Angoisse et morosité à Toyota-City, coeur de l’empire automobile japonais

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ège de Toyota le 8 février 2010 à Aichi (Photo : Kazuhiro Nogi)

[10/02/2010 07:09:03] TOYOTA-CITY (Japon) (AFP) “Quand Toyota tousse, c’est toute la ville qui s’enrhume”, dit-on à Toyota-City, mais la crise actuelle risque de se faire sentir bien au-delà de cette agglomération dédiée au géant mondial de l’automobile.

Premier groupe japonais, Toyota, qui emploie plus de 300.000 personnes dans le monde, a longtemps été source de fierté pour le Japon.

Ses voitures sont utilisées par des millions de Japonais, de la famille impériale jusqu’au Premier ministre en passant par les chauffeurs de taxi.

Mais la crise qui a conduit le géant à rappeler près de neuf millions de véhicules dans le monde pour des problèmes d’accélérateur et de freins angoisse profondément les habitants de Toyota-City, située dans la région de Nagoya (centre).

“La crise économique nous avait frappés à l’estomac et juste au moment où nous pensions que la demande mondiale allait reprendre, nous prenons un nouveau coup avec les rappels. Mais cette fois en pleine figure”, confie Kazuhiko Yamada, patron d’une petite société assurant la maintenance dans les usines du constructeur.

Appelée autrefois Koromo, l’ancienne cité textile a pris il y a cinquante ans le nom de l’entreprise créée juste avant la guerre par un enfant du pays, Kiichiro Toyoda, qui a transformé la fabrique familiale de métiers à tisser en usine automobile.

Le fondateur et sa lignée font l’objet d’un véritable culte et les habitants rechignent à critiquer ouvertement son petit-fils, Akio Toyoda, PDG du groupe depuis l’année dernière, mis en cause pour son manque de réactivité face à la crise des rappels.

“Il est ce que l’on peut attendre d’un dirigeant de troisième génération: il ne connaît pas le terrain. C’est comme un soldat qui sait tirer mais n’a jamais été au combat”, déclare un habitant, qui requiert l’anonymat en raison de son activité professionnelle liée au constructeur.

Située au coeur d’un réseau de fournisseurs liés par un serment de fidélité digne des samouraï, la société est devenue un véritable empire au cours de la seconde moitié du vingtième siècle, grand propriétaire foncier, actif dans la télécommunication, la publicité, l’assurance et le tourisme.

Tout ou presque lui appartient à Toyota-City, de la zone industrielle au stade de football, en passant par le musée de l’histoire de l’automobile. L’entreprise s’occupe de tout, organise les activités sportives du week-end et plante même des vergers pour ses employés partis en retraite.

“Toyota est le numéro un”, souligne Hatsue Aoyama, la tenancière d’un café fréquenté par des retraités du constructeur. “Avec tous ces problèmes, tout le monde est morose, c’est vraiment triste”.

De la destinée du constructeur dépend celle de nombreuses familles, dont les membres sont employés chez Toyota de père en fils.

“C’est grâce à Toyota que nous avons pu avoir des vies stables. C’est une sécurité mais aussi une fierté”, témoigne Rieko Iwai dont le beau-père, le mari et le fils sont d’anciens ou actuels employés de l’entreprise.

“Si j’avais un petit-fils, j’aimerais qu’il travaille chez Toyota. Cette société a des bases solides, elle ne s’écroulera pas si facilement”, ajoute-t-elle.

En taillant dans ses dépenses pour faire face à la crise économique mondiale, Toyota a toutefois mis au chômage des milliers d’employés temporaires, dont de nombreux immigrés qui ont dû rentrer dans leur pays.

William Yoshinori Honda, un immigré brésilien aux racines japonaises, a constaté une baisse de moitié de la fréquentation de son supermarché, dédié aux clients latino-américains.

“Comme les voitures Toyota sont magnifiques, les gens pensent souvent qu’il fait bon y travailler. Mais la réalité n’est pas toujours aussi reluisante”, confie-t-il.