«La Tunisie ne peut basculer dans l’islamisme que par défaut», estime Neila Charchour Hachicha d’Afek Tounes

neila-charchour-1.jpgLorsque Neila Charchour Hachicha rejoint le parti «Afek Tounes», elle est loin de se douter des tentatives de discréditation dont elle va faire l’objet. Accusé d’être élitiste, ce nouveau parti attise curiosités et méfiances.

Un entretien pour en savoir plus sur l’une de ses partisanes de la première heure. Pour le moment, ce sont plus de 70 partis qui se positionnent tant bien que mal pour la Constituante. La multiplication des initiatives pour bâtir un front de progressistes se met en place, difficilement. Entretien.

WMC: Vous étiez la fondatrice d’un parti politique jamais reconnu, le Parti Libéral Méditerranéen. Il y a quelques années, vous êtes devenue une des voix dissidentes en Tunisie. Que vous inspire cette période maintenant?

Neila Charchour Hachicha: Au vu des dérives qui devenaient flagrantes sous l’ancien régime, j’avais éprouvé le besoin de m’engager politiquement malgré le blocage du processus démocratique de l’époque. Bien entendu le Parti Libéral Méditerranéen n’a jamais vu le jour. Le régime ne l’avait jamais légalement autorisé. Je voulais fonder un parti libéral et me suis adressée essentiellement au secteur privé que le régime bridait fermement par le chantage fiscal, l’engloutissement dans les dettes et toutes sortes de harcèlements honteux et dégradants.

A force de corruption, de mauvaise gouvernance et de répression, cela a provoqué une révolte qui s’est transformée en révolution. C’est une page noire de notre histoire. Nous continuerons à en payer les conséquences pendant quelques temps. Cependant, c’est une page tournée. Aujourd’hui, je milite pour qu’aucun retour en arrière ne soit possible.

Après la révolution, vous rejoignez un parti qui vient de naître, Afek Tounes. Pourquoi?

Au lendemain du 14 Janvier, avec un groupe de Tunisiens engagés, nous avions commencé à créer un parti dans l’optique de participer éventuellement aux législatives dans la mesure où le temps nous le permettrait. Avec la Constituante, la donne a changé. Nous ne pouvions plus porter le même regard sur les élections. La donne islamiste étant un élément de challenge puisque nous avons eu l’occasion de voir à l’œuvre l’impact d’une minorité bruyante, organisée et active face à une majorité silencieuse, éparpillée et passive.

Après une révolution, notre nouvelle Constitution se doit d’être encore plus républicaine que la première, et surtout elle se doit d’être démocratique. En aucun cas nous ne permettrons qu’elle régresse. Face au nombre croissant de partis, nous avons mesuré le danger de l’éparpillement. Nous avons donc décidé qu’il était important de fusionner nos efforts avec d’autres partis qui défendent les mêmes valeurs que nous. Afek Tounes est en réalité le résultat de la fusion de trois groupes distincts au départ.

Et du coup, vous vous trouvez au centre d’une polémique que l’on a baptisé «premier scandale pour Afek Tounes». Vous faites l’objet d’une contestation sur Internet et les réseaux sociaux. On s’est appuyé sur vos félicitations à Ben Dhia dans votre blog, sur certaines de vos relations avec certaines familles et sur votre soutien à Bush durant la guerre d’Irak. Que répondez-vous?

Ceux qui annoncent le premier scandale, et a priori d’autres suivront, sont en plein dans les méthodes de la dictature. Des fauteurs de trouble souvent anonymes qui désinforment, intimident et manipulent l’opinion publique. Attention, si le silence s’installe, ce sont les portes de la dictature qui s’ouvrent de nouveau!

Pour en revenir aux faits, ce sont sur des écrits datant de 2003 que l’on m’attaque. Des écrits dont j’assume totalement le contenu et les commentaires qui y sont liés en les remettant toutefois dans leur contexte. Militer «seule» pour la démocratie sous Ben Ali nécessitait beaucoup de courage et autant de tact. Nous étions au lendemain d’un référendum qui lui avait permis d’amender la Constitution pour briguer un nouveau mandat. Un amendment que toute l’opposition et la société civile réunies avaient été dans l’incapacité d’empêcher.

