Liban : le secteur commercial face à l’instabilité politique du pays

Beyrouth restera, malgré tout, la vitrine du Proche-Orient

Entre la guerre de juillet 2006, en pleine saison estivale, opposant la
résistance islamique à Tsahal, les conséquences du sit-in de l’opposition dans
le centre-ville pour protester contre l’unilatéralisme du gouvernement Séniora,
les mesures de sécurité draconiennes adoptées lors des séances de la conférence
du dialogue national ou pendant les réunions du Conseil des ministres, les
heurts parfois sanglants entre les partisans de partis politiques rivaux, les
commerçants beyrouthins perdent leur latin, subissent les affres de la
déstabilisation, revoient leur comptabilité à la baisse, dénoncent l’immaturité
politique d’un establishment, incapable de s’entendre, depuis l’issue du scrutin
du 7 juin, sur la formation d’un gouvernement d’Union nationale.
Comment le secteur commercial réagit-il face à un environnement aussi
imprévisible ? Comment s’organise-t-il pour maintenir le cap ? Assurer la
pérennité des affaires ? Et sur quelles bases s’emploie-t-il à planifier
l’avenir ?

L’accalmie est toujours salutaire

«Généralement, toute détente politique entre les différents protagonistes de la
scène libanaise se traduit immédiatement par une reprise économique instantanée,
un emballement de la consommation et un retour en force de la diaspora au pays»,
déclare Jacques Atamian, président des établissements du même nom, qui a mis
l’accent, à l’occasion d’une rencontre avec des expatriés, sur la stratégie des
commerçants libanais, fondée sur la diversification de la gamme des produits à
vendre, la multiplication des points de vente et la projection au-delà des
frontières (Syrie, Jordanie, pays du Golfe) afin de renforcer le réseau des
magasins de détail, d’endosser à la fois le rôle d’importateur et de
distributeur et parer ainsi, dit-il, au problème du rétrécissement de la marge
des bénéfices.

Pour Dany Hitti, PDG du Cercle Hitti, un holding familial spécialisé dans
l’importation des marques prestigieuses, il est impensable de voir le
centre-ville de Beyrouth, le cœur battant des affaires, obéir aux agendas de
l’establishment politique, soucieux surtout de sa sécurité, n’hésitant pas à
tout bloquer durant leurs conciliabules, lésant au passage, insiste-t-il, les
intérêts des patrons de commerce, pour qui, le total des mois ouvrables se
compte désormais, pour les deux dernières années, sur les doigts d’une seule
main.

Au fait, malgré la conjoncture d’exception du pays du Cèdre, le Cercle Hitti,
nous dit-on, a réussi à préserver son rythme de croissance, à augmenter
sensiblement son chiffre d’affaires, à la grande satisfaction des fournisseurs
occidentaux.

«Les maisons-mère ont tendance à oublier le positionnement du Liban
géopolitique, la vulnérabilité de son équation interne et la fragilité d’une
région proche-orientale, au cœur de toutes les passions religieuses et
idéologiques. Ce qui leur importe le plus, c’est d’atteindre un certain chiffre
d’affaires. Ce chiffre ne connaît pas de plafond», conclut notre interlocuteur
avec une note d’humour.

Confiance et optimisme

Finalement, toutes les grandes entreprises libanaises sont rompues aux aléas des
circonstances exceptionnelles du pays, elles ont grandi au fur et à mesure des
explosions de violence dont Beyrouth a le secret depuis des décennies.
Aujourd’hui, dans les moments difficiles, distributeurs, détaillants et
grossistes évoluent, deviennent coopératifs, se serrent les coudes, mettent en
place des délais de paiement et acceptent bien volontiers le concept du retour
des produits.

Tony Salamé, propriétaire de l’enseigne Aishi, cantonné dans le prêt-à-porter, a
eu l’idée de voler au secours de ses voisins, opérateurs au centre-ville, les
commerçants les plus malmenés au Liban en raison de leur proximité avec les
bâtiments publics (sérail, parlement…), en créant à leur intention un fonds
d’assistance dont le mécanisme de fonctionnement, d’après certaines sources
patronales, est en passe d’être finalisé.

Il souligne aussi l’importance stratégique, pour les hommes d’affaires libanais,
d’exporter leur savoir-faire à l’étranger avec une base solide dans la mère
patrie.