Industrie auto : faut-il sauver le soldat “General Motors” ?

On le sait à présent. La crise financière peut infiltrer la
sphère réelle via le secteur automobile, lequel couve une sacrée infection. Il
faut savoir que l’industrie automobile c’est l’industrie parmi toutes qui forme
la charpente mondiale de la chaîne de valeur. Pendant longtemps, on s’est bercé
de l’illusion de la société postindustrielle articulée autour de la sphère des
services. Fiction tout cela ! Attention, ne coupez pas le moteur. Le moment est
mal choisi.

Une industrie en panne?

Pour ceux d’entre nous qui ne le savent pas, au volant d’une OPEL ou d’un 4×4 ISUZU et en Chevrolet, on roule General Motors. Le florilège des marques sous
l’aile de GM, c’est le dessus du panier de la planète auto. Et voilà que le
géant de Détroit éprouve des ratés à Wall Street. Oh, le cauchemar !. La GM,
humiliée, bafouée à la corbeille avec un cours à 1,60 dollar US et qui plus est
une perspective à zéro dollar et une consigne sans réserve : « Sell ». Dans les
bourses du dernier des pays émergents on ne trouverait pas une valeur cotée qui
traite à un cours aussi vexant. C’est un canular. C’est à peine croyable !
Naguère première entreprise du monde avec 850.000 salariés, GM, emblème de la
puissance industrielle de l’Amérique, traînée par terre. Le marché a toujours
raison disent les traders. Mais quand GM traite à 1,60 dollar, à coup sûr le
marché a perdu la raison. Le symbole de l’Amérique et les deux initiales de sa
fierté économique en mal d’existence. L’Amérique et GM s’identifiaient l’une à
l’autre. «What is good for GM is good for America», clamait haut et fort le
président Eisenhower. Le géant de Détroit était une machine de guerre à avaler
les constructeurs les plus en vue de la surface de la terre à la faveur du plan
Marshall.

Comment expliquer sa dérive, à l’heure actuelle ? Ce que l’on ne sait pas
c’est que si GM coule il y aura une terrible charrette de 3 millions d’emplois.
Toute l’industrie automobile de la planète en serait secouée. Ça va tanguer ! Or
que demande le secteur automobile américain ? Un plan de sauvetage à l’instar de
la sphère bancaire et tellement moins coûteux : 25 milliards de dollars, une
goutte d’eau, serons-nous tentés de dire, en regard du déluge des dégâts que
pourrait provoquer la disparition de GM. A l’ère de la mondialisation, est-il
concevable qu’il n’y ait pas un plan de secours international pour sauver un
patrimoine aussi glorieux si l’Amérique s’en désintéresse ?

Dear Henry !

A l’appel de détresse de l’industrie automobile américaine, Henry Paulson,
patron du Trésor US, fait la sourde oreille. Il voudrait bien dépanner la GM
mais voilà c’est une question de principe, il refuse de détourner de l’argent
destiné au sauvetage des banques au profit de l’auto. Pire que tout, on demande
au secteur de dresser son propre plan de survie pour voir si l’appel d’argent
frais est recevable. La gravité de la circonstance recommande de voler au
secours de l’automobile, première industrie du monde. Dear Henry, évitez-nous un
retour au spectacle épouvantable de la soupe populaire, please.

Un Sommet pour rien

Samedi 15 novembre, le G20 s’est réuni en urgence à Washington pour tenter
d’enrayer la crise. Il se réunira au courant du mois d’avril prochain pour
convenir d’un plan d’action avec le nouveau président américain. Sans vouloir
jouer aux cassandre, si dans l’intervalle GM prend l’eau, mais à quoi servirait
ce rendez-vous ? Bien malin qui pourrait alors endiguer la crise. On a jusque-là
cherché à empêcher la crise financière de contaminer la sphère réelle. Or la
première industrie menacée est l’industrie automobile et c’est tout de suite
qu’il faut agir. Les analystes pensent que GM sera étranglée par une
insuffisance de trésorerie à très court terme compte tenu de la chute
vertigineuse de son chiffre d’affaires. Ils prévoient que la tragédie se
réaliserait au courant du mois de décembre. Non assistance à firme en danger,
cela porte un nom !

Capitalisme : la solution française

A l’opposé de la situation américaine, les pouvoirs publics français ont eu
les coudées franches pour soutenir leur industrie menacée. Il est vrai que la
France possède une certaine tradition du capitalisme social et étatique. Un
Fonds souverain et bien doté -20 milliards d’euros- a été mis sur pied pour
recapitaliser les entreprises qui seront en difficulté. Il s’agit de les sauver
d’une déconfiture financière et dans le même temps de les protéger des raids
boursiers des prédateurs à l’affût. Face à la diligence française on ne
s’explique pas la nonchalance américaine. Les crises sont regardées de ce
côté-ci de l’Atlantique comme une fugue momentanée du système qu’il ne faut pas
contrarier. Ce serait une crise de croissance qui doit avoir lieu. Ce fatalisme
semble faire unanimité et d’ailleurs les américains donnent le sentiment de
préférer ce scénario, quoique lourd de conséquence à une parenthèse
d’interventionnisme public. Ils se font violence quand ils amènent l’Etat dans
l’arène économique. Il est vrai que le coût social des crises aux USA n’a jamais
ébranlé la société américaine. En revanche, l’Europe a toujours payé le tribut
désastreux des changements politiques qui avaient fait par le passé le lit de
l’extrême droite et de ses discours maximalistes et in fine belliqueux.

Comment ne pas voir dans l’opposition du traitement de la crise des deux
côtés de l’Atlantique une réaction de survie. Les pays de l’Euro-zone semblent
tentés par l’initiative française. Ont-ils senti le vent tourner ?