La Grande-Bretagne se débat toujours avec les bonus de ses banquiers

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à Bruxelles, le 16 décembre 2010 (Photo : Eric Feferberg)

[05/10/2010 12:31:28] LONDRES (AFP) Les dirigeants britanniques multiplient les déclarations martiales sur leur volonté de limiter les bonus des banquiers, dont les montants ont choqué l’opinion, mais leur insistance à en parler pourrait être proportionnelle à leur impuissance à les contrôler.

Le Premier ministre conservateur David Cameron a assuré mardi qu’il ne resterait pas “à ne rien faire” face au retour de bonus astronomiques. “Les gens vont être en colère parce qu’ils voient que les banques sont hors de contrôle”, a-t-il dit.

Il réagissait à une étude du cabinet privé CEBR selon laquelle les bonus de la City atteindront cette année 7 milliards de livres (8 milliards d’euros), loin de leur pic de 2007 (12,7 milliards d’euros) mais équivalents au niveau de 2004.

Deux ans après le déclenchement de la crise ayant ébranlé le système financier mondial, et donc la City de Londres qui en est un des pivots, la rémunération des banquiers reste un thème obligé des discours des ténors du nouveau gouvernement alliant conservateurs et libéraux-démocrates.

Les congrès de rentrée des deux partis, des événements politiques très suivis, en ont fourni l’illustration.

Lundi, le ministre des Finances George Osborne a assorti son discours, centré sur la nécessité de coupes budgétaires drastiques, d’une mise en garde: “Nous ne laisserons pas l’argent couler sans retenue des banques pour se transformer en énormes bonus si l’argent ne coule pas aussi dans les crédits aux entreprises”.

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éunion des tories à Birmingham (Photo : Andrew Yates)

M. Osborne s’est toutefois gardé d’annoncer de nouvelles mesures de régulation, les dirigeants britanniques réclamant en outre à ce sujet une meilleure coordination de la communauté internationale.

Fin septembre, une des vedettes des “Lib-dems”, le ministre du Commerce Vincent Cable, avait fait sensation en s’en prenant aux “filous” qui “se sont octroyés des bonus scandaleux grâce à la garantie du contribuable”, l’Etat ayant dû injecter des milliards de livres pour sauver certaines banques.

Le chef de son parti, Nick Clegg, a lui aussi montré ses muscles et promis que le gouvernement “agirait sérieusement” contre le retour de “bonus ridiculement élevés”.

Pour Tony Travers, de la London School of Economics, “la rhétorique sur les bonus est devenue un gadget utilisé par les hommes politiques pour montrer qu’ils sont en phase avec l’opinion. Mais ils savent qu’ils ne peuvent pas faire grand chose”.

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à Bruxelles le 9 mai 2010 (Photo : Georges Gobet)

L’ex-ministre travailliste des Finances, Alistair Darling, vient de le reconnaître. La taxe de 50% imposée par son gouvernement sur les bonus supérieurs à 25.000 livres “a été un échec” et ne devrait pas être reconduite, a-t-il admis. Le problème, selon lui, “c’est que l’on traite avec des gens très imaginatifs qui trouvent toujours une porte de sortie”.

Car si les bonus ont bien été taxés, rapportant plus de 4,5 milliards d’euros à l’Etat en 2010, les banques ont simultanément augmenté la partie fixe du salaire de leurs traders.

La banque américaine Goldman Sachs a ainsi discrètement levé cet été la limite d’un million de livres qu’elle avait elle-même imposée aux rémunérations de ses employés londoniens. Justification avancée: les meilleurs partaient à la concurrence.

Les banques n’hésitent pas à brandir une arme du même type: celle d’une délocalisation de leurs sièges -et des milliers de gros salaires qui vont avec- vers des cieux fiscaux plus cléments, qu’ils soient suisses, irlandais ou asiatiques.

La menace est efficace. “L’économie britannique reste très dépendante du secteur financier” dont le pays ne peut plus se passer, rappelle Tony Travers. “Par quoi le remplacer? Personne n’a trouvé la réponse”.