La Tunisie au menu du conclave parisien de l’IPEMED

reuin_08032011-art.jpgComme c’est l’usage, depuis son lancement dans le sillage du projet élyséen
relatif à l’Union pour la Méditerranée(UPM), l’Institut de prospective
économique du monde méditerranéen (IPEMED), dont l’ambition, nous dit-on, est de
rapprocher les deux rives de la mer intérieure, d’encourager la circulation des
compétences et des personnes, de faciliter les mobilités inter et
intra-entreprises et de travailler à l’intégration régionale, a organisé, le
vendredi 4 mars 2011, à la Closerie des Lilas, «le petit-déjeuner de la
Méditerranée», sous le thème «des Economies du Maghreb face à la crise». Afin de
débattre de manière informelle et conviviale des événements historiques en cours
à la lisière du continent européen. Mais l’ombre de la Tunisie et de la
“Révolution du jasmin” étaient là, suspendues aux lèvres de tous les convives.
Car la démission récente de Madame Elizabeth Guigou, ex-garde des Sceaux sous
Mitterrand, du Conseil d’Administration d’IPEMED, liée, affirment certaines
sources, au statut de mécène de Aziz Miled (décidemment son nom est dans toutes
les sauces) au sein de ce think tank euro-méditerranéen, continue de susciter
les controverses et les interrogations dans le microcosme parisien.

Sous l’égide de Jean-Louis Guigou, délégué général d’IPEMED et figure familière
des réseaux socioprofessionnels tunisiens (entrepreneurs, financiers,
investisseurs, experts comptables…) et transméditerranéens, le débat fut lancé
tout de suite après l’intervention de Jacques Mistral, président de la Société
d’économie politique, directeur des études économiques à l’IFRI, qui a mis
l’accent sur la soudaineté des événements survenus en Tunisie, le réveil des
peuples longtemps déconsidérés, soumis à des régimes à forte tonalité
coercitive, la faillite des analyses savantes, la déroute des cyniques, de
droite comme de gauche en France, qui se sont, dit-il, gravement laissés prendre
et les conséquences du printemps arabe sur les rapports Nord-Sud, désormais à
l’aube d’une nouvelle ère, de nouvelles lignes sécuritaires et de refondations
cognitives inéluctables.

«Qui attendait de la Tunisie une révolution aussi subite, une incantation aussi
tragique, une source d’espoir aussi romanesque, une réappropriation du pays. De
la politique. Du débat. De la liberté. Du rêve. Du destin. De l’avenir. De
l’honneur. Perdu. Pendant deux décennies. Dans les méandres d’une ploutocratie
gloutonne, vorace et prédatrice à volonté», répétait à l’envie l’intervenant,
pour qui le monde, actuellement, se transforme plus rapidement qu’on ne le croit
et rejette comme des épaves tous ceux qui ne se transforment pas au même rythme
que lui.

Les dictatures du sud de la Méditerranée, déclare notre interlocuteur, payent
aujourd’hui la facture d’une paupérisation de larges pans des classes moyennes,
la misère endémique d’un espace rural délaissé, dévalorisé, méprisé, les
pots-de-vin, véritable gangrène au cœur du tissu économique et le matraquage
systématique d’une intelligentsia, qui a compté ses mots, pendant des décennies,
pour garder sa liberté.

De son côté, Mouhoud El Mouhoud, professeur d’Economie à l’université Paris
Dauphine et membre du comité scientifique d’IPEMED, après avoir salué les
transformations sociales en cours au sud de la méditerranée, a appelé la Banque
centrale européenne et la Banque européenne d’investissement (BEI) à proposer,
au plus vite, des mécanismes de soutien aux acteurs et institutions économiques
tunisiens. Afin d’adresser, dit-il, un signal clair aux marchés financiers et
aux agences de notation, dont certaines ont salué (sic) le processus de
démocratisation, la dignité recouvrée et les aspirations populaires en dégradant
la note souveraine de la Tunisie.

Il est urgent, insiste encore M. Mouhoud, pour qui le chiffon rouge de
l’islamisme ne tient plus la route pour justifier un quelconque attentisme de la
part des pays du nord, de réunir un Conseil européen exceptionnel pour prendre
la mesure de la situation au sud de la Méditerranée, d’accompagner, sans
paternalisme, la période transitoire, prélude à l’organisation d’un scrutin
libre et transparent et décider, finalement, d’une politique de voisinage aussi
ambitieuse et volontariste que celle qui a vu le jour après la déconfiture des
régimes communistes en Europe de l’Est.