Mieux que la Bourse ou l’or : l’ail chinois, dopé par la peur du H1N1

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é de Yichang (centre de la Chine), le 8 démbre 2009. (Photo : AFP)

[10/12/2009 10:42:30] SHANGHAI (AFP) Mieux que la Bourse, l’or ou l’immobilier, l’ail a vu son cours multiplié par 40 en un an en Chine, grâce en partie à une croyance, populaire mais infondée, selon laquelle il protègerait de la grippe H1N1.

Les cours de l’ail, tombés au plus bas ces deux dernières années, ont rebondi de façon vertigineuse ces dernières semaines en Chine, pays qui assure les trois quarts de la production mondiale.

L’ail valait, en novembre, 40 fois plus cher qu’un an auparavant sur les marchés de gros de la riche province agricole du Shandong (est).

Les prix ont vraiment commencé à grimper en septembre, explique Zhao Fangling, directeur d’une entreprise d’ail dans le bastion de l’ail chinois, le district de Jinxiang, dans le Shandong.

“Une telle hausse, c’est insensé”, commente-t-il.

Le récent succès de l’ail est lié à sa mévente depuis deux ans, et surtout l’an dernier, quand la crise économique a fait s’effondrer la demande et les prix, poussant les agriculteurs chinois à réduire les surfaces plantées.

Mais un facteur inattendu a dopé la demande: le virus H1N1, qui a fait 200 morts en Chine, presque tous en novembre. L’ail que l’on avait déjà paré de la vertu d’éloigner les vampires, s’est soudain vu attribuer une autre qualité: celle d’éloigner la grippe…

Des médecins traditionnels chinois ont enfoncé le clou, recommandant une consommation sans modération pour éviter la contagion.

Soucieux de préserver la santé de ses ouailles, un lycée de Hangzhou, dans l’est de la Chine, a donc stocké quelque 200 kilogrammes de la plante, proposée au déjeuner des enfants, pour renforcer leur système immunitaire, a raconté le China Daily.

Face au phénomène, un expert du Centre de prévention et contrôle des maladies de Pékin, est intervenu cette semaine pour prévenir “de l’absence de toute preuve scientifique de l’efficacité de l’ail ou du piment contre la grippe”.

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à Pékin, le 27 novembre 2009. (Photo : AFP)

L’ail n’en reste pas moins la nouvelle valeur sur laquelle se ruent les investisseurs, notamment ceux de Wenzhou (est), réputés pour spéculer sur tout, du charbon à l’immobilier à Dubai.

L’agence officielle Chine Nouvelle a affirmé cette semaine que les hommes d’affaires de Wenzhou avaient acheté pour quelque 4,8 millions d’euros de bulbes.

Ils rêvent d’un parcours à la Shao Mingqing, tel que raconté par le China Daily. Le jeune homme de 22 ans, sans emploi, a gagné en un mois près de 40.000 euros en achetant à crédit 100 tonnes d’ail en septembre, revendu un mois plus tard avec un bénéfice de 125%.

“J’ai entendu l’histoire d’un groupe d’ouvriers de Jinxiang qui a acheté plus de 700 tonnes à 0,2 yuan le kilo et l’a revendu à 3 yuans. Ils sont tous devenus millionnaires”, dit Chen Shuwei, analyste à Beijing Orient Agribusiness Consultants.

Chen estime aussi que des spéculateurs ont pu bénéficier du crédit facile des derniers mois en Chine pour investir.

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és sur un marché dans le centre de la Chine, le 8 décembre 2009. (Photo : AFP)

Les stocks d’ail de Jinxiang se sont réduits à 800.000 tonnes, à peine un peu plus de la moitié de l’année dernière, explique Zhou Xuefeng, un producteur qui est aussi un responsable communiste local.

Une situation radicalement inverse de celle de l’an dernier lorsque les négociants ont parfois été forcés de vendre leurs stocks moins d’un vingtième du prix payé, explique Zhou Xuefeng.

“Certains ont perdu tout l’argent de la famille”, dit-il.

Zhou estime que 400.000 tonnes d’ail pourraient manquer pour répondre à la demande cette année.

Les restaurants du pays commencent à regarder à la dépense. Certains n’offrent plus à volonté la petite coupelle d’ail haché sur la table.

“Le patron dit qu’on n’a plus les moyens d’en donner trop”, explique une serveuse à Shanghai.