et de vente

• CAJAD (5 entreprises d’Ameublement et Artisanat de la région de Nabeul; GIE),
consortium de promotion

• ZAYATINE SFAX (20 entreprises personnelles de culture et de trituration
d’huile d’olive, certifiées biologique et bio-dynamique, région de Sfax, SA),
siège Sfax; consortium de promotion et de vente

• CMC (3 entreprises de fabrication de chaussures Tunis, Grombalia et Bizerte),
objectif: mise en place d’une cellule commune de design et de préparation de
collections avec marque du consortium, consortium de promotion et de vente.

Le programme a en outre encouragé d’autres groupes d’entreprises qui étaient en
gestation à cette date (Electronique, Composants auto, Huile d’olive
Conditionnée, Habillement, Electrique, Agroalimentaire, Artisanat).

Le problème est que la plupart de ces consortia sont aujourd’hui gelés et
inactifs.

Par ailleurs, les capitaux privés sont limités en Tunisie. Jalloul Ayed, le
Ministre des Finances du Gouvernement de transition, a estimé, en juillet 2011,
les capacités d’investissement des grands groupes tunisiens à 100 à 150 millions
de DT. Le modèle tunisien a, jusque-là, privilégié l’endettement. Or, compte
tenu des règles prudentielles du secteur bancaire, ce modèle a atteint ses
limites. Il ne permettra pas de passer à un palier supérieur. De même,
l’expérience des sociétés de capital-risque a également montré ses limites avec
la généralisation des pratiques du portage. Les encouragements prévus pour
encourager l’entrée en bourse ont également eu des résultats très faibles. Il
faut penser à une solution réellement innovante à l’instar du FOPRODI qui a été
lancé dans les années 70 et qui a permis l’éclosion de toute une nouvelle
génération de promoteurs.

Le dispositif d’aides aux entreprises existant est très riche et couvre la
plupart des domaines d’intervention de l’entreprise:

• le programme de mise à niveau qui encourage les investissements matériels
(modernisation, laboratoires, informatique…) et immatériels (assistance
technique, logiciels, actions qualité…) qui permettent une amélioration de la
compétitivité des entreprises;

• la promotion des exportations avec le FOPRODEX (supports promotionnels, site
web, collections de mode et collections diverses, participation aux appels
d’offres internationaux, prospection de marchés extérieurs…)

• les aides au développement régional avec les primes à l’investissement (8 à
30%), Prime au titre de la participation de l’Etat aux dépenses d’infrastructure
(25 à 85% des montants engagés par l’entreprise), prise en charge de la
cotisation patronale au régime légal de la sécurité sociale (CNSS), la déduction
des revenus ou bénéfices provenant de ces investissements de l’assiette de
l’impôt sur le revenu des personnes physiques et de l’impôt sur les sociétés,
l’exonération de la contribution au fonds de promotion du logement pour les
salariés…

• la promotion de l’innovation avec le PIRD (50% du coût des études et 25% du
coût des réalisations)

• le recrutement de cadres: le renforcement du taux d’encadrement dans le cadre
du PMN (70% du coût avec un plafond de 7.000 DT pendant 2 ans), SIVP,
Recrutement des diplômés du supérieur (exonération des charges patronales au
régime légal de la sécurité sociale et possibilité de prise en charge par l’Etat
pendant une année de 50% du salaire),

• la formation continue: TFP, FIAP…

Mais ses modalités de fonctionnement doivent obéir aux exigences de gestion des
deniers publics et sont donc très lourdes.

Les institutions dédiées à l’appui aux PME (API, CTI, BMN, CEPEX, CNFCPP…)
bénéficient de plusieurs atouts (notoriété, connaissance de la population visée,
capitalisation d’expérience, partenariats avec les institutions homologues à
l’échelle internationale…). Mais elles souffrent des contraintes inhérentes aux
entreprises publiques (moyens financiers, contraintes salariales, prise de
décision relativement complexe…).

La R&D est peu développée malgré les différents programmes d’encouragement
lancés et les liens entre la recherche publique et le secteur privé sont quasi
nuls. En fait ce n’est pas sis surprenant si on garde à l’esprit qu’il s’agit
essentiellement d’une industrie de bout de chaine. Par ailleurs, les mécanismes
existants sont peu connus.

Enfin, concernant les objectifs, on distingue un “Objectif général“ qui vise à
améliorer la valeur ajoutée du tissu économique, et des “Objectifs spécifiques“
dont rôle est de structurer les filières avec des champions nationaux orientés
vers l’export et de créer un réseau de PME innovantes tournées vers l’export.

*Etude IACE