Economie-Notation : La Chine sort le carton «jaune»

La Chine dégrade les notes «AAA» des plus grandes économies du monde. Ce
rating-sanction prend l’allure, en temps de Mondial, d’un penalty sévère.

Coup de tonnerre. L’agence chinoise de notation provoque un séisme dans
l’univers trop délicat -trop miné ?- de la notation en reléguant les notes des
principales économies de la planète de triple A à «AA». Dadong Global Credit
Rating, d’un coup de torchon sec, vient de reléguer l’Amérique, l’Allemagne, la
France et l’Angleterre, le dessus du panier, en somme, à double «A». Crime de
lèse majesté ou appréciation juste et rationnelle ?

Le Triple A : une prime au laxisme financier

Le peloton de tête dans le hit parade des Etats à économie avancée bénéficiait
grâce au triple A d’une marge de risque ultra réduite. Ils pouvaient s’endetter
sur le marché à peu de frais. Or, nous savons que beaucoup d’entre eux
bénéficiaient indument de cet avantage compte tenu de leur déficit obéré et de
leur endettement élevé.

Les Etats-Unis, en dépit de leurs déficits jumeaux, continuent à refinancer leur
dette à des conditions éhontées, tant elles sont bon marché. La Grèce, du fait
du travail de toilettage délictuel des «maquilleurs» de Goldman Sachs, a pu
assurer à ses citoyens un standing auquel ils n’ont pas droit.

Beaucoup d’observateurs vivaient cette «injustice» comme une prime à l’égoïsme
et au laxisme financier. L’obligation allemande à 10 ans est à 300 points de
base. A l’heure actuelle, la marge de risque pour les pays en développement
avoisine 200 points de base. Quelque part, il y a une injustice flagrante. Les
déficits de ces pays sont exorbitants et sont à l’origine de changements
politiques parfois très significatifs. Les «Tories» anglais sont revenus au
pouvoir avec pour objectif premier de juguler la dette et de réduire les
déficits publics.

Les autres pays sont tellement conscients de la dérive de leurs déficits et de
l’ampleur de leur dette que ces pays s’effraient eux-mêmes du poids du legs
financier qu’ils vont laisser aux générations futures. C’est notamment le cas de
la France et des Etats-Unis.

Les excès d’un organisme «officiel»

Dadong se présente au monde avec cette mise à l’index des «puissances
impérialistes», et ce doigt pointé contre les puissances occidentales peut être
noyé dans l’accusation d’une volonté revancharde. On voyait depuis longtemps la
Chine, devenue «Usine du Monde» -titre porté par la Grande-Bretagne du temps de
sa gloire lors de la révolution industrielle-, ruminer sa colère contre cette
oligarchie de puissances impérialistes et hégémoniques. On peut toujours dire,
dans la pure tradition de la guerre froide, que cette relégation de rating est
une simple affaire de règlement de comptes. Et qu’elle est à l’instar de ce
qu’on disait de certaines dépêches de la Pravda (la vérité) -l’organe de presse
soviétique officiel- qu’elles sont à caractère inféodé au régime. La première
sortie mondiale de Dadong peut être donc barbouillée du caractère idéologique.

L’erreur fatale

Le «comrad» Guan Zianzhong, «patron» de l’agence chinoise de notation, avait
invoqué le pourquoi du déclassement des économies en question le motif de
«corriger les défauts» des systèmes actuels de notation et «fournir une
alternative à celui-ci». En choisissant cet angle de tir, il se met dans une
posture «hostile». L’ennui est que l’appréciation majeure qu’il avance est que
«la crise financière mondiale et la crise de la dette européenne ne reflètent
pas correctement la capacité de remboursement». Cette explication ne tient pas
la route «doesn’t make sens».

Pendant le pic de la crise, on a vu le dollar monter pour motif, tenez-vous
bien, de «flight to quality», les pays du monde entier ont majoritairement
converti leurs réserves de change en dollars parce qu’ils considéraient que le
risque US était meilleur que tous. Alors reléguer l’Amérique au rang AA est un
peu à contresens du mouvement général. Comment ne pas tenir compte du fonds de
solidarité voté par l’Union Européenne et donner à penser que l’Espagne et
l’Italie ne seront pas assistées comme l’a été la Grèce ? Reléguer la
Grande-Bretagne au rang AA- est aussi à contre-courant compte tenu des mesures
drastiques de réduction du déficit décidées par le gouvernement de David
Cameron. On peut en citer d’autres. La sagesse chinoise veut que l’on tourne sa
langue dans sa bouche sept fois avant de parler. On croit que cette consigne n’a
pas été, cette fois, respectée.