Grèce : nounous et éboueurs face aux banques et au FMI

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érité (Photo : Louisa Gouliamaki)

[05/04/2011 14:25:35] ATHENES (AFP) Blazer bleu marine assorti aux ballerines, le visage blanchi par une poudre censée protéger la peau contre les gaz irritants, Sissy Gavrielatou, 40 ans, rassure son mari au téléphone: “Je vais bien”. Avant de s’excuser: “A mon âge, c’est la première fois que je manifeste!”.

Comme cette nourrice grecque, employée dans un jardin d’enfants, quelques centaines d’employés municipaux ont manifesté mardi à Athènes contre les mesures d’austérité qui interdisent le renouvellement de leurs contrats à durée déterminée (CDD).

A peine quelques centaines de personnes sont descendues dans la rue sur les 2.500 employés contractuels qui bloquent la mairie d’Athènes depuis deux semaines.

On est loin des gros défilés des jours de grève générale: juste un des cortèges qui font le quotidien à Athènes, et qui se multiplient depuis que la Grèce a sollicité l’aide de la zone euro et du Fonds Monétaire International (FMI) il y a presque un an, en échange de mesures d’assainissement des finances publiques.

A l’image de Sissy, la relative inexpérience des manifestant(e)s illustre l’avancement de la crise sociale, qui touche désormais même ceux qui s’estimaient protégés.

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érité (Photo : Louisa Gouliamaki)

Ce n’est pas le maire d’Athènes qui est visé par les slogans, mais le ministre de l’Intérieur: “Celui qui a fait passer une loi interdisant les renouvellements de CDD”, explique Maria Sotiraki, 35 ans, qui était employée dans un centre de tri de déchets.

La soupape a permis pendant des décennies aux partis politiques de cultiver leur clientèle électorale, en distribuant des emplois parfois à la veille d’élections tout en maintenant leurs titulaires dans la précarité.

Mais selon le plan de redressement des finances dicté par les trois grands créanciers du pays, Union Européenne (UE), Banque centrale européenne (BCE) et FMI, surnommés collectivement “Troika”, les administrations sont désormais sommées de ne plus renouveler ces contrats.

“La Troika nous dit que nous devons laisser nos emplois. Mais pour certains d’entre nous, cela fait quinze ans que leur contrat est renouvelé chaque année”: Lytsa Fourtouni, employée dans un jardin d’enfants, avoue son incompréhension.

Comme elle, certaines manifestantes arborant d’élégantes lunettes de soleil griffées, se sentent décalées et désorientées après le premier jet de gaz irritant envoyé par la police pour disperser le défilé, qui a quitté le parcours prévu.

“Nous ne sommes pas des grévistes professionnels, nous avons le droit de travailler”, lance pourtant Maria par bravache.

Cette semaine une délégation de la Troika est justement présente à Athènes pour discuter avec le gouvernement qui doit annoncer avant la fin du mois son avant-projet de loi budgétaire triennal (2012-2015).

Alors que les marchés financiers bruissent de rumeurs sur une restructuration générale de la dette grecque, contrées par des démentis quasi-quotidiens d’Athènes, de nouvelles mesures d’austérité sont d’ores et déjà anticipées. La première vague l’an dernier avait conduit à une baisse des salaires des fonctionnaires et des retraites.

Ces mesures ont permis au pays de réduire fortement son déficit budgétaire, mais ont accéléré la récession qui se traduit par une forte augmentation du chômage et de l’inflation.

“Tout le monde est un peu responsable en Grèce” se désole Chris Bossinakis, le mari de Maria, employé dans un parc municipal: “Nous avons trop consommé depuis 10 ans, nous avons vécu à crédit auprès des banques”, et maintenant “nous perdons tous nos emplois, ceux qui travaillaient dans le textile, dans l’industrie, même les employés municipaux” (…) “Notre modèle social est fichu, c’est le capitalisme qui a gagné”.