La Tunisie est-elle à l’abri de la crise de la dette US?

dettes-usa-01.jpgMalgré l’effet de taille ainsi que de la faiblesse des échanges entre les deux pays, la crise de la dette US peut-elle impacter l’économie tunisienne? Et dans quelle mesure cela se produira-t-il? Deux avis de deux experts pour nous éclairer sur la question.

De la dégradation historique à la réaction salutaire de la Fed

Moez Laabidi, économiste, professeur à la FSEG de Mahdia, vient d’affirmer à un confrère de la TAP que les placements de la BCT en bons du trésor américain sont concernés par la dégradation de la note américaine. Seulement l’économiste a eu l’occasion de préciser son propos à l’occasion d’un entretien récent avec notre journal. En effet, la perte du triple A, précise-t-il, émane de S&P, uniquement. Les deux autres agences, à savoir Fitch et Moody’s sont restées sur la réserve. Cela équivaut à un avertissement et pas un carton rouge.

Mehdi Skandrani, trésorier Citibank Tunis, confirme l’idée et rajoute qu’en effet les investisseurs se sont repliés sur les bons du Trésor américain puisque la décision de la Fed augmente leur rendement. Il y a là, par conséquent, un premier effet positif.

Le dollar a résisté, il n’y a pas de crise du change

Au plan de l’impact sur la dette, Moez Laabidi a confié à notre confrère de la TAP que le dollar se dépréciant, le service de la dette pour la Tunisie s’en trouvera allégé. Il est vrai que le dollar a cédé du terrain dès l’annonce de S&P, mais très vite, précise Mehdi Skandrani, le billet vert s’est ressaisi et qu’à l’heure actuelle il traite, contre euro, dans la même fourchette de 1,40-1,45. L’affaire est presque sans surprise car malgré sa volatilité, le dollar bénéficie de l’effet «Flight to quality» qui est dû à la taille suprême de l’économie américaine, laquelle, malgré ses nombreux ratés, est considérée par tous comme la dernière à pouvoir faire défaut.

La baisse -hypothétique?- du prix de l’énergie

Comme autre effet collatéral, l’article de la TAP laissait entendre que la demande d’énergie peut baisser et que cela entraînerait une baisse des cours du pétrole qui pourrait profiter à l’économie tunisienne. Cependant, Moez Laabidi affine, une fois encore, son propos en rappelant que la perspective de croissance molle en Europe et aux Etats-Unis, conjuguée à la crise de la dette US pourrait, à terme, contracter la demande d’énergie, ce qui aurait l’effet suscité. Mehdi Skandrani considère que c’est une anticipation plausible, dans le cadre d’un repli de l’ensemble des cours des matières premières.

La diversification des réserves de change, une fois encore d’actualité

Moez Laabidi considère que les épisodes contrariants, s’acharnant sur le dollar, le contexte pousserait les Banques centrales du monde à envisager de diversifier leurs réserves de change. Toutefois, il précise que l’effet de change n’était pas significatif, car à l’heure actuelle tous les placements alternatifs en devises ne peuvent se présenter comme des valeurs refuges. Cela vaut pour l’euro, par exemple, et les actifs financiers d’Allemagne ou du Japon. Seul l’or a bénéficié de la situation. C’est, selon lui, ce qui explique l’hésitation des cambistes à quitter le billet vert. Mais à moyen terme, pense-t-il, les Banques centrales asiatiques parviendront, malgré tout, à diversifier leur portefeuille de bons du Trésor US.

Pourquoi les Banques centrales asiatiques? Selon lui, les autorités US et d’Euroland n’ont pas trouvé une riposte adéquate. Les instruments monétaires restent à effet limité. Les taux d’intérêt sont proches de zéro et les injections de liquidités dans le cadre de l’assouplissement quantitatif (Quantitative Easing) n’ont pas ramené une croissance forte. Et pour leur part, les politiques budgétaires des deux blocs restent plombées par la crise de la dette, plongeant le marché dans une impasse.

Mehdi Skandrani juge, pour sa part, que le contexte joue au détriment du dollar mais qu’il favoriserait davantage l’euro qu’une autre monnaie. Il adosse son propos aux réflexions qui se développent sur les marchés à terme proche, horizon prévisible. A suivre.