La colère des actionnaires d’UBS risque de se généraliser en Suisse

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ège d’UBS à New York, le 15 avril 2009 (Photo : Timothy A. Clary)

[15/04/2010 14:51:57] ZURICH (Suisse) (AFP) La colère des actionnaires d’UBS, qui ont refusé de blanchir l’ancienne direction pour les déboires de la banque et ses bonus faramineux, pourrait bien se répercuter à d’autres groupes suisses, avertissaient jeudi les spécialistes.

Fait sans précédent, les quelque 4.700 actionnaires réunis mercredi en assemblée générale (AG) à Bâle ont lancé un avertissement cinglant à la direction de la banque.

Après avoir approuvé de justesse le rapport de rémunérations pour 2009 qui incluait également les bonus ainsi que les exercices 2008 et 2009, les actionnaires ont refusé à 52,75% d’accorder la décharge pour l’année 2007, c’est-à-dire de blanchir l’ancienne direction pour cet exercice.

Et pour cause. Il y a trois ans commençaient les déboires financiers et juridiques d’une banque considérée comme le fleuron du secteur, qui allaient se solder par une perte abyssale en 2008 de 21,3 milliards de francs suisses, la plus importante jamais enregistrée dans l’histoire de la Confédération.

Les ex-patrons peuvent désormais être attaqués en justice pour les pertes dans la crise des subprimes et les déboires judiciaires aux Etats-Unis, où UBS est accusée d’avoir aidé de riches contribuables à frauder le fisc.

Les actionnaires “ont clairement voulu punir (l’ancien président) Marcel Ospel, il s’agit d’une décision dirigée contre” l’ex-patron du groupe, accusé d’avoir précipité la banque au bord de la faillite, estime Peter Viktor Kunz, professeur d’économie à l’université de Berne.

L’action est avant tout “symbolique”, insiste le professeur, interrogé par l’AFP. Car le conseil d’admnistration a clairement fait savoir qu’il ne poursuivrait pas les anciens dirigeants. Cette position pourrait toutefois évoluer si les actionnaires décidaient de porter ce point devant la prochaine AG.

“Si les actionnaires devaient voter en faveur d’une action en justice, alors la banque sera obligée de porter plainte”, explique M. Kunz.

Ce dernier a cependant écarté une action en justice à l’initiative d’un seul petit porteur, “trop coûteuse”, et d’un grand actionnaire comme le fonds souverain singapourien GIC, en raison de “la mauvaise publicité”.

Mais ce que les médias suisses ont présenté comme une “gifle” à la direction d’UBS pourrait finalement avoir des conséquences positives pour le groupe. L’année dernière, la banque a redressé la barre et n’affichait plus qu’une perte de 2,7 milliards de francs suisses.

“La différence a été clairement marquée entre la nouvelle et l’ancienne direction”, estime Rainer Skierka, analyste à Sarasin. Le président Kaspar “Villiger et son équipe ont gagné la confiance” des actionnaires, tandis que l’ancienne direction de M. Ospel a été discréditée, explique-t-il.

Peter Thorne, analyste à Helvea, estime par contre que “le vote négatif représente autant de mauvaise publicité pour UBS” qui lutte pour retrouver la confiance de ses clients et arrêter l’hémorragie de capitaux.

La grogne des actionnaires pourrait même sonner le début d’une nouvelle ère en Suisse, selon M. Kunz, avec l’avènement d’un “activisme des actionnaires” tel qu’il est pratiqué aux Etats-Unis ou en Allemagne.

Et ce phénomène pourrait déborder vers les AG de Credit Suisse, Nestlé ou Novartis, où les actionnaires risquent de s’attaquer aux dirigeants et leurs bonus, jugés faramineux, prévient-il.

La très critique fondation Ethos, actionnaire d’UBS, a ainsi annoncé jeudi dans le journal Tages-Anzeiger qu’elle allait maintenant s’attaquer aux bonus de Credit Suisse lors de la prochaine AG de la banque.