En «Bourguibiste» ouverte vers l’Occident et la modernité, qui croit en la politique des étapes et du compromis, surtout lorsqu’on n’a pas les moyens adéquats pour faire face à son adversaire, je m’étais inscrite dans un esprit de continuité et dans une attitude de propositions plutôt que dans une attitude d’opposition frontale qui me semblait contreproductive. Tous les moyens «d’amadouer» le dictateur me semblaient bons à prendre. Ma façon de faire m’avait permis à l’époque de m’exprimer librement en montant le ton sans subir de censure puisque je militais exclusivement dans le cadre du Net pour rester dans la transparence.

Entre 2005, lors du SMSI, et 2006, j’avais abouti à la liberté de ton que je voulais. J’étais passée à la vitesse supérieure pour dénoncer au grand jour les méthodes du pouvoir. J’ai eu droit à la répression et au harcèlement policier. J’étais arrivée à démontrer que la répression ne se limitait pas à cerner le terrorisme -dit islamique- mais touchait tous ceux qui aspiraient à l’expression de leur citoyenneté et à la pratique de leur liberté, même en étant particulièrement pacifique.

On vous accuse d’être pro-américaine.

Oui, je le suis et je l’assume. J’estime que cela relève de ma liberté d’opinion que de choisir mon idéal et mes amis. Certains se proclament du “Baâthisme“ de Saddam Hussein, c’est aussi leur liberté d’opinion. Nous devons apprendre à nous accepter et à nous respecter dans nos différences. C’est cela aussi la démocratie.

Vos détracteurs reviennent aussi sur un certain voyage aux USA…

Vous faites référence au président Bush et à la guerre en Irak. Oui je les ai soutenus et là encore j’assume. Saddam Hussein était un dictateur sanguinaire et il devait partir. Les Américains avaient des intérêts divers dans cette guerre, certes mais la chute du premier dictateur arabe était dans notre intérêt. Cela n’a pas été sans impact sur les esprits des peuples arabes.

La même situation est aujourd’hui vécue naturellement en Libye. Nous pouvons mieux la comprendre après le 14 Janvier 2011 du fait que nous avons réussi à nous débarrasser par nous-mêmes de notre dictateur et nous souhaitons la même liberté à nos frères Libyens. C’était moins évident dans les esprits lorsque les USA ont envahi l’Irak. L’enjeu du pétrole nous semblait bien plus important que la chute du régime de Saddam et de la liberté d’un peuple. Aujourd’hui, nous avons la double responsabilité de réussir notre transition démocratique. Celle-là même que les USA ont totalement ratée en Irak.

Avez-vous l’intention de porter plainte pour diffamation?

J’estime qu’une action en justice s’impose. Internet permet beaucoup de liberté mais cette liberté ne doit pas se transformer en anarchie et devenir nuisible. Lorsque tout un chacun se permet de désinformer, de calomnier, d’insulter et de propager des rumeurs, cela relève de la diffamation et devient particulièrement déstabilisant en temps de révolution.

Pour moi, il s’agit de désinformation en usant d’informations sorties de leur contexte général pour semer le trouble dans les esprits et tenter de discréditer un parti naissant dont je suis membre fondateur. Ce genre de comportement est, pour le moins que l’on puisse dire, irresponsable. Il devrait être passible de sanctions.

Vous lâchez une phrase qui fait grincer des dents… «Lorsque la majorité s’accommodait en contrepartie de petits et grands intérêts personnels… J’ai eu le mérite de m’accommoder pour essayer de défendre la cause d’un peuple». Vous accusez qui en particulier?

S’ils grincent des dents c’est qu’ils se sont reconnus, non?! Néanmoins, je pardonne parce que je sais que l’impact de la dictature était très lourd à porter et mettra du temps avant de disparaître des esprits. Je sais aussi que l’apprentissage de la démocratie sera un long chemin sinueux semé d’embûches. Je tiens toutefois à exprimer tous mes remerciements à mes concitoyens qui m’ont spontanément soutenue et plus particulièrement mes amis du Parti Républicain.

