Secret bancaire : le ton vire au rouge entre la Suisse et l’Allemagne

[19/03/2009 18:59:19] ZURICH, Suisse (AFP)

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à Berne (Photo : Fabrice Coffrini)

Les relations entre la Suisse et l’Allemagne tournent au pugilat après les attaques multiples de Berlin contre le secret bancaire helvétique, à deux semaines de la réunion du G20 qui doit publier une liste noire des paradis fiscaux.

Le ton s’est à tel point dégradé ces derniers jours que le ministre allemand des Finances, Peer Steinbrück, chef de fil des critiques, a affirmé jeudi avoir reçu des menaces venues de Suisse.

“Je reçois des lettres de menaces qui viennent de Suisse et suis traité de nazi. C’est absolument disproportionné et inadmissible”, s’est indigné M. Steinbrück dans le journal allemand Süddeutsche Zeitung.

La veille, un député suisse du parti démocrate-chrétien (PDC), Thomas Müller, avait estimé que le ministre lui rappelait “cette génération d’Allemands qui, il y a 60 ans, parcouraient nos rues vêtus d’imperméables en cuir, de chaussures montantes et avec un brassard”. Une allusion claire au régime nazi.

Face à ces attaques verbales, le ministre suisse des Finances Hans-Rudolf Merz a appelé jeudi au calme, affirmant que ces problèmes ne pouvaient être résolus “par des injures”. “Nous devons être prudents et retenir nos émotions”, a-t-il dit.

Excédé par les pratiques fiscales suisses qui attirent des milliers de contribuables européens souhaitant échapper à leur fisc national, le ministre allemand, connu pour son ton cassant, avait ouvert les hostilités samedi en comparant la Suisse aux “Indiens qui fuient devant la cavalerie”, face aux menaces de figurer sur la liste noire.

Cette référence au far-west a provoqué un tollé général dans la Confédération.

Les journaux ont été inondés de commentaires acerbes sur le ministre, “l’Allemand qui veut notre peau” (Le Matin) et dont les “rêves déçus” lui ont donné “mauvais caractère” (24 Heures). Berne a jugé la comparaison “insultante et totalement indéfendable”, et convoqué derechef mardi l’ambassadeur d’Allemagne pour lui signifier sa colère.

La fureur des autorités helvétiques a été d’autant plus vive que la Suisse venait de faire des concessions sur son secret bancaire, parallèlement à plusieurs pays européens.

Vendredi, M. Merz avait annoncé que la Confédération allait se conformer aux standards de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en matière de fiscalité, ouvrant une brèche dans son secret bancaire.

Par ce geste, la Suisse espérait éviter de figurer sur une liste noire des pays non coopératifs en matière de fiscalité qui doit être discutée lors du sommet du G20, le 2 avril à Londres.

Après avoir révélé samedi que la Confédération figurait malgré tout sur un projet de liste, M. Merz a assuré jeudi que le gouvernement continuait à vouloir “empêcher” qu’elle y soit inscrite définitivement.

Mais la tâche s’annonce difficile car la pression n’a pas faibli. Au contraire.

La France, qui accompagne l’Allemagne dans sa croisade contre les paradis fiscaux, est également montée au créneau mercredi. Le ministre du Budget Eric Woerth a indiqué que le gouvernement français allait “bloquer” la signature de la convention fiscale entre la France et la Suisse, le temps que Berne amende ces accords conformément à ses nouveaux engagements.

La chancelière allemande Angela Merkel a ajouté sa voix jeudi en appelant à “nommer les responsables” en matière de paradis fiscaux.