Tunisie – Chômage : Les bureaux d’emplois mis à l’index

demandeurs-emploi-bnec.jpgLa lutte contre le chômage est l’un des plus grands chantiers auxquels les
autorités font face actuellement. En Tunisie, on compte 500 mille chômeurs dont
157 mille diplômés de l’enseignement supérieur, une catégorie composé
essentiellement des plus ou moins trente ans. Des jeunes en âge actif qui
réclament un droit au travail. Mais la Tunisie est-elle actuellement en mesure
de satisfaire à toutes ces demandes? On a beau lancer des programmes, créer des
mécanismes pour booster le marché de l’emploi, mais ça ne marche pas, car on ne
s’est pas attaqué au fond du problème, celui de tout un appareil éducatif qui a
montré ses limites.

Des limites qui ont fait que les compétences se font de plus en plus rares,
soulignent les entreprises. Ce ne sont plus les diplômes qui donnent accès au
marché de l’emploi mais les qualifications et le savoir-faire pratique. Deux
exigences que les entreprises considèrent comme indispensables. On parle alors
de formation sur le tas face à une formation théorique qui ne répond pas, dans
certains cas, aux besoins du marché.

Dans cette période transitoire que vit la Tunisie, où la dynamique économique
s’est ralentie et où les revendications de tous genres se sont multipliées, la
création de nouveaux emplois ne se fera pas dans l’immédiat. On a longtemps
débattu de l’intérêt d’une bourse de chômage pour régler, ne reste que
temporairement la problématique des diplômés chômeurs. C’est dans ce cadre qu’a
été annoncé, en février 2011, un programme dénommé «Amal», proposant un ensemble
de mesures sensées promouvoir l’emploi des diplômés de l’enseignement supérieur
et de la formation.

Recherche dynamique de l’emploi…

Une bourse ou ce qu’on a appelé une allocation a été proposée par le
gouvernement pour une période d’une année pour les diplômés du supérieur. Durant
la première semaine d’ouverture du programme, les bureaux de l’emploi ont reçu
30 mille dossiers. Un chiffre serait largement dépassé près d’un mois du
lancement du programme, même si on n’a pas voulu nous le communiquer. Les
Bureaux de l’Emploi et du Travail Indépendant travaillent à l’arrache-pied pour
recevoir les demandes et répondre aux interrogations.

Rappelons que 50 mille jeunes diplômés bénéficieront de cette bourse ainsi que
d’une couverture sociale, sélectionnés sur la base de la période de chômage, le
statut social et le niveau de développement économique de sa région. Un comité
de suivi des programmes a été créé pour piloter les opérations de sélection.

Mais si cet engouement est aussi fort, il faut aussi savoir qu’il ne s’agit que
d’une solution provisoire, ayant pour but d’accompagner les jeunes sélectionnés
dans leur recherche d’emploi. On prévoit des formations dans diverses
spécialités, mais aussi des stages dans les entreprises qui pourront amener à
des recrutements. «Il faudra que le jeune chômeur comprenne que cette allocation
servira à lui faciliter la recherche d’emploi et à acquérir les compétences
nécessaires pour s’intégrer au marché du travail. La responsabilité pèse
essentiellement sur lui pour une recherche dynamique de l’emploi», nous affirme
une source à l’Agence nationale de l’emploi et du travail indépendant (ANETI).

Rôle des bureaux d’emploi…

Maintenant, interrogerons-nous sur le véritable rôle des bureaux de l’emploi.
Durant les jours qui ont suivi le 14 janvier 2011, les bureaux d’emploi ont été
parmi les cibles d’attaques, perçus comme le symbole de l’ancien régime et comme
un instrument qui n’a pas réussi à absorber le nombre important de diplômés
chômeurs. Certains auraient même été mis à feu et d’autres pillés. des employés
auraient également été victimes d’agressions verbales. «Nous étions choqués.
Nous nous sommes demandés: est-ce qu’on a mal présenté le bureau d’emploi?
Est-ce qu’on a mal communiqué?», a lancé notre source.

Il faut souligner que le bureau d’emploi a été considéré comme le premier
interlocuteur pour les jeunes diplômés mais aussi celui auquel on ne donnait pas
assez de confiance, considérant qu’il n’accomplit pas son rôle, celui de trouver
l’emploi. Sur cette question, il y a certes un manque de communication entre les
jeunes diplômés et cet organisme public. Le bureau d’emploi est un
intermédiaire, dira l’ANETI. Il sert de facilitateur entre l’employeur et le
chercheur d’emploi. Il n’est point un pourvoyeur de postes d’emploi.

La mauvaise image découle également des mauvaises manœuvres qui ont concerné
plusieurs mécanismes qui devaient promouvoir l’emploi des jeunes diplômés. Selon
l’ANETI, ces dépassements existent dans certaines entreprises mais ne doivent
pas être généralisées. «Le problème ne concerne pas les mécanismes mais plutôt
les mauvaises manœuvres. Les aberrations et les dépassements existent bel et
bien. C’est du rôle du bureau d’emploi de conseiller le chercheur d’emploi dans
ses choix et de l’accompagner dans sa démarche puisque ses conseillers ont une
connaissance plus approfondie du marché et des dépassements qui existent. Mais
faudra-t-il aussi que celui-ci s’adresse à nous», indique notre source. Une
stratégie de communication serait, nous dit-on, en cours de préparation pour
informer plus profondément sur les fonctionnalités des bureaux d’emploi.

Image de la fonction publique…

D’un autre côté, l’accès à la fonction publique a longtemps constitué un
privilège pour certains qui avaient soit les moyens financiers, soit des gens
bien placés. Ces abus qui entouraient les concours d’entrée suscitaient toujours
la rage des jeunes diplômés qui y voyaient la manifestation de la corruption
dans l’administration tunisienne, vu les privilèges dont bénéficient les
employés de la fonction publique. Une image que les autorités essayent
actuellement de rompre. 24 mille postes sont prévus par le programme Amal: on
compte 14 mille qui seront intégrés par voie de concours, et se dérouleront dans
toutes les régions, «garantissant la transparence et l’égalité des chances entre
les candidats», insiste-t-on. Les 10 mille restants seront sélectionnés dans le
cadre du système de préparation au travail dans la fonction publique, consistant
à suivre des stages dans les institutions publiques, tout en ayant la priorité
dans le recrutement. Ils bénéficieront d’une allocation de 200 dinars et d’une
couverture médicale durant la période de formation.

Ceci étant, d’aucuns pensent que le développement de l’investissement et
l’installation des grandes entreprises étrangères pourraient changer cette image
de la fonction publique considérée jusque-là comme un emploi sûr qui ne demande
pas beaucoup d’effort. Les avantages qu’accordent certaines entreprises
dépassent largement ceux de la fonction publique. Les experts du marché de
l’emploi le reconnaissent. Le secteur privé s’intéresse particulièrement à la
valorisation des compétences. Le plan de carrière étant un élément essentiel de
réussite.

La bataille pour l’emploi est l’affaire de tous. Dans le contexte actuel, la
création d’emplois est une priorité pour l’économie tunisienne.