Pensez-vous que cela soit en rapport avec la visibilité qu’est en train de prendre Afek Tounes? Est-ce difficile d’être femme et politicienne?

Absolument, je suis convaincue que la visibilité de tout nouveau parti dérangera les dinosaures de la scène politique tunisienne. Ce qu’ils oublient, c’est qu’aucun d’entre eux n’est à l’origine de la révolution et qu’elle appartient désormais à tous. La légitimité d’un parti ne tient pas de la répression que ses membres ont subie mais de la légitimité que le peuple lui accorde. Homme ou femme politique, il leur sera difficile de regagner la confiance des Tunisiens après des décennies de mensonges et de manipulations. Cette confiance, il faudra la mériter.

L’intérêt que suscite Afek Tounes réside notamment dans le fait que nous appelons les Tunisiens à s’unir autour d’une vision et des valeurs communes et non à s’unir derrière un leadership masculin ou féminin.

Justement et à propos de femmes, à part Maya Jeribi, et quelques présences dans certains bureaux de quelques partis, les tunisiennes sont encore assez absentes de la scène politique. Certains estiment que ce sont précisément elles qui auraient le plus à perdre si elles ne s’organisaient pas politiquement. Si elles sont autant désavantagées par rapport aux hommes, cela tient-il au regard porté sur elles par la société ou par leur manque d’engagement?

Nous les femmes représentons exactement la moitié de la société et même un tout petit peu plus en Tunisie. Donc, nous pesons déjà de tout notre poids électoral. Aujourd’hui, notre poids économique est tout autant important. La femme est non seulement la mère, l’épouse, la sœur, mais aussi l’enseignante, le médecin, l’avocate, la juge, le ministre, etc. Nous sommes de fait une force politique qui tire tant de ficelles à la fois.

Pourquoi pas aussi au devant de la scène politique? Oui bien sûr. Ce n’est pas là le plus important. Dans l’immédiat, notre engagement n’est pas un engagement féministe. C’est un engagement citoyen. Nous devons d’abord prendre conscience de l’importance du rôle citoyen de chacun et de chacune et de l’importance et du poids de chaque vote. Nous devons surtout prendre conscience de l’obligation de réussir notre nouvelle Constitution. Elle sera la garante de notre progression vers la modernité et la dignité. C’est cela le plus urgent aujourd’hui. Le reste suivra naturellement.

Comment préserver les acquis de la femme en Tunisie? L’impliquer dans les fondements du nouveau «Destour» semble la solution la plus rassurante. Comment y parvenir à l’heure où la Commission de Ben Achour rencontre de sérieuses difficultés avant de passer à l’essentiel?

Je suis convaincue que notre Code du statut personnel est bien ancré dans les mentalités. Je suis convaincue aussi que nous allons évoluer vers la démocratie, donc vers plus d’égalité citoyenne, entre autres l’égalité homme-femme. Quand on sait que même les femmes voilées tiennent à leurs droits civils, à leur indépendance financière et à leur liberté personnelle, je ne pense pas que nous soyons en situation de détresse.

Vous vous inquiétez comme si la révolution était le fruit des efforts des islamistes. Dieu merci ce n’est pas le cas! Notre révolution est le fruit d’une jeunesse instruite et d’un peuple prêt à prendre son destin en main. Il n’y a plus de place au fatalisme.

Quant aux difficultés de la Commission que préside M. Ben Achour, elles ne sont que l’expression de cette nouvelle démocratie naissante à laquelle personne n’est encore habitué. Malgré cela, ils sont arrivés à se mettre d’accord. Je dirais tout simplement, patience et tolérance!

Vous êtes une fervente opposante à l’islamisme. A l’heure où une bonne partie de la Tunisie reste liée à la pauvreté et au désespoir, celui-ci représente une vraie composante dans le paysage politique en Tunisie avec une certaine capacité de mobilisation. La Tunisie pourrait-elle basculer dans l’islamisme? Une forme d’islamophobie semble aussi se mettre en place. Traduit-elle une réponse à une réalité pas encore confirmée ou est-ce de la manipulation politico-médiatique?

