Tunisie : Quand Béji Caid Essebssi solde ses comptes avec Ahmed Mestiri

sebssi-27082011-art.jpgOn n’attendait pas vraiment M.
Béji Caïd Essebsi sur ce terrain là. Celui du
flingage avec le sourire. A l’encontre d’une vieille connaissance. Dont
l’orgueil, la vanité et la célébrité lui ont toujours insufflé, affirme le
locataire d’El Kasbah, le sentiment de l’impunité et de l’infaillibilité. Au
fait, dans son allocution, du 18 août 2011, au Palais des Congrès, devant les
représentants de la société civile, de la presse nationale et étrangère et des
principaux partis politiques du pays, le chef du gouvernement provisoire, dont
le souci majeur, depuis l’intronisation de son «team» de technocrates au début
du mois de mars 2011, est de ne pas subir l’usure et les avanies du traitement
des affaires courantes, a d’emblée taclé et cloué au pilori Ahmed Mestiri, son
vieux compagnon de la mouvance libérale, fondateur du MDS, qui a multiplié, ces
derniers temps, les phrases assassines, les quolibets, les diatribes et les
invectives déstabilisantes à l’encontre de l’équipe d’El Kasbah. Le coup de
grâce vient toujours de l’être aimé!… Eh! Oui…Le pouvoir a ses règles et ses
priorités, vouloir s’y frotter, c’est s’y piquer.

Néanmoins, de l’avis de plusieurs observateurs avertis, aucun homme d’Etat en
exercice n’a été si longtemps, si patiemment insulté en Tunisie. Mais la gloire,
disait André Malraux, peut trouver, souvent, dans l’outrage, son suprême éclat.
Et Béji Caid Essebsi, velox, patiens laborum, a l’habitude de laisser passer et
de laisser dire. Il sait des choses et sait les taire.

A vrai dire, issus, tous les deux, du clan de La Marsa, de la bourgeoisie
tunisoise, des «beldia» pur jus, la bagarre entre ces deux personnalités, nous
dit-on, figures de proue de l’opposition à Bourguiba dans les années
soixante-dix, premiers porteurs du projet démocratique dans les rangs du parti
destourien, lors du congrès de Monastir en 1971, ne date pas d’hier. Elle a
apparemment accompagné le parcours politique de ces deux mastodontes de l’ère
bourguibienne. Avec quelques passes d’armes, dont seuls ces vieux routiers des
sentes du pouvoir ont le secret. Mais aucun des deux n’a réussi à mettre KO son
adversaire.

Au fait, même au crépuscule d’une vie politique mouvementée, la pause, entre les
deux frères-ennemis, n’est pas pour demain. Car nul n’échappe aux pièges du
pouvoir. Les deux hommes ont suffisamment fréquenté la solitude pour avoir
appris à dompter les ombres. La politique, nous dit-on, demeure la fosse aux
lions.

Finalement, pour Béji Caid Essebsi, depuis le triomphe de la révolution de la
liberté et de la dignité, Ahmed Mestiri, pris dans une sorte de spasme
jusqu’au-boutiste, joue un jeu de dupes. Sert la soupe aux radicaux. Se «zorroise»
devant les mass-médias. Aiguise toutes les oppositions. Exploite la veine de la
colère et du défi. Savonne le terrain politique. Se sert de tous les leviers
disponibles. Fait les yeux de Chimène aux islamistes. Gratifie. Se brouille.
Jalouse. Flatte. Minaude. Distribue des satisfécits. Juge. Claironne. Sermonne.
Autrement dit, sa barque est pleine. Et il ne se passe pas une semaine, affirme
une source officielle, sans qu’on l’entende désavouer, rabrouer, réprimander
l’équipe gouvernementale. Lui qui, au ministère de l’Intérieur au début des
années soixante-dix, n’a pas hésité, nous dit un ancien militant perspectiviste,
à casser le congrès démocratique de l’UGET à Korba en 1971 et à favoriser
l’émergence d’une direction fantoche, aux ordres du PSD, provoquant ainsi la
plus longue crise estudiantine de l’histoire du pays.

Au fait, le chef du gouvernement provisoire, dans l’obligation, tout au long de
son allocution, au Palais des Congrès, de tout peser, tout balancer, tout
maîtriser au milieu de tant d’intérêts et de passions contradictoires, a parlé
en homme qui sait son affaire. Pour lui, les passions de l’homme sont de tous
les temps. Mais l’art du politique est de les employer au bien commun. A bon
entendeur… Salut!