Tunisie : Arrêtons!

Avec toutes ces manifestations, revendications qui sortent de toute part, les
hésitations du gouvernement provisoire dans ses positions ou ses prises de
décisions, et le rôle que jouent ou veulent jouer la centrale syndicale et les
partis d’opposition; on finit par se demander si pour le gouvernement, les
politiques, la société civile et l’ensemble de la population tunisienne, les
priorités au lendemain de la révolution sont suffisamment claires.

Dans cette période très particulière de transition, il y a probablement ce qu’on
devrait faire et ce qu’on devrait s’interdire de faire.

Son rôle:
– Les mesures urgentes en faveur des régions défavorisées,
– Les décisions permettant d’assainir les institutions publiques,
– La mise en place d’une nouvelle Constitution et la préparation des futures
élections,
– La gestion courante du pays, en attendant le futur gouvernement qui sortira
des prochaines élections,
– Toutes les actions qui n’attendent pas et qui sont censées soutenir la reprise
économique du pays.

Et ce qui devrait être évité:
– La signature de tout accord pouvant engager le pays à long terme,
– L’adoption de textes législatifs non nécessaires à la gestion courante du
pays,
– D’avaliser ou de signer des accords salariaux ou d’accorder des avantages au
profit de corps de métiers, d’entreprises ou de secteurs d’activités au cours de
cette période de transition,
– De prendre des décisions dans la précipitation ou sous la pression de
mouvements sociaux.

Nous devrions éviter que cette révolte, pour la dignité et contre la corruption,
soit prise en otage par quelques opportunistes de la révolution, qui profitent
de la situation pour obtenir des avantages individuels ou tout simplement régler
des comptes, faisant fi des intérêts de leurs institutions, de leurs entreprises
et de leur pays.

Dénoncer, sauvegarder l’archive des institutions, désigner les dérives, oui…
mais d’une manière organisée et en s’interdisant de mettre en priorité ses
intérêts personnels immédiats ou de se laisser entraîner dans des actions
manipulées. Quel Etat de droit pouvons-nous instaurer quand la plupart de ces
mouvements font tout pour obtenir gain de cause dans la confusion totale et à
l’encontre des règles de droit; ces mouvements veulent notamment décider à la
place des instances de gestion normales des entreprises publiques, à
participation publique ou même privées, et en leur absence (Conseils
d’administration, dirigeants ou les instances patronales).

L’UGTT devrait peut-être commencer par consolider, organiser et maîtriser ses
structures, et définir ses priorités. Laisser échapper tous ces mouvements ne
servira qu’à hypothéquer et à plomber le présent et l’avenir du pays. Ces
revendication qui partent dans tous les sens ne peuvent pas attendre le temps
que les institutions se remettent sur pied, qu’un gouvernement soit élu et que
le pays puisse retrouver une visibilité.

Avec tous ces mouvements qui sortent de toute part, on en finit presque par
oublier Sidi Bouzid, Kasserine et les régions défavorisées, berceau de cette
révolution.