La Tunisie ne peut basculer dans l’islamisme que par défaut. C’est-à-dire uniquement si la majorité n’arrive pas à se reconnaître dans la multitude de nouveaux partis naissants, et qu’à ce titre, elle n’aille pas voter. D’où l’importance des associations citoyennes et la nécessité des alliances.

Toute démocrate que je suis, je m’oppose à l’islamisme. Aucun Islam ne saurait être un programme politique ou économique créateur d’emplois. L’islamisme est pure démagogie. Nous savons tous que nous ne pouvons pas être libres dans un Etat islamiste, alors que ceux qui le souhaitent peuvent être islamistes dans un Etat libre.

Nous savons aussi que les islamistes usent exclusivement de clientélisme et d’assistance sociale. Avec eux, nous sommes loin du dicton chinois qui dit: «Ne donne pas du poisson à celui qui a faim mais apprend-lui à pêcher». Ce qui m’inquiète à ce niveau, et j’estime qu’il faudra très sérieusement se pencher sur le problème, ce sont les moyens financiers que les islamistes affichent et mettent à disposition de leurs desseins. Il est urgent qu’ils soient transparents à ce sujet.

Enfin, nous ne pouvons parler d’islamophobie entre musulmans. Par contre, je pense que la jeunesse qui a fait la révolution ne tombera pas dans le piège d’une nouvelle forme de dictature qui use de l’instrument démocratique pour imposer une interprétation spécifique et humaine de l’Islam. Nous sommes en majorité Musulmans. Nous n’avons de leçons à ne recevoir de personne. Il n’y a pas d’église en Islam. D’ailleurs, les citoyens de différentes régions ont bien fait comprendre leur mécontentement à ce sujet.

Le manque d’expérience politique est un handicap autant pour les partis que pour les citoyens sevrés par des décennies d’abstinence. Aujourd’hui, les Tunisiens sont confrontés à une forme d’abondance. Celle-ci est-elle salutaire? Comment s’y retrouver? Pourquoi les partis tardent-ils à mettre en avant leurs programmes?

Nous sommes en pleine cacophonie et c’est normal! C’est un passage obligé avant d’apprendre à nous écouter, à discuter pour enfin arriver à dialoguer et à nous respecter. Nous ne pouvons sauter ces étapes.

Par contre, je ne comprends pas cette subite impatience et exigence des Tunisiens. Ils veulent tout et tout de suite. Comme si un parti se créait en quelques jours, que son programme s’établissait en quelques semaines et que son financement tombait du ciel. Soyons réalistes. Nous avons besoin de militants et d’engagement, et à défaut nous avons besoin de soutien moral et de soutien financier.

Kennedy disait «ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous avez fait pour votre pays». Après une révolution, nous nous devons tous d’assumer nos responsabilités citoyennes et de rendre à notre pays une parcelle de ce qu’il nous a donné.

Les partis sont des intermédiaires entre les peuples et le pouvoir. Où placez-vous Afek Tounes sur l’échiquier politique tunisien? Quel esprit et quelle volonté l’animent? Comment se place-t-il par rapport à ces plus de 70 partis politiques qui viennent de naître?

Nous nous plaçons au centre droit dans un esprit progressiste libéral. Notre souci majeur est l’emploi, l’emploi et encore l’emploi. Tous nos efforts doivent converger vers l’éradication du chômage et l’épanouissement de tous les Tunisiens.

Ce qui anime notre parti, ce sont nos militants qui, par leurs compétences et leurs énergies, nous propulsent vers l’avant et nous offrent la légitimité nécessaire pour agir. Nous sommes profondément animés par des principes démocratiques, car à l’image de la révolution, nous travaillons en groupe sans leadership. Ce sont nos valeurs communes qui nous guident et dans l’attente d’élections ultérieures qui permettront l’émergence d’un leader pour une fois «élu» par ses pairs pour son travail, sa capacité de fédérer et son efficacité. C’est cela le vrai leadership.

