Omar Dehissy : «Il est important que tous les maillons de la chaîne du tourisme médical soient irréprochables»

« Les enjeux du tourisme médical sont énormes, il faut passer
à la vitesse supérieure » déclare Amor Dehissy, gérant d’Estetika Tour. Un des
pionniers du tourisme médical en Tunisie. Il s’exprime au sujet de la
concurrence déloyale, des objectifs à atteindre et en appelle à la création d’un
conseil supérieur du tourisme médical.

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: Vous êtes leader sur le créneau du tourisme médical en Tunisie. Comment se
conçoit un tel projet ? Quel est l’état des lieux ?

Amor Dehissy : Esthétika tours est pionnier et leader sur le marché du
tourisme médical esthétique. Elle a été lancée en mars 2004 directement sur
Internet. Nous avons défini toutes les procédures de travail et mis au
point les normes de services qui n’existaient pas et que nous ne cessons
d’améliorer pour être au niveau des normes internationales. Nous sommes
actuellement 12 personnes entre bureau et terrain. Le secteur connait une
forte croissance mais reste en deçà des espérances à cause de l’hostilité
des médecins européens qui dissuadent leurs concitoyens à se faire soigner
à l’étranger et nous opposent le problème du suivi postopératoire.

Par ailleurs et depuis notre lancement, il n’y a pas moins de 40 sociétés
de services qui vivotent aujourd’hui sur le net mettant en danger tout le
secteur. Officiellement et travaillant dans les règles de l’art, nous ne
sommes que deux agences de voyages. Notre métier est une profession
réglementée soumise à la licence d’agence de voyages.

Les autres opérateurs que l’on trouve sur le net travaillent dans
l’illégalité. Ce sont des sociétés qui font tout et n’importe quoi,
outrepassant la loi, refusant de s’y soumette et par conséquent tirant la
marché vers le bas. C’est un secteur très fragile où ni l’amateurisme ni
l’approximatif n’a sa place .J’en ai personnellement référé à
l’administration Tunisienne. Des mesures semblent en voie d’êtres prises.

Les agences de voyages sont soumises à un cahier de charges très
particulier qui les autorise à organiser ce type de voyage. La pratique
médicale et des soins intégrés au secteur du tourisme restent encore assez
flous en l’absence de textes spécifiques ?

Tout est clair au niveau législatif. Quand un patient vient dans notre
pays, il va avoir à faire à une clinique soumise à un agrément délivré par
le Ministère de la santé, de même pour le médecin qui est inscrit au conseil
de l’ordre. La compagnie aérienne, autant que l’hôtel ont un agrément. Idem
pour l’agence de voyages. Finalement tous les fournisseurs de services ont
des rôles prévus par la loi et sont soumis à agrément. Le problème est
l’application de cette loi. Je compare souvent ces sociétés de services à
des vendeurs à la sauvette qui tirent le marché vers le bas. Ces sociétés se
trouvant allégées de frais très lourds (assurances, fiscalité,….) et nous
font une concurrence déloyale. Ne maîtrisant pas le métier, elles baissent
les prix, dénigrent la concurrence et les médecins pour pouvoir survivre.
Elles nuisent à l’image de notre industrie. S’il n’y a pas une intervention
urgente pour stopper ces comportements irresponsables, nous allons droit au
mur.

Quel impact sur la qualité de services et y a-t-il des bradages ?

Dans les pays émetteurs de patients internationaux, ce qui est perçu
c’est l’image globale de toute la destination et non de tel ou tel
prestataire de service. Il est donc important que tous les maillons de la
chaîne du tourisme médical à savoir, chirurgiens, cliniques, compagnie
aérienne, hôtels et agences de voyages délivrent, pour ces patients
internationaux, une qualité de service aux normes internationales.
Aujourd’hui, je crains que cette qualité exigée par les patients ne soit pas
au rendez-vous et je tire la sonnette d’alarme.

Certains opérateurs de tourisme médical aussi bien sociétés de services
que cliniques ou chirurgiens sont en train de brader les prix et de nous
installer durablement dans le cercle vicieux de baisse des prix qui entraîne
la baisse de la qualité qui à son tour entraîne la baisse des prix.

A moyen et long terme, ce cercle vicieux ne peut que compromettre la
pérennité de cette industrie naissante.

Peut–être ne réalisent-ils pas que nous sommes dans un secteur de
concurrence mondiale très rude. Aujourd’hui, il y a d’une trentaine de pays
émergents qui souhaitent développer le tourisme médical. C’est un secteur
clé pour la Tunisie qui souhaite passer de la société traditionnelle vers la
société de savoir. Ce parasitage met en danger les choix stratégiques de
l’état.

Vous faites partie de ceux qui en appellent à la création d’un conseil
supérieur du tourisme médical. Où en est ce projet aujourd’hui ?

Absolument. C’est une idée que je défends ardemment. Dans tous les pays
du monde le tourisme médical est sous la tutelle du Ministère du tourisme et
de la Santé. De la coordination et du savoir travailler ensemble découle en
fait les choix stratégiques qui favorisent ou ralentissent le développement
de ce tourisme. A titre d’exemple, le Liban qui se veut l’hôpital du moyen
orient a créé un conseil supérieur du tourisme médical. L’Inde, la
Thaïlande, l’Afrique du sud ont tous fait de même.

Ce Conseil serait un outil administratif efficace pour développer les
exportations de services médicaux tunisiens et coordonner les actions des
ministères en question. C’est à travers ce conseil que l’on pourra non
seulement contrôler le secteur, mais aussi promouvoir toute la destination.

Il lui faut un budget conséquent pour être efficace et batailler pour se
faire une place parmi des destinations redoutables qui allouent des budgets
promotionnels énormes.

C’est maintenant que la guerre se fait. Les enjeux sont énormes. Cet
outil, pour qu’il soit hyper compétent, compétitif et percutant sera composé
de tous les intervenants dans se secteur. Je suis confiant et garde bon
espoir, maintenant reste l’application. Il est urgent d’y passer.

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