Ce n’est pas à nous, fondateurs du parti de situer notre parti par rapport aux autres, c’est aux citoyens de lui offrir la place qu’il mérite en y adhérant massivement si nous arrivons à les convaincre par notre démarche.

Comment Afek Tounes compte résorber le chômage? C’est bien à cela qu’aspirent les Tunisiens et une grande partie des partis politiques.

Nous devons stimuler la demande pour nos ressources humaines et faire en sorte que l’offre corresponde à cette demande. Pour stimuler la demande, deux mots d’ordre s’imposent: croissance et investissement.

Quand nous savons que malgré la corruption, les lourdeurs administratives, les mauvais choix et la mauvaise gouvernance nous arrivions à faire quand même un 5% de taux de croissance, il est permis d’imaginer qu’avec la légitimité d’une démocratie horizontale, une bonne gouvernance et le rétablissement de la confiance, l’investissement local et étranger reviendra en force et la croissance augmentera considérablement.

Retenez qu’un point de croissance permet la création de près de 15.000 emplois. A chacun d’entre nous de mettre un peu plus d’énergie pour faire de la Tunisie un nouveau Singapour. Nous en avons les moyens, il faut juste le vouloir et y travailler.

Pour le moment le problème n’est-il pas la sécurité?

Les enjeux majeurs demeureront la stabilité et la sécurité. Il faudra d’ailleurs que ceux qui perdent les élections acceptent leur défaite et permettent la reprise immédiate de la vie économique dans la sérénité.

L’UGTT devra désormais s’interdire de s’immiscer dans la vie politique du pays et s’employer à avoir un apport constructif et citoyen dans son rôle syndical. Il y va de même pour le patronat, qui a un rôle important à jouer dans la relance économique et qui brille par sa timidité.

Afek Tounes prévoit-il de se joindre à un front démocratique pour faire face aux forces politiques régressives?

Bien sûr! Nous sommes ouverts aux alliances avec tous ceux qui partagent notre vision de l’avenir. Nous ne nous construisons pas contre une mouvance mais autour d’une vision. «Afek» considère que les alliances rassemblent les forces et facilitent le choix pour le citoyen qui a très peu de temps pour connaître tous les partis et différencier entre eux. C’est une manière de l’inciter à voter et éviter un haut taux d’abstention. Le degré d’importance de l’élaboration d’une bonne Constitution républicaine et démocratique doit être au dessus de toute considération partisane.

Que pensez-vous de la multiplication de ces initiatives qui, finalement, mettent aussi d’une certaine manière en danger leurs propres revendications ?

La société civile se construit. La multiplication des initiatives est saine. Chacune d’entre elles est un rempart contre toute régression. Chacune joue un rôle d’éveil nécessaire. Avec le temps, elles se compléteront et chacune aura ses propres spécificités et agira sur son propre terrain. Il y a tant à faire après des années de dictatures qu’aucune initiative citoyenne n’est de trop.

On dit souvent que ce ne sont pas les régimes qui font les dictatures mais l’absence de contre-pouvoirs. La Tunisie a longtemps souffert d’une stabilité imposée à travers la répression dont le prix était la dignité. Comment réhabiliter ces droits, convaincre, fédérer et rassurer essentiellement une partie de la population laissée pour compte a d’énormes attentes?

Deux choses permettent l’installation d’une dictature, le consentement tacite ou affiché de citoyens passifs et l’absence de contre-pouvoirs. Si plus d’une soixantaine de partis sont créés, et bien plus d’associations citoyennes, nous pouvons conclure que la société civile s’organise et se structure. Elle n’a plus l’intention de se laisser intimider.

Nous avons arraché notre citoyenneté au prix du sang et nous avons détruit le mur de la peur. Nous nous devons d’être à la hauteur du sacrifice de nos martyres. Plus personne ne pourra réprimer le peuple tunisien sans en payer le prix. Aucune marche arrière n’est possible. Néanmoins, les Tunisiens doivent comprendre que la liberté n’est pas l’anarchie et que l’ordre et la sécurité sont nécessaires pour